Etats généraux de la famille du 6 septembre 2018
Atelier : Aliments entre époux et ex-époux
« De la faute dans le devoir de secours et l’impact de l’indemnité d’occupation à titre gratuit au maintien ou disparition du train de vie dans la pension alimentaire après divorce »
(partie 1)
L’incidence de la faute des partenaires dans le cadre de l’appréciation du devoir de secours entre époux.
Base légale du devoir de secours entre époux, les différents points qui seront abordés : l’arrêt de la cour de cassation du 5 juin 2014, la notion de faute qu’il faut déduire de cette jurisprudence et qui continue à s’appliquer et l’incidence que pourrait avoir une décision se prononçant sur la notion de faute sur des procédures ultérieures.
La base légale ce sont 2 articles : l’article 213 du Code civil et l’article 221 du Code civil.
L’article 213 : les époux ont droit d’habiter ensemble, ils se doivent mutuellement fidélités, secours et assistance et l’article 221 : chacun des époux contribue aux charges du mariage selon ses facultés. A défaut pour l’un des époux de satisfaire à cette obligation, l’autre époux peut sans qu’il ne soit besoin de prouver une faute, sans préjudice du droit des tiers, de faire autoriser par le Tribunal de la famille, à percevoir, à l’exclusion de son conjoint et dans les conditions limites que le jugement fixe. Les revenus de celui-ci et ceux qu’il administre, en vertu du régime matrimonial ainsi que tout autre par des tiers.
Est-ce que cette disposition particulièrement à l’article 221 qui insiste sur le fait que la personne sollicite le paiement de secours alimentaire ne doit plus prouver la faute de son partenaire implique que l’on exclue définitivement la question de la faute des partenaires en général par rapport à ce secours qui serait demandé ?
La Cour d’appel de Gand, dans un arrêt du 29 mars 2012, a refusé de prendre en considération le moyen d’un débiteur d’aliments selon lequel il y avait lieu d’avoir égard à la faute qui aurait été commise par l’épouse qui sollicitait le paiement d’une provision alimentaire. Cette décision a été soumise à la censure de la cour de Cassation qui dans son arrêt du 5 juin 2014, a reprécisé les principes lorsque les époux vivent séparément. Elle a insisté en disant que lorsque les époux vivent séparément à la suite d’une décision judiciaire ou d’une procédure en divorce qui suspend automatiquement l’obligation d’habiter ensemble, l’époux qui réclame une contribution alimentaire ne doit pas prouver que le début et la persistance de la séparation ne lui sont pas imputables. Toutefois, l’autre époux est libre dans ce cas d’apporter la preuve que le début ou la persistance de la séparation, fût-elle partielle, est imputable à l’époux qui réclame une contribution alimentaire.
En conséquence, par rapport à l’arrêt qui était soumis à sa censure, l’arrêt qui considère qu’il n’y a pas lieu d’examiner des motifs qui ont donné lieu au divorce et qui décide que le demandeur est tenu de payer à la défenderesse une pension alimentaire de 300 €/mois sans examiner si le début ou la persistance de la séparation sont totalement ou partiellement imputable à la défenderesse ne justifie pas légalement sa décision.
Donc, la cour de Cassation réitère sa jurisprudence par rapport à la possibilité pour le débiteur d’aliments d’invoquer une faute qui priverait le créancier de pouvoir revendiquer le secours.
Le problème qui se pose, c’est que la cour de Cassation n’a pas précisé ce qu’il fallait entendre par faute ou le sens de ses dispositions.
Alors, la doctrine a été divisée sur la question. Pour certains, seule une faute grave peut être prise en compte. Cela se justifie, c’est un examen un peu scrupuleux bien évident car toute faute ne sera pas prise en considération, on prendra en considération une faute grave étant en lien causal avec la désunion irrémédiable. Cette position s’explique par la cohérence de la modification du régime du divorce où on a entendu exclure sur une faute des débats et cela s’inscrit dans ce cadre, ou finalement on tend à ne plus faire intervenir cette notion de faute à tout le moins par rapport au débat relatif au divorce.
Une autre partie de la jurisprudence a considéré au contraire que le législateur n’a pas entendu modifier lors de l’année 2017 le régime d’une voie de secours et que par conséquent rien ne permet de raisonner par analogie avec le régime de la faute grave qui est reprise elle dans le cadre de l’article 301 du Code civil.
