Dans le magasin jaune, les jouets ignorent la peur. Ils ont connu tant d’invasions, tant de guerres, tant d’empire qui se font et se défont, tant de dictatures et de crime…
Dans le magasin jaune, les jouets savent qu’il faut, à tout instant de la vie, se jouer de la mort.
C’est l’histoire d’un magasin de jouets, dans le Paris de l’entre-deux-guerres. Lui, Gustave, est jurassien. Elle, Valentine, est bretonne. Leur fille, que l’on surnomme Quinze, sera parisienne.
Le père de Gustave a été tué à la guerre, le 10 novembre 1918. Ce n’est pas anodin.
C’est d’abord l’histoire de la reconstruction, l’essor du magasin jaune, au sein d’un rue populaire de Montmartre, dont le poumon est Le coup du rouquin, l’estaminet du coin, animé par une sorte de colosse philosophe qui se fait appeler Socrate.
Puis monte la menace, les extrémismes. Un jour de manifestation, un jeune homme ensanglanté se réfugie parmi les jouets, brisant la frontière entre rêve et réalité.
Et arrive la guerre. Gustave est vite démobilisé, non sans avoir perdu un bras. Et il se remet au travail de façon plus convulsive. Bientôt, au Coup du rouquin, vient le temps des messes basses, des conciliabules, des caucus, des secrets. Pendant ce temps, Quinze grandit, se lie avec Léa, une jeune juive, connaît ses premiers émois. Le magasin jaune sera-t-il un sanctuaire, où la paix et la douceur pourraient trouver refuge dans ce monde de cruauté ? Il faudra lire ce très beau livre pour le savoir.
Dans le magasin jaune, chacun sait que des miracles se produisent. Dans le magasin jaune, la magie opéra une fois encore : elle apporta le réconfort en séparant les deux mondes, celui du dedans et celui du dehors…
Dans le magasin jaune, on dirait que tout est possible, y compris le retour des déportés. On dirait que la guerre et l’occupation n’existent pas, que les camps et les rafles non plus. Dans le magasin jaune, on dirait que l’imaginaire devient réel, que l’on peut regarder le soleil sans se brûler les yeux, entendre une musique que personne d’autre n’entend, voir des choses que personne d’autre ne voit, et résister en refusant le monde des fous.
Ce très beau roman, fluide, joint superbement la poésie et le drame, l’innocence et l’horreur. Difficile d’imaginer que son auteur, Marc Trévidic, est le célèbre (ex-)juge antiterroriste français.
En revanche, la bande dessinée qu’il a écrite avec Matz et qu’illustre de façon très réaliste Giuseppe Liotti, est directement inspirée de sa carrière.
Dans ce premier volume (deux autres suivront), le juge d’instruction Antoine Duquesne apprend, dès l’entame, d’une part la mort (en shahid, c’est-à-dire en martyr …) – semble-t-il confirmée de source sûre – d’Abou Othman, l’un des plus dangereux pontes de DAESH, et, d’autre part, l’arrestation d’un de ses complices, Nordine Charaoui, qui prétend être revenu en France, dégouté des massacres auxquels il a dû participer.
Mais, bientôt, surgissent des soupçons. Tout cela pourrait n’être que mise en scène pour permettre le retour au pays d’une cellule de combat. Duquesne prend la décision de faire libérer Charaoui sous bracelet, dans l’espoir qu’il mène les enquêteurs à Abou Othman.
Quand on joue, on ne gagne pas toujours. C’est sans doute la ligne commune de ces deux œuvres si différentes …
Patrick Henry, Ancien président