La culture du secret est manifestement bien ancrée chez certains. Il en est ainsi, semble-t-il, de notre ministre de l’Intérieur.
C’est un peu par hasard qu’AVOCATS.BE a appris qu’une réforme substantielle du Conseil d’État était envisagée par notre ministre. Et cela concerne tous les avocats mais surtout l’organisation de notre démocratie et le respect de l’État de droit.
L’idée est d’optimiser l’activité consultative de la section de législation et d’améliorer le traitement des litiges devant la section du contentieux. Qui pourrait ne pas être d’accord ?
Le Conseil d’État est une institution majeure du fonctionnement de notre démocratie. En cette période de pandémie où de nombreuses mesures prises par les divers gouvernements font l’objet de contestations, il est fondamental de maintenir et d’améliorer ce double outil qui permet une analyse des textes avant leur adoption et une analyse des dispositions prises par les autorités du pays après leur adoption.
AVOCATS.BE demande dès lors à être impliqué dans cette réflexion. C’est une fin de non-recevoir. Les parlementaires s’en émeuvent et demandent à la ministre de s’expliquer. Sa réponse est un modèle du genre de ce qui est communément appelé « la langue de bois ». Pas un mot sur la demande formulée par les acteurs de justice. C’est remarquable !
Cette réforme vise, d’après les éléments en notre possession, à notamment :
- instituer une « boucle administrative », à savoir un mécanisme visant à permettre à l’administration qui a adopté l’acte contesté de corriger cet acte en cours de procès, de manière à éviter qu’il soit annulé, ce qui va engendrer un surcroît de travail du Conseil d’État alors que la règle du retrait d’acte existe déjà
- limiter le rôle essentiel des auditeurs qui ont montré toute leur efficacité dans l’instruction des dossiers avec l’effet de simplifier et accélérer le travail des conseillers
- modifier le « référé administratif » avec, en conséquence, une augmentation significative des tâches d’instruction pour être mise en œuvre, sans, par ailleurs, améliorer la qualité du service public de la justice.
Mais, surtout, cette réforme substantielle a été envisagée sans aucune concertation que ce soit au sein du monde politique ou avec les acteurs de justice que sont les magistrats du Conseil d’État et bien entendu les avocats.
Mais il est vrai que cette réforme a aussi un relent communautaire dans la mesure où depuis une dizaine d’années, le nord du pays a choisi de se doter de juridictions administratives qui retirent aux magistrats néerlandophones plusieurs contentieux volumineux dont celui des permis d’urbanisme et d’environnement.
Il est donc important que les parlementaires se saisissent au plus vite de ce projet et qu’ils entendent les observations, pertinentes, de nos spécialistes. La note qu’ils ont préparée explique en quoi la réforme envisagée est contreproductive : non seulement elle n’apportera aucun gain de temps dans le traitement des affaires mais, en outre, elle nuira à la qualité de la justice.
Il est également important que nos élus francophones et germanophones se rendent compte des véritables enjeux de cette réforme.
AVOCATS.BE y veillera.
Xavier Van Gils
Président