Donc, là, on serait tenté de dire que toute faute, à priori, peut rentrer en ligne de compte pour priver le créancier de ses droits .
La jurisprudence a été finalement le reflet de cette division doctrinale. La cour d’appel de Liège a considéré, dans un arrêt du 13 avril 2016, qu’une épouse qui a fait un constat d’adulte, après une séparation et puis une réconciliation est responsable partiellement de la séparation du couple et de son maintien malgré l’ancienneté de la désunion puisque le couple s’était séparé depuis un certain temps, même s il s’était réconcilié et que les motifs de cette réconciliation étaient essentiellement financiers. Donc, c’est une appréciation très large de la notion de faute.
Par la suite, la cour d’appel de Liège, dans un appel du 9 février 2015 a considéré au contraire que l’épouse qui ne dément pas une relation adultère mais qui précise que la relation conjugale s’était déjà détériorée depuis plusieurs années en raison d’un climat de violence physique ou psychique est admise au secours alimentaire. Dans ce cas-là, on tient compte effectivement de ce lien entre la désunion et la faute qui serait invoquée.
Le tribunal de la famille de Namur, division Namur, applique également des critères identiques que ceux prévus à l’article 301 du Code civil. Seule une faute grave en lien causal avec la rupture du couple peut être prise en considération. Tel n’est pas le cas, par exemple : d’injures ou de comportements agressifs adressés dans un contexte déjà conflictuel ou d’un adultère intervenu alors que les parties étaient déjà séparées depuis plusieurs années.
Alors, on a également parlé d’un arrêt important de la cour d’appel de Bruxelles, du 4 février 2016, qui a adopté une position encore plus tranchée par rapport à ce débat sur la notion de faute. A son estime, à l’estime de la cour, dès lors que le législateur a entendu exclure largement la notion de faute des débats relatifs au divorce, à l’exception de la problématique des violences conjugales, et que l’article 221 si on fait une lecture littérale de son libellé, n’exige pas expressément la prise en cause d’une faute, cette question ne devrait plus être abordée dans le cadre de l’examen de la demande de pension alimentaire fondée sur le droit de secours entre époux.
Donc là, on exclut carrément la notion de faute de tous ces débats.
De Nathalie Dandoy, que l’on a entendu ce matin, je me suis inspirée de son article entre autre pour balayer un petit peu l’état de la jurisprudence et j estime qu’il n’est pas déraisonnable d’exclure complètement la notion de faute de l’appréciation du devoir de secours entre époux parce qu'on pourrait considérer que si vraiment, tant que dure le mariage,il y a un comportement grave qui serait connu par un des époux, l’autre pourrait obtenir très rapidement une décision de divorce et dans ce cas-là, le devoir de faute serait limité dans le temps. Sachant même que le devoir qui aurait été servi pendant la durée éventuellement de la procédure pourrait aussi être réévaluée sur la base éventuellement de la théorie de l’abus de droit. Ce qui permettrait éventuellement d’affranchir le débiteur d’aliments de toute obligation de paiement en raison d’un comportement excessif sans avoir égard à la problématique de la faute.
Une question importante, qui n’a pas été abordée ce matin, c’est la question de l’incidence de l’appréciation de la faute dans le cadre de l’exercice du devoir de secours sur cette procédure ultérieure. La cour d’appel de Bruxelles, dans son arrêt du 4 février 2016, avait comme argument pour s opposer à l’appréciation de la faute, notamment évoqué le fait que le risque (risque procédural), c’est que la décision qui serait prise par le juge saisi par la question du devoir de secours entre époux puisse s’imposer à d’autres procédures.
Cette question-là posait problème pour la cour et constituait un argument pour justifier sa position de refus. Il faut savoir, que depuis le 1er septembre 2014, le tribunal de la famille statue contrairement à l’ancien régime, de manière définitive, en ce qui concerne les obligations alimentaires, ce qui implique que ces décisions ont autorité de chose jugée et elles s’imposent au juge qui serait éventuellement amené à connaitre la problématique d’une pension après-divorce fondée sur l’article 301 du Code civil, particulièrement dans le cadre de l’appréciation de la fameuse faute grave qui serait débattue pour obtenir une pension après-divorce.
