Exécution des peines - Table ronde consacrée au rôle des maisons de Justice et autres services extérieurs

Le 27 janvier 2023, j’ai eu l’opportunité de représenter AVOCATS.BE lors de la table ronde organisée par le Ministre de la Justice et son administration1.

Le thème de cette table ronde portait sur les partenaires externes. Dans le cadre du thème plus général de la surpopulation carcérale, il était effectivement indispensable de parler du rôle des maisons de Justice et des autres services extérieurs.

Cette table ronde a été l’occasion de réunir plusieurs acteurs afin de pouvoir mieux comprendre les articulations de travail entre les maisons de Justice et les services extérieurs d’une part et les prisons, les avocats ou encore les tribunaux de l’application de peines, d’autre part.

La discussion a ainsi pu être nourrie par des membres de la magistrature assise et debout, par la Directrice générale adjointe du Service Général Justice et Justiciable (AGMJ, FWB), par la Cheffe du Département Maisons de Justice du Ministère de la Communauté germanophone, par une psychologique de la DG EPI, par l’Administratrice générale de l’Administration des Maisons de Justice, par la Directrice régional Sud DG EPI, par la responsable de la division aide et service de l’Agence Justitie en Handhaving, par le responsable  du centre de la surveillance électronique de cette Agence et par notre confrère du barreau d’Hasselt, Me Philip Daeninck.

En guise d’introduction, des chiffres intéressants ayant trait à l’activité des maisons de Justice ont été relevés. 

Ces chiffres, disponibles ici tendent à montrer la diversité des activités des maisons de Justice parmi lesquelles les missions pénales (réalisation de l’enquête sociale et du rapport d’information succinct, la guidance des probationnaires, le suivi des peines de travail autonome (PTA), etc.), les études sociales en cas de désaccord familial et l’accueil des victimes. 

Depuis la communautarisation des maisons de Justice en 2015, on constate une augmentation constante du nombre de mandats (excepté en 2020 en raison de la crise sanitaire). Il y a une forte augmentation pour les guidances, les suivis et la médiation ainsi que pour l’accueil des victimes. 

Les chiffres montrent également une diminution globale des enquêtes sociales et des rapports d’informations succincts. Ces rapports ont quasiment disparu en ce qui concerne la PTA et la LC comme alternative à la détention préventive. Ceci interroge la possibilité pour un magistrat d’être suffisamment éclairé quant à la situation du justiciable. Madame Jonckheere soulevait dès lors, à juste titre, que les avocats pouvaient endosser, malgré eux, un rôle d’information à l’égard des magistrats.

Enfin, un autre constat interpellant est que l’augmentation de la libération sous conditions comme alternative à la détention préventive n’a pas permis d’endiguer la population en détention préventive. Il ressort donc des chiffres présentés qu’un usage accru d’alternatives à la détention préventive n’entraine pas nécessairement un usage modéré du recours à celle-ci. Par ailleurs, les détentions préventives deviennent de plus en plus longues.

Le débat était ensuite articulé en deux parties. La première partie portait plutôt sur la préparation à la sortie de prison (phase de détention) tandis que la deuxième partie avait pour sujet le processus après la sortie de prison avec ou sans surveillance électronique (phase en libération anticipée).

Deux modérateurs étaient présents pour animer le débat : Alexia Jonckheere et Eric Maes (chercheurs à l’INCC).

Pour ma part, intervenant dans la partie relative à la phase de détention, j’ai soulevé que notre rôle en tant qu’avocat était assez limité. Si notre apport est incontestable lors de la plaidoirie devant les juridictions d’instruction ou les juridictions de fond, il l’est beaucoup moins au stade de la préparation à la sortie ou dans le cadre de l’exécution d’une peine alternative. Nous arrivons bien souvent en bout de course, soit parce que notre client n’a pas (ou partiellement) exécuté la peine de travail, soit parce qu’il n’a pas respecté les conditions probatoires assorties à son sursis ou fixées avec son agent de probation dans le cadre de la peine de probation autonome. De même, il n’est pas toujours facile, voire impossible de connaitre, avant la consultation du dossier du TAP, le contenu des différents rapports rédigés par les maisons de Justice. Il serait donc intéressant de clarifier les relations entre l’avocat et les assistants de justice mais également que nous soyons vus comme des personnes « ressources » tout au long de la phase de détention et de préparation à la sortie.

De même, nous pouvons avoir un réel impact au niveau du libellé des conditions que nous soumettons au tribunal dans le cadre d’une mesure probatoire ou dans le cadre d’une demande de libération conditionnelle ou de surveillance électronique. En effet, l’un des intervenants soulevait la pénibilité de certains dispositifs conditionnels pour les détenus, à la fois au niveau du contenu des conditions et à la fois dans le temps. Certains détenus ne comprennent pas toujours le sens des conditions qui leur sont imposées et ne savent plus se retrouver dans les comptes qu’ils doivent rendre à la société. 

Ainsi, il est important lors de nos plaidoiries de continuer à individualiser les conditions que l’on suggère, de les formuler de manière claire et de poser également la question de leur limitation dans le temps. Bien souvent, les peines sont assorties d’un sursis avec la durée maximale de cinq ans et cela peut parfois conduire à un essoufflement de la part du détenu mais également au niveau de la guidance.

Cette table ronde a permis de constater que la plupart des intervenants arrivaient aux mêmes conclusions :

  • une extension du filet pénal toujours présente, 
  • une augmentation des différents mandats au sein des maisons de Justice alors même qu’il n’y a pas de baisse de la population pénitentiaire,
  • des listes d’attente toujours plus longues,
  • un risque de « surpopulation » au niveau des mesures alternatives à la détention préventive et à la peine d’emprisonnement.

Plus que d’apporter de réponses à la problématique de la surpopulation, cette table ronde a été l’occasion de montrer que l’inflation pénale et la politique criminelle ont des conséquences négatives à tous les niveaux et auprès de tous les acteurs de terrain.

Nous ne pouvons qu’espérer que ces tables rondes soient l’occasion de repenser de manière plus globale notre système pénal.

Alix Burghelle-Vernet
Avocate au barreau de Bruxelles

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1 Il s’agit de la 5e table ronde organisée à l’initiative du ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne autour du thème de la surpopulation carcérale.

A propos de l'auteur

Alix
Burghelle-Vernet
Avocate au barreau de Bruxelles

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