Chères Consœurs,
Chers Confrères,
La semaine dernière, Monsieur Paul Van Tigchelt, le nouveau Ministre de la justice et vice-Premier Ministre, propulsé à ces fonctions par la démission surprise du Ministre Van Quickenborne, a participé à une réunion au Parquet de Bruxelles en présence du Procureur Général, Monsieur Delmulle.
Enfin ! Il aura fallu un attentat terroriste dramatique qui a fait deux victimes, dont le seul tort était leur nationalité suédoise, pour que le pouvoir politique à son plus haut niveau se penche sur la situation critique du Parquet de notre capitale. D’autant plus, qu’il est apparu que le terroriste en question aurait dû être expulsé (rien ne s’y opposait sur un plan juridique), mais son dossier sensible avait été oublié dans une armoire…
La cadre du Parquet de Bruxelles se compose normalement de 119 magistrats, dont seulement 95 sont placés et, parmi les magistrats en place, 13 sont absents pour maladie ! Samedi dernier, le Premier Ministre a annoncé que des mesures avaient été prises, à savoir le remplissage du cadre actuel et son passage à 124 magistrats.
Un accord serait également intervenu au sein de la coalition Vivaldi pour permettre la nomination d’un procureur du Roi et d’un auditeur du travail francophones pour l’arrondissement judiciaire de Bruxelles. L’avant-projet de loi serait justifié par le fait que ces nominations à caractère linguistiques constituent « un des éléments inextricables et indissociables de l’accord institutionnel pour la sixième réforme de l’Etat » (Le Soir, samedi et dimanche 29 octobre, page 9). Ainsi, va la Belgique.
Un évènement dramatique entraine souvent un électrochoc, une prise de conscience dont les conséquences peuvent être heureuses. Espérons que cela soit le cas pour le Parquet de Bruxelles ! Nos gouvernements doivent assumer que la protection des habitants du pays et leur sécurité constituent une fonction régalienne essentielle de l’Etat.
Il faut aussi espérer que ces mesures auront un impact significatif sur la motivation des membres du Parquet et sur les vocations de magistrats ou futurs magistrats pour rejoindre le Parquet de Bruxelles.
Les juridictions bruxelloises connaissent de nombreux déboires, car demeure également le problème des nominations aux fonctions de premier président de la Cour d’appel et de procureur général de Bruxelles.
Le 11 octobre, les commissions de nomination et de désignation francophone et néerlandophone réunies du Conseil supérieur de la justice (CSJ) ont procédé à l’audition des candidats. Pour des raisons complexes (je me réfère à l’article de Benoît Dejemeppe, « La bataille de Bruxelles », JT, 2023, p. 606), la commission néerlandophone a refusé de présenter un candidat francophone au poste de procureur général de Bruxelles, aussi longtemps que le Premier président de la Cour d’appel de Bruxelles est francophone.
Ainsi s’est créée une situation de blocage. Nous ne pouvons que regretter cette immixtion du politique dans le fonctionnement du CSJ qui fut créé pour garantir l’indépendance de la justice à l’égard du politique. Espérons que nous ne devrons pas fonctionner pour ces postes essentiels avec des chefs de corps faisant fonction.
La semaine dernière s’est terminée tragiquement avec le décès de Me Claudia Van Der Stichelen, abattue devant son domicile alors qu’elle était en compagnie de son fils victime également de la fusillade et à présent hospitalisé.
Nous témoignons toute la peine que nous cause le décès de notre consœur et adressons nos condoléances et témoignages de soutien et de sympathie à l’égard de sa famille, de ses proches, de ses collaborateurs et des consœurs et confrères de son barreau.
Sans préjuger de la cause de l’attentat, ce tragique incident nous rappelle que nous exerçons une profession difficile et délicate, pouvant être dangereuse en raison notamment des conflits passionnels auxquels nous sommes exposés et qui peuvent entraîner des réactions violentes et des troubles mentaux graves.
Votre bien dévoué,
Pierre Sculier,
Président