Nathalie Dandoy dans son article paru à la Revue du droit familial de 2016 estime que c’est heureux, finalement, que l’on ait égard à cette autorité de chose jugée pour ne pas soumettre à nouveau des débats similaires devant une juridiction, cela ne poserait pas un problème procédural retenu pour exclure toute notion de faute.
Le tribunal de la famille de Namur, qui a été saisi d’une demande de pension après-divorce, a considéré dans une décision du 5 décembre 2016, ceci : la question se posait justement de l’autorité de chose jugée d’une décision d’un arrêt de la cour d’appel qui avait statué qu’en aux secours alimentaires et le juge était saisi de la question de la pension alimentaire après divorce et le plaideur de dire : « Cette question de la faute grave a déjà été analysée par la cour d’appel de Liège et elle s’impose à vous de manière telle que l’épouse fautive ne peu plus revendiquer une pension après divorce ».
On a réexaminé la notion d’autorité de chose jugée, se fondant sur la doctrine de Jean-François Van Drooghenbroeck et on écrit que pour déterminer la portée probatoire de l’autorité de chose jugée, il ne s’agit pas tant de rechercher s’il y a identité totale du rôle d’objet et de cause que de déterminer le contenu de la contestation nouée nécessairement dans le respect du contradictoire, le dictum judiciaire invoqué ou remis en cause dans le nouveau procès, répondrait bel et bien au procès antérieur à la même question litigieuse qui a été posée. La vérification s’effectue dès lors sous le contact de la réapparition des mêmes questions litigieuses soigneusement circonscrites en raison de la contestation.
On fixe le cadre qui permettrait d’avoir égard aux effets d’une précédente décision. Il faudrait que le contexte actuel soit le même si on invoque d’autres moyens .
Le tribunal a considéré, par conséquent, et sur base de cette analyse, qu’à partir du moment où la cour d’appel de Liège, amenée à statuer sur une demande de recours alimentaire formulée par l’ex-épouse, a considéré en appliquant les principes régissant la faute grave pour autant que la première juridiction fonde sa jurisprudence l’appréciation de la faute, similaire à celle prévue à l’article 301 – c’était le cas en espèce – que celle-ci n’y avait pas droit au motif qu’elle avait quitté la résidence conjugale pour s’installer avec un tiers et que comportement fautif est à l’origine de la séparation et de son maintien.
Le tribunal saisi de la demande de pension alimentaire après-divorce ne peut plus, étant tenu par l’autorité de chose jugée dudit arrêt relativement à ladite faute ne fusse qu’examiner le débat sur celle-ci dès lors qu’elle est acquise définitivement, elle s’impose à lui au titre de l’autorité de chose jugée. Il s’ensuit que la demande de pension alimentaire après divorce ne peut être accueillie, n’étant pas recevable au regard du prescrit de l’article 23 du Code judiciaire.
Une simple critique que je me permets de faire par rapport à cette décision, c’est le fait de juger que de part, effectivement, les faits de l’autorité de faute jugée, la demande de pension alimentaire est jugée ici « irrecevable ». Cela m’apparait mal sain, pourquoi ? Parce que même si une juridiction statue sur la notion de faute grave dans le cadre de ce recours, le juge saisi de la demande de pension alimentaire après-divorce dispose d’une possibilité d’appliquer quand même une pension alors que cette faute grave serait établie, serait même en lien causal avec la désunion irrémédiable. Donc, quelque part, appliquer systématiquement une sanction d’irrecevabilité sans permettre des débats au fond sur l’éventuelle incidence de cette faute serait assez malsain.
C’est la seule observation que je fais par rapport à cela.
Saisissant au vol les données qui nous ont été soumises ce matin, en ce compris un arrêt de la cour d’appel de Bruxelles du 19 septembre 2017, statuant dans le cadre du secours du droit de secours entre époux.
La notion de faute grave - en lien avec la séparation du couple- cela c’est l’examen de la notion de fond. Mais, c’est que la sanction qu’il y aurait lieu d’appliquer ne signifie pas nécessairement, si on réfléchit par analogie, avec le régime prévu à l’article 301 qui, forcément si faute grave il y a et si elle est en lien avec la désunion, tout devoir de secours ne sera du.
