Interview – Johan Delmulle, président du Collège des procureurs généraux et du Collège du ministère public

Monsieur le Président du Collège des procureurs généraux, depuis début septembre 2020, vous présidez le Collège des procureurs généraux et le Collège du ministère public. Pourriez-vous nous rappeler brièvement le rôle de ces deux institutions et leur fonctionnement ?

La principale mission du Collège des procureurs généraux est d'élaborer une politique criminelle cohérente. A cette fin, il donne des directives, en général sous forme de circulaires, qui s’imposent à tous les membres du ministère public. Cela permet, d’une part, de traduire des objectifs de politique criminelle au travers des décisions prises quotidiennement par les magistrats et, d’autre part, de tendre à une égalité de traitement des justiciables dans des situations similaires.

Le Collège des procureurs généraux donne également des avis au ministre de la Justice sur les directives de politique criminelle que celui-ci peut aussi adopter, ainsi que sur d’autres questions qui concernent le ministère public et le fonctionnement de la justice. Depuis la 6ème réforme de l’Etat, la concertation s’étend aux ministres des communautés et des régions dans le cadre de leurs compétences. Pensons à des matières telles que l’environnement, la protection de la jeunesse ou les tâches des maisons de justice.

Pour l'exécution de ses missions, le Collège des procureurs généraux se réunit en principe une fois par semaine, outre des réunions de concertation avec diverses instances ou partenaires.

Des tâches spécifiques sont réparties entre les procureurs généraux, par grandes matières, mais toutes les décisions se prennent collégialement. Pour préparer celles-ci, le Collège a mis en place des réseaux d’expertise. Ceux-ci sont constitués de magistrats spécialisés dans des domaines déterminés au niveau des cinq parquets ou auditorats généraux et, selon les matières, du parquet fédéral, des parquets des procureurs du Roi et des auditorats du travail, avec la participation, le cas échéant, de représentants d’autres institutions (police, maisons de justice, etc.).

Quant au Collège du ministère public, il se compose, outre des cinq procureurs généraux près les cours d’appel, du procureur fédéral, de représentants du Conseil des procureurs du Roi et du Conseil des auditeurs du travail ainsi que de secrétaires en chef.

Ses compétences se situent dans la sphère de la gestion. Cela va de questions budgétaires à la politique du personnel. A titre d’exemple, le Collège du ministère public se prononce régulièrement sur les priorités en matière de recrutements : des choix doivent être opérés dans les limites budgétaires qui nous sont imposées. Les compétences de ce collège vont s’étendre avec la concrétisation de l’autonomie de gestion du ministère public. Il devra notamment se prononcer sur les contrats de gestion qui seront conclus avec le ministre de la Justice, ainsi que sur les plans de gestion des différentes entités du ministère public et apporter un soutien à celles-ci pour leur élaboration.

Quelles sont, pour vous, les priorités auxquelles il faut que le monde politique travaille pour améliorer le fonctionnement de la justice ?

Le Collège du ministère public a rédigé un Livre blanc qui reprend ses principales priorités, notamment à l’intention du nouveau ministre de la Justice. Elles sont évidemment nombreuses mais on peut brièvement en évoquer les principales. D’abord améliorer la définition de la politique criminelle en l’orientant prioritairement vers les atteintes à l’intégrité physique des personnes, telles que les violences intrafamiliales et sexuelles, ainsi que sur la lutte contre la criminalité qui porte atteinte aux fondements essentiels de notre société, comme le terrorisme, la criminalité économique, financière et fiscale, la corruption ou encore la cybercriminalité.

Le ministère public souhaite aussi améliorer le service rendu au justiciable, ce qui doit se traduire par une réaction judiciaire proportionnée, socialement acceptable et intervenant dans un délai raisonnable.

Pour cela, nous avons besoin de moyens humains mais aussi matériels. Nous voulons moderniser notre gestion et acquérir plus d’autonomie dans la définition de nos moyens.

Nous insistons beaucoup sur les outils informatiques qui ne sont pas à la hauteur d’une justice moderne. Ainsi, la réalisation du dossier digital constitue une priorité essentielle du ministère public, nécessairement interconnecté avec tous les partenaires judiciaires, dont le barreau.

Que pensez-vous de la demande formulée par les avocats de disposer d’un accès aux dossiers répressifs de manière numérique depuis leurs bureaux ? Est-il vrai que le Collège des procureurs généraux est très réservé et si tel est le cas, pourriez-vous en préciser les raisons ?

Il n’est pas exact que nous soyons réservés sur un accès digital aux dossiers répressifs. Au contraire, nous avons tout intérêt à sortir du traitement papier de nos dossiers qui fait perdre beaucoup de temps et complique notre travail alors que l’on préconise par ailleurs un recours plus intensif au télétravail. La période transitoire est compliquée. Certains processus de gestion des dossiers répressifs sont déjà informatisés. Par contre, lorsqu’il faut scanner manuellement des dossiers volumineux, cela peut constituer une importante difficulté dans nos parquets qui manquent de personnel. Au départ, les procès-verbaux sont établis sur un support électronique. Les imprimer, puis les scanner, c’est tout sauf efficient…

En vous adressant aux 8.000 avocats francophones et germanophones, quel message voudriez-vous leur faire passer et quel message voudriez-vous également faire passer à leurs institutions (Ordres locaux et AVOCATS.BE) ?

Pour le ministère public, les avocats sont avant tout des partenaires privilégiés avec lesquels nous avons des rapports journaliers. Il importe donc que la concertation vive et se développe, particulièrement dans un moment de mutation technologique comme c’est le cas actuellement.

Certains considèrent encore que le barreau et le ministère public sont des structures concurrentes. Ce n’est pas ma vision. Je suis au contraire partisan de plus de dialogue et d’échanges de vues suivis, car si nos univers sont différents et se connaissent parfois mal, nous faisons œuvre commune et nous devons évoluer vers un meilleur partenariat dans le respect de nos missions respectives. Autour de certains objectifs, tels que la lutte contre l’arriéré judiciaire, la simplification des procédures et le développement d’une justice utilisant les outils numériques sans perdre son humanité, je suis certain que nous pouvons nous retrouver.

Fondamentalement, procureurs et avocats, chacun dans nos rôles, nous contribuons à défendre l’Etat de droit et l’accès à une justice juste et efficace pour tous, y compris les plus faibles. Ces valeurs nous rassemblent.

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