A chaque livraison de la Tribune, nous tenterons de vous rappeler certains principes de déontologie par des exemples pratiques.
Il ne s’agira pas de faire le tour du sujet mais de porter à votre attention un point particulier de nos règles.
Aujourd’hui, le titre d’avocat honoraire et ses implications….
1. Le cas
Briguer l’honorariat, compris comme étant la distinction conférée à certains membres de professions libérales qui quittent définitivement leurs fonctions et qui leur permet de conserver leur titre et certaines prérogatives, n’est pas un acte anodin ou le simple paiement d’une cotisation quelconque.
Or beaucoup de nos confères qui quittent le métier en vue d’une réorientation de leur carrière ou dans le cadre de la fin de leurs activités professionnelles n’en sont pas toujours conscients.
2. Les éléments de réponse
On oublie souvent que la base de la règlementation en ce domaine se trouve dans le code judiciaire.
Ainsi les articles 436 et 443 du Code Judiciaire reprennent les principes à savoir qu’il faut être inscrit au tableau durant dix ans au moins, qu’il ne faut plus exercer la profession d’avocat, qu’une cotisation peut être demandée.
Mais plus encore car le/la récipiendaire de cette distinction reste soumis à une « surveillance » du barreau puisqu’ en cas de manquement aux règles de probité et de délicatesse ou aux conditions de l'octroi du titre, l'autorisation de porter le titre d'avocat honoraire peut être retirée en tout temps par le conseil de l'Ordre qui l'a accordée, l'intéressé appelé ou entendu; celui-ci a la faculté de se faire assister d'un conseil. La décision n'est pas susceptible d'opposition.
Le code de déontologie, en ses articles 9.1 à 9.8, précise en outre certaines notions.
Ainsi, pour prendre sa décision, le conseil de l’Ordre tient compte notamment du passé professionnel du requérant, des activités qu’il a exercées et du motif de leur cessation, de celles qu’il exerce ou va exercer, de leur rapport avec une discipline juridique et des raisons pour lesquelles il sollicite l’accès à l’honorariat.
Le conseil de l’ordre peut, pour circonstances exceptionnelles, accorder l’autorisation de porter ce titre pour des avocats qui n’ont pas atteint les dix ans d’inscription au tableau.
Bien entendu, pour obtenir ce titre, il ne faut plus être inscrit à un tableau d’un barreau belge ou étranger.
Mais en outre, la demande s’accompagnera d’un engagement sur l’honneur :
- de ne pas accomplir d’actes entrant dans l’exercice de la profession d’avocat, y compris la consultation, rémunérés par des honoraires, sans préjudice du droit des notaires et des professeurs d’université de donner, en ces qualités, les consultations qui leur seraient demandées ;
- d’éviter toute confusion entre la qualité d’avocat honoraire et celle d’avocat inscrit au tableau de l’Ordre ; de ne faire notamment usage du titre d’avocat que sous la forme d’avocat honoraire et de ne pas apposer sur sa demeure la mention de ce titre ;
- de ne pas faire usage ou de ne laisser faire usage du titre d’avocat honoraire qu’avec circonspection et discrétion spécialement à l’occasion d’activités lucratives.
Il est à noter qu’il a déjà été admis qu’à titre exceptionnel et pour autant que ce soit de manière bénévole qu’un avocat honoraire plaide pour compte d’un autre avocat devant un tribunal arbitral dans le cadre d’un litige d’honoraires.
La question a également été posée de savoir si un avocat honoraire devait, dans le cadre de sa représentation personnelle en justice, se faire assister par un avocat.
La réponse fut négative pour autant que l’avocat honoraire s’abstienne de faire état de sa qualité. (in Recueil des règles professionnelles du barreau de Bruxelles, Ordre français, Anthemis, 2019, p.700)
Une fois accepté, l’avocat honoraire sera porté, par rang d’ancienneté fixé par la date de son serment, à une liste insérée à la suite du tableau, immédiatement après la liste des avocats stagiaires.
Préalablement à sa demande, le requérant n’aura pas oublié de remplir les conditions fixées aux articles 10.1 du code de déontologie concernant la fin de l’exercice de la profession à savoir :
- en aviser au plus vite son bâtonnier,
- procéder à la liquidation ou à la cession de son cabinet,
- en aviser ses clients,
- veiller à procéder à la clôture ou à la reprise de son ou de ses comptes de qualité,
- organiser la conservation de ses archives,
- faire rapport de tout cela à son bâtonnier.
En outre, si cet avocat avait des dossiers en aide juridique, il n’omet pas de prévenir le bureau d’aide juridique et peut proposer au BAJ un successeur (6.1 du compendium).
Le BAJ désignera un avocat pour autant que le justiciable bénéficie encore de l’aide juridique de deuxième ligne.
L’avocat transmet son rapport dûment complété et accompagné des pièces justificatives au BAJ et a droit aux points pour ses prestations effectuées.
L’avocat successeur se verra également attribuer des points pour ses prestations fournies.
L’addition des points de l’avocat succédé et de l’avocat successeur ne peut, en principe, dépasser le nombre de points prévu dans l’arrêté ministériel.
Enfin, cerise sur le gâteau, l’avocat honoraire a libre accès à tous les locaux réservés aux membres de l’Ordre, notamment à la bibliothèque du barreau (9.8 du code de déontologie).
Jean-Noël BASTENIERE
Avocat au barreau du Brabant Wallon
Membre de la commission déontologie