Je pense qu’effectivement cette décision est assez originale par rapport à son régime de sanction.
Si on applique cette jurisprudence stricte, il y aura encore un effet plus fort d’autorité de chose jugée, parce qu’à ce moment là il y aura non seulement à apprécier selon les mêmes critères la notion de faute grave mais également l’incidence que ça pourrait avoir sur un devoir de secours. Alors là, je comprendrais mieux la décision qui dirait, dans ce cas-là, si vous me saisissez à nouveau de la faute mais également de l’opportunité d’appliquer la sanction « du non-paiement d’un devoir de secours », à ce moment, effectivement, il sera plus difficile sauf éléments nouveaux (moyens qui n’auraient pas été invoqués) de considérer cette demande comme recevable.
***
Me Françoise Bastin, avocat au barreau de Charleroi, prend la parole :
La loi sur le tribunal de la famille prévoit donc que c’est le même juge qui traite de toutes les questions qui concernent un même dossier de même famille. Nous sommes de plus en plus souvent amenés à statuer dans des dossiers où nous sont demandés en même temps le devoir de secours et la pension entre divorce, puisque le divorce, maintenant n’est plus qu’une formalité.
Je me pose la question sur la schizophrénie des juges qui devraient dans cette hypothèse-là s’occuper de la faute dans un cas, pas dans l’autre, tout en ayant connaissance de l’ensemble de la même situation, des mêmes faits, qui sont décrits, avec bien sur des moyens différents, mais une situation factuelle unique.
C’est vrai que je comprends bien les objections relatives au fait qu’on ne peut pas appliquer le même raisonnement pour le devoir de secours que pour la pension après-divorce. Je me demande, en pratique, comment peut faire un juge face à un dossier où il examine les notions en même temps.
Je n’ai pas de réponse définitivement parce qu’à Bruxelles ce type de problématique peut être connue par 16 juges différents. Il faudra un peu de temps pour que tous se mettent d’accord.
Réponse de M. Henrion :
Que va-t-on plaider devant le juge ? Quels sont les moyens qu’on invoquera ? Invitera-t-on le juge à se prononcer sur une faute grave ? Une faute grave en lien avec la désunion immédiate dans le cadre du secours ?
Quelque part, c’est en fonction de qui serait aidé devant le juge pour autant que le juge effectivement adopte une jurisprudence qui s’inscrirait plus dans le sens où on retient dans le devoir de secours à tout moins une faute grave, où on accueille moins légèrement la faute dans l’esprit de l’évolution législative au divorce. En fonction de cela, on situerait les choses et on verrait plus clair…
Remerciements à Monsieur Henrion, remplaçant de Madame Cattarin, juge au tribunal de la famille de Dinant mais nommée entre temps juge d’instruction.
Il a été aussi abordé le matin la notion de train de vie dans le cadre du devoir de secours. Ce qui est tout de même intéressant car nous allons retrouver avec Madame Schyns la notion de train de vie dans le cadre de la pension alimentaire après divorce et la notion du train de vie dans le cadre du devoir de secours, comme s’il n’y avait pas de séparation.
Quand vous avez un époux qui a ses revenus et puis, l’épouse est femme au foyer, ils ont fait ce choix-là. On a là un ménage moyen, à Charleroi, qui a 2.000 €. Et puis, les parties se séparent et, on est toujours en cas de devoir de secours, du fait de la séparation, l’épouse va pouvoir percevoir soit : le RIC soit des allocations de chômage (1.100 € si elle est chef de ménage, etc…).
Comment fait-on ces calculs ?
C’est une question qui revient puisque c’est même train de vie comme s’il n’y avait pas séparation. On a 2.000 € pendant la vie commune, elle a ses allocations de chômage ou de RIS mais qu’elle n’aurait pas si elle n’avait pas eu de séparation. Donc, nous avons un « package » mais qu’il faudrait ventiler avec les charges (cela est assez pertinent). Sinon, on a 2.000 qu’on ne peut même pas diviser strictement par 2. Cela fait peut-être un disponible pour chacun de 1.000 et quand vous avez l’épouse qui vient avec sa demande de devoir de secours et qui dit : « Mais moi, je n’ai que 1.200 € alors que dans la vie commune mon mari en gagnait 2.000, etc… ». Pour expliquer que finalement, elle à 1.200 €, soit 200 au-delà des 1.000. Cela n’est pas toujours compris.
