La Tribune européenne : parce que vous le valez bien !

Pour vous aider dans votre pratique quotidienne, la Tribune européenne, qui paraît quatre fois par an, s’est recentrée sur des outils qui vous seront utiles même si vous n’êtes pas un adepte du droit européen.

D’une part à travers la rubrique « du petit plaideur européen » qui se veut un guide pratique des usages professionnels dans les autres pays européens. Sous la direction de Dominique Grisay, cette rubrique reprend tout ce que vous devez savoir si vous êtes amenés à plaider à l’étranger. Le premier volet concernait le Grand-Duché du Luxembourg,  le second visera la France avant que ne vienne le tour de l’Italie.

D’autre part, la Tribune européenne vous présente désormais la jurisprudence européenne en toutes matières. Nonobstant ce que pensent nos amis polonais, le droit européen est en effet directement applicable en droit interne et les décisions de la Cour de Justice de l’Union européenne et de la Cour européenne des droits de l’Homme représentent donc une source précieuse de jurisprudence que vous pouvez évoquer tous les jours devant les tribunaux.

Ces décisions sont d’autant plus importantes qu’elles s’inspirent de principes supérieurs que ne rencontrent pas toujours les pratiques judiciaires de notre pays, coincées entre d’étroites contraintes budgétaires, politiques et administratives.

Cette nouvelle rubrique fait donc un rapide tour d’horizon de quelques décisions de la Cour de Justice et de la Cour européenne des droits de l’Homme reprises par nos amis français dans L’EUROPE EN BREF (Délégation des barreaux de France) et il faut remercier le Président de la Délégation des Barreaux de France, Me Laurent Pettiti, et son équipe pour cette précieuse collaboration.

A titre d’exemples, 4 décisions évoquées dans le dernier numéro de la Tribune européenne du 30 septembre dernier sont reprises ci-dessous. Vous verrez qu’elles ne manquent ni d’intérêt, ni d’actualité au regard de nos préoccupations actuelles…

Consommation – droit de rétractation – question préjudicielle

Un prêteur ne peut pas exciper de la forclusion de droit lorsque le consommateur exerce son droit de rétractation ni estimer que ce consommateur a abusé de ce droit dès lors que le contrat de crédit ne contient pas toutes les mentions obligatoires exigées par la directive 2008/48/CE concernant les contrats de crédit aux consommateurs (9 septembre)

Arrêt Volkswagen Bank, aff. jointes C-33/20, C-155/20 et C-187/20

Saisie de renvois préjudiciels par le Landgericht Ravensburg (Allemagne), la Cour de justice de l’Union européenne interprète les articles 10 §2 et 14 §2 de la directive 2008/48/CE. La Cour relève que parmi les mentions obligatoires que doit contenir un contrat de crédit se trouvent, notamment, l’indication claire et concise qu’il s’agit d’un contrat de crédit lié et qu’il est conclu pour une durée déterminée, le taux d’intérêt de retard applicable au moment de la conclusion de ce contrat ainsi que le mécanisme d’adaptation du taux d’intérêt de retard. Doivent également être mentionnés le mode de calcul de l’indemnité en cas de remboursement anticipé du prêt d’une manière concrète et facilement compréhensible pour le consommateur, les situations dans lesquelles un droit de résiliation est reconnu aux parties au contrat selon la règlementation nationale, les informations essentielles relatives à toutes les procédures extrajudiciaires de réclamation ou de recours à la disposition du consommateur ainsi que des informations complémentaires telles que leur coût. Si l’une de ces mentions obligatoires ne figure pas dans le contrat et et n’a pas non plus été dûment communiquée ultérieurement, la Cour considère que le prêteur ne peut pas exciper de la forclusion de droit lors de l’exercice du droit de rétractation par le consommateur ou estimer que le consommateur a abusé de ce droit, et ce indépendamment de savoir si ce consommateur ignorait l’existence de son droit de rétractation sans être responsable de cette ignorance. 

Droits fondamentaux – asile – rétention administrative d’une mère et son enfant - violation

Le placement en rétention administrative pendant 11 jours d’une mère et de sa fille âgée de 4 mois en vue de leur transfert vers le pays responsable de l’examen de sa demande d’asile a entraîné une violation des articles 3, 5 §1 et 5 §4 de la Convention (22 juillet)

Arrêt M.D. et A.D. c. France, requête n°57035/18

La Cour EDH relève, tout d’abord, qu’en l’espèce le nourrisson était âgé de 4 mois, que les conditions d’accueil du centre de rétention n’étaient pas suffisamment adaptées à la rétention d’un nourrisson et de sa mère et que cette rétention administrative a duré 11 jours. Partant, le traitement de l'enfant ainsi que celui de sa mère en raison des liens inséparables qui les unissent a dépassé le seuil de gravité en violation de l'article 3 de la Convention. Ensuite, la Cour EDH estime que les autorités nationales n’ont pas effectivement vérifié, conformément au régime juridique français, que le placement initial en rétention administrative de la première requérante accompagnée de son enfant mineure puis sa prolongation constituaient des mesures de dernier ressort auxquelles aucune autre mesure moins restrictive ne pouvait être substituée. Enfin, le contrôle de la légalité de la mesure de rétention et l’appréciation de la possibilité de la prolonger au-delà d’une brève période tel qu’effectué par les autorités judiciaires nationales n’a pas pris effectivement en compte les conditions concrètes dans lesquelles le nourrisson était privé de liberté. Partant, la Cour EDH conclut à la violation des articles 5 §1 et §4 de la Convention.

Droit pénal – refus d’ajournement d’une audience sans considération pour l’intérêt du prévenu - violation

Le refus d’ajourner une audience sans prendre en compte l’intérêt de la personne poursuivie à assister à l’audience est contraire à l’article 6 de la Convention (27 juillet)

Arrêt X. c. Pays-Bas, requête n°72631/17

La Cour EDH rappelle qu’il ressort du but et de l’objet de l’article 6 §1 de la Convention qu’une personne poursuivie pour une infraction pénale a le droit de prendre part à l’audience. Si sa présence n’a pas la même importance selon les procédures, il convient de prendre en compte les spécificités de la procédure en cause, les intérêts de la personne à comparaître et la nature des questions soulevées à l’audience. En l’espèce, l´avocat de la requérante a accepté une audience à une date à laquelle la requérante ne pouvait pas être présente. La juridiction nationale a refusé la demande d’ajournement de l’audience présentée en conséquence. Si un Etat ne peut être tenu responsable pour le manquement d’un avocat, l’intérêt d’une bonne administration de la justice doit toutefois être mis en balance avec les intérêts de la personne poursuivie à assister à l’audience. La Cour EDH constate que la requérante n’a pas renoncé à son droit d’assister à l’audience et estime que le rejet de la demande d’ajournement n’était pas suffisamment motivé. Partant, elle conclut à la violation de l’article 6 §1 de la Convention. 

Je vous invite donc à nous retrouver dans le prochain numéro de la Tribune européenne qui paraîtra au début du mois de décembre. 

Stéphane Boonen
Administrateur

 

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