Comment régler cela ?
Attention, dans ce qui est exposé, elle a des indemnités chômage supérieures au disponible du temps de la vie commune et même en faisant un divisé par 2. Mais c’est vrai qu’il a la charge de logement qui vient pondérer.
Au C.P.A.S. lorsque la personne a un revenu d’intégration et qu’elle a un recours alimentaire, en fait il est déduit. Donc en fait, il est payé par le débiteur pour qui s’est une charge, mais pour elle, elle n’a rien de plus. Ce n’est pas toujours le cas, le C.P.A.S. ne réclame pas toujours
Dans le cas d’allocations de chômage, cela n’a pas d’impact. Mais, il y en a un lorsque le débiteur paie parce qu’il maintient un taux de chef de ménage.
Dans une demande 229 § 1 subsidiairement 3, nous renonçons au paragraphe 1, pendant la procédure, et il est prononcé sur le paragraphe 3. Cela ne l’empêche pas après dans le cas de la demande de pension après divorce d’évoquer les faits d’adultère.
A mon avis, cela s’interprète comme une renonciation à faire valoir ces éléments-là, en se disant : il y a un autre moyen d’avoir la désunion irrémédiable. On va prendre le moyen le plus facile et va pas commencer à s’énerver sur la liste de reproches à faire les uns aux autres.
L’effet inverse serait l’effet qui a été justement que le législateur a voulu prévenir c’est que la notion de faute alors revienne dans les débats, soit 229 § 1. Alors, on est reparti comme au paravent.
Il faut bien fixer le cas dans lequel la question se pose par rapport au secours alimentaire. N’importe qui ne peut pas évoquer cela, c’est simplement celui qui a intérêt à le faire. Celui qui réclame les aliments n’a pas à établir une faute de l’autre. Celui qui doit les servir peut établir s’il y a une faute grave.
Maintenant, moi je dirai, je ne sais pas ce qu’en pense Madame Schyns, c’est que si on a introduit, comme on le fait souvent, à titre principal le 229 § 1, à titre subsidiaire le paragraphe 2 et ensuite le paragraphe 3… Si par rapidité pratique et simplicité en cours de procédure on peut retomber sur le paragraphe 2, ce n’est pas pour cela, à mon sens, qu’on renonce. Si on ne prononce pas le divorce sur le paragraphe 1 mais ce n’est pas pour cela qu’on renonce aux possibilités de l introduire sous d autres bases .
***
(partie 2)
Paragraphes 2 et 3 de l’article 301 du Code civil, qui a été réformé en 2007.
Il faut bien faire la différence entre les deux, puisque le paragraphe 2 consiste à rechercher qui est titulaire du droit à la pension après divorce. Depuis 2007, le premier commentaire qui a été fait par le Professeur Van Gysel, qui est parmi nous, avait été très clair sur le sujet quand au fait que c’était celui qui avait la situation économique globale la plus faible qui était titulaire du droit à la pension. La cour de Cassation, l’a redit par la suite. Mais, je crois que cela s’était relativement bien figé.
Pour le paragraphe 3, il y a eu un peu plus d’errements, je vais dire.
En effet, la pension après divorce à vocation à couvrir au moins l’état de besoin du bénéficiaire, c’est-à-dire la couverture des besoins minimums vitaux. Pour pouvoir prétendre à un montant plus important, le bénéficiaire doit faire la preuve de la dégradation significative de sa situation économique et la question se posait évidemment de savoir, la dégradation significative de la situation économique par rapport à quoi ? De quoi parlons-nous ?
Plusieurs controverses ont agité la jurisprudence notamment la cour de Cassation.
Petit rappel : le 12 octobre 2009, la cour de Cassation rend un arrêt de principe dans lequel il ouvre très largement les vannes et on revient à l’ancien régime, à peu de choses près. La pension après divorce peut aller jusqu’à la compensation du train de vie. Conséquence de cet arrêt : d’une part, le bénéficiaire peut obtenir le maintien du train de vie commune et d’autre part, la dégradation significative de la situation économique peut résulter, soit du mariage et des choix opérés par les parties durant le mariage, soit du divorce.
On a donc vu dans la jurisprudence fleurir les décisions de type : Madame, bien souvent, doit maintenant payer un loyer. C’est cela la dégradation économique de Madame. Elle va donc avoir droit à une pension après divorce, pour payer son loyer.
La cour de Cassation va opérer un double revirement dans ses arrêts du 6 février 2014 et 6 mars 2014.
L’arrêt du 6 février 2014 redit qu’il faut distinguer l’état de besoin des paragraphes 2 et 3. Un ex-époux dont la situation économique globale est inférieure à l’autre, ne peut bénéficier de plein droit d’une pension après-divorce. Il peut être titulaire du droit mais il ne va pas automatiquement avoir une pension après divorce puisque pour pouvoir bénéficier de cette pension après-divorce il va devoir démontrer son état de besoin au sens du paragraphe 3 ; c’est-à-dire, la dégradation significative de la situation économique.
L’arrêt du 6 mars 2014 rejette l’idée d’une pension étendue jusqu’au train de vie de la vie commune, et précise que la dégradation significative doit être consécutive soit au mariage sans autre limitation. C’est le critère légal. Soit, consécutive au divorce, pour autant qu’il y ait des raisons particulières. La durée du mariage, l’âge avancé du bénéficiaire, un enfant dont il faut s’occuper particulièrement et qui empêche de développer une vie professionnelle. Pas une compensation au sens part contributive. Cela faisant l’objet d’un calcul distinct.
Enfin, il y a les arrêts de la cour de Cassation du 3 novembre 2016, surtout qui confirme ce qui a été dit et du 6 octobre 2017.
On peut dégager deux critères pour l’évaluation de l’état de besoin au sens du paragraphe 3 et donc de la dégradation significative de la situation économique du bénéficiaire. Ce sera soit :
- du fait du mariage, par exemple : un conjoint a mis sa carrière entre parenthèses pour élever les enfants ou pour permettre à son conjoint de développer sa propre carrière professionnelle.
- deuxième critère : la dégradation significative de la situation économique du bénéficiaire existe en raison du divorce mais uniquement s’il y a des circonstances particulières, tel que l’âge avancé du bénéficiaire, la longue durée du mariage. Mais de nouveau, pas jusqu’à bénéficier du même train de vie que durant la vie commune et donc pas uniquement l’accroissement des charges à la suite d’une séparation. Une pension après-divorce n’égale pas le loyer à payer.
La question qui va se poser, est de savoir comment tout cela va se calculer, sur quelle base, de quoi va-t-on tenir compte ?
Je rappelle, pour mémoire, que cette pension après-divorce ne peut de toute façon pas dépasser le tiers des revenus du débiteur et que ce tiers va être calculé sur base des revenus moins les charges sociales et fiscales.
Pour établir les situations économiques, il va évidemment falloir toutes une série de pièces. Plus il y en aura, mieux cela vaudra. Des pièces inventoriées, numérotées, des pièces actuelles … On ne vient pas en 2016 avec un avertissement extrait de rôle de 2012. Les revenus, se sont bien sur les revenus professionnels. J’ai fait deux catégories de revenus professionnels : salariés ou indépendants. Il peut évidemment y avoir de grandes différences. Pour les salariés, l’ensemble des avertissements d’extrait de rôle pour la période concernée notamment les 3 derniers avertissements d’extrait de rôle. C’est ce que la cour de Bruxelles réclame et cela me parait être une bonne chose. Cela nous permet d’avoir une vision d’ensemble.
Bien évidemment, si on remonte plus haut… Les avertissements extrait de rôle c’est très bien. Mais je rappelle quand même qu’un juge ne répond pas aux pièces mais bien aux conclusions et que donc, un tableau dans les conclusions qui reprend les pièces sont à l’appui de ce qui se dit dans les conclusions.
Je sais que je parle à des gens qui le savent, m’enfin, le redire, parfois, cela n’est pas plus mal.
Les pièces viennent à l’appui de ce qui est dit dans les conclusions et donc, c’est dans les conclusions qu’il faut faire l’évolution de ce qui se passe dans les avertissements d’extrait de rôle en indiquant à côté le numéro de pièce.
Le dernier compte annuel parce que bien souvent l’avertissement extrait de rôle ne donne pas une vision de la situation du jour.
Les fiches de salaire postérieures au dernier compte annuel parce que si vous venez, par exemple au mois de mars, on n’a pas encore l’avertissement extrait de rôle. On a eu le compte annuel mais on n’a pas les premiers salaires.
Tout document justifiant prime, commission, chèques repas, avant en nature et autre revenu complémentaire. Tout ce qui permet d’établir ce que reçoive chaque partie.
Pour les indépendants, je recommande l’ensemble des avertissements d’extrait de rôle les 3 dernières années, la dernière déclaration fiscale, les annexes aux déclarations fiscales en ce compris celles qui sont liées aux avertissements extrait de rôle relatives aux frais professionnels et le dernier détail des frais professionnels. Et si l’indépendant exerce en société, les derniers comptes annuels de la société, à savoir le bilan et le compte de résultats détaillés.
Quels revenus ? Les revenus de remplacement bien sûr, la preuve des allocations de chômage ou de mutuelle, d’intégration sociale, de pension, rentes diverses, allocations d’handicapé, etc …. Tout ce qui entre dans le panier des revenus.
Les autres ressources, à savoir :
- en cas de possession d’immeubles, les contrats de location ;
- en cas de possession de capitaux, les documents bancaires. Cet aspect-là est assez « chatouilleux ». Ou alors, il vient juste d’avoir un crash, et c’est dommage, on a tout perdu !
- éventuellement, les résultats des sociétés constituées en vue de la gestion du patrimoine ;
- en cas de biens acquis par succession, la déclaration de succession. Il est effectivement important pour le juge de savoir quel est le patrimoine même s’il ne faut pas confondre capital et revenu. Ce qui sera pris en considération c’est le revenu net, bien évidemment.
- en cas de donation, l’acte authentique s’il y en a un ;
- les dividendes de sociétés ;
- les jetons de présence ;
- l’épargne pension.
Tout se qui permet de déterminer les ressources des parties.
En cas de ménage recomposé, c’est aussi une porte sensible. Il est souhaitable de savoir ce qui se passe dans le nouveau ménage. Si on ne l’est pas, c’est clair que le magistrat va se rabattre sur le partage des charges.
Par hypothèse, Monsieur vit avec une autre dame et cette dame, pour raison XY, il la prend en charge. Il a alors toutes les charges. Il n’aura pas donc intérêt à ce que l’on dise qu’il y a partage de charges. Donc, ça peut être intéressant dans ce cas là de fournir les éléments financiers du ménage recomposé.
L’incidence que cela pourrait avoir, me semble-t-il, est essentiellement sur les charges qui seraient ventées par le partenaire. Si on ne fait pas la clarté sur les revenus du compagnon effectivement on ne peut pas ventiler .Mais les charges de vie de la personne, est-ce qu’on les considère comme 50% à la suite de cette cohabitation ou est-ce que ce partenaire gagnerait des ressources supérieures de manière telle que ce serait lui qui supporterait quasiment l’ensemble. A ce niveau-là, ça a une incidence éventuellement sur le budget de l’éventuel débiteur d’aliments.
Il peut y en avoir. Mais j’ai envie de dire que dans la mesure où j’ai utilisé vos cadres « il est souhaitable de », c’est laissé à votre calcul, à votre appréciation. Ou à la générosité des parents, qui par exemple dans un dossier ont versé des rentes à l’épouse de plusieurs milliers d’euro durant les années ou le couple se disputait. Çà s’est donc retrouvé dans ses revenus.
Or, maintenant qu’elle est divorcée, les parents n’aident plus, mais cela a été publié.
Mais à partir de quelle fréquence ? Il n’y a pas de règle ?
Il n’y a pas de règle à ce niveau-là. Ce que je mettais dans les rentes diverses.
Le conseil avait invoqué en disant que ce n’était pas une rente, c’était une aide temporaire, mais il n’empêche que ça a été confirmé par la cour d’appel. L’aide temporaire a été assimilée à un revenu.
Je vous rejoins, car à la cour d’appel de Mons, j’ai un cas similaire où il y avait une aide mais qui était intervenue de la part des parents pour l’épouse dans l’attente, qui plus est, de la pension.
Maintenant, forcément, on a été en appel, le temps faisant, l’aide a été poursuivie et idem, cela a été adjoint à ses revenus. Alors qu’il a été fait valoir que l’aide était en attente de la pension. C’est donc très pertinent.
Le critère, c’est la capacité des parties à gagner des revenus. En fonction de cela, y -a-t-il lieu de tenir comptes des tiers qui seraient versées spontanément et qui pourraient s’arrêter du jour ou lendemain ? C’est un peu délicat.
On se retrouve donc dans une procédure où les parents ont aidé leur fille parce qu’ils avaient peur qu’elle n’ait pas le même train de vie. Résultat des courses, : la générosité des parents à fait que la fille s’est retrouvée avec l’aide parentale qui a été assimilée à un revenu, soit plusieurs milliers d’euros. Résultat : bec dans l’eau.
Le pire, c’est que dans l’autre cas, c’était le RIS, pour compléter pour qu’en attendant la pension alimentaire, on puisse boucler son budget. Maintenant, réflexion sur la situation, une des solutions dans un cas comme cela, c’était tout de même une aide temporaire, dans le cas d’une demande de pension alimentaire après divorce parce que le devoir de secours, c’était « foutu ». et, ont été au degré d’appel. On peut revenir en disant : « il n’y a plus d’aide ».
On revient mais en même temps, on se dit, peut-être qu’ils ont compris le subterfuge et que cette aide persiste, sous une autre forme.
Maintenant, pour revenir au compagnon ou à la compagne dans le cadre de la cohabitation, je me posais la question à Namur et à Bruxelles.
A Mons, généralement, c’est vrai qu’on module en fonction des revenus du compagnon. C’est sûr que si le compagnon a un revenu similaire, chacun à 2.000 – 2.200 €. On imagine bien qu’il a un partage par moitié des charges. Si tout à coup, le compagnon a 1.000 – 1.100, l’époux à largement 2.000- 2.500. Ils modulent. Mais donc, généralement à la cour d’appel de Mons, ils fixent l’avance. Ils majorent les revenus d’un avantage de cohabitation.
Donc, imaginons que le débiteur alimentaire à 2.000 € de revenus, la cour, si avec la compagne, c’est similaire, elle majore de 500 €.
Dans le cas des appréciations des parts contributives, où effectivement c’est un programme CCA, où on a essentiellement égard au revenu et finalement le fait de dire, l’avantage est que je ne dois pas payer de charges, je vais considérer que c’est un revenu fictif. Maintenant, ce que je considère comme majorant les revenus ou les diminuant en tenant compte des charges, le résultat est le même en définitive.
Si effectivement, on a une charge en moins ou peut considérer qu’on a une plus grande capacité contributive que si on n’avait pas charge. Je pense que c’est essentiellement dans le débat ou les enfants sont impliqués parce que là c’est pour l’injecter directement dans un programme CCA, pour effectivement majorer le coût de l’enfant.
Moi, dans la pratique, le devoir de secours est moins souvent sollicité. Il l’est de moins en moins. Parce que le divorce, est tellement rapide. Mais la pension alimentaire après divorce, un des éléments que l’on fait valoir, s’il y en a un qui vit seul et l’autre qui partage ses charges, on majore les revenus.
(débat sur la méthode Renard)
Cette méthode (méthode Renard) est une pièce dominante pour effectivement fixer le coût de l’enfant. Je pense qu’après, on fait ce que l’on veut, en fonction des revenus. Soit, on l’applique de manière aveuglément, on dit : le logiciel dit que cela sera 13.76 €. Soit, on l’utilise en disant : j’ai une idée du coût de l’enfant, les avocats plaideurs, peuvent dire : non, l’enfant coûte plus cher. A charge pour eux de démontrer. Légalement, c’est cela le critère : l’enfant.
Donc, si le coût de l’enfant est démontré, n’est pas forcément et supérieur ou coût qui résulterait de l’application, je ne vois pas comment on pourrait accepter de ne pas tenir compte de cette donnée-là.
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(partie 3)
- Présenter les charges dans un listing qui mentionne de préférence les charges mensuelles ;
- S’il y a des contrats de prêt qui ont été souscrits, c’est bien de les produire s’ils ont été conjointement souscrits durant la vie commune ;
- L’objet du prêt. Identifier s’il c’est un prêt commun, privé, professionnel…