Le « snelrecht » a été adopté selon une procédure accélérée et sans la moindre concertation des acteurs concernés. AVOCATS.BE envisage d’ores et déjà un recours contre cette loi qui méconnaît gravement le droit des victimes et risque d’augmenter encore la surpopulation carcérale.
I. Snelrecht
a. Textes
- Amendements 36 à 38 au projet de loi justice plus humaine, plus rapide et plus ferme III (DOC 55 3322/014)
- Avis d’AVOCATS.BE
- Rapport complémentaire de la commission de la justice (DOC 55 3322/015)
- Communiqué de presse d'AVOCATS.BE
b. Développements
AVOCATS.BE a appris le 13 décembre 2023 que la majorité cherchait à fixer à l’ordre du jour de la séance plénière du lendemain le projet de loi justice plus humaine, plus rapide et plus ferme III (qui n’était pas fixé à l’ordre du jour) et à déposer à cette occasion des amendements introduisant le snelrecht ! Ces amendements étaient donc susceptibles d’être adoptés directement en séance plénière sans même avoir été examinés en commission !
AVOCATS.BE et l’O.V.B. ont aussitôt écrit aux membres de la commission de la justice pour leur indiquer que ce procédé était inacceptable pour un projet de cette importance qui devait faire l’objet de discussions en commission. Les parties concernées, dont les avocats, doivent pouvoir faire valoir leurs observations, voire même être auditionnées.
Le passage en force n’a pas eu lieu et les amendements ont été renvoyés en commission de la justice le 19 décembre 2023. AVOCATS.BE a envoyé aux membres de la commission de la justice l’avis rédigé par Laurent Kennes. L’opposition a relayé les critiques formulées dans l’avis mais les amendements ont néanmoins été adoptés séance tenante par la majorité.
Le projet a été fixé en dernière minute à l’ordre du jour de la séance plénière du 11 janvier 2024. La veille, AVOCATS.BE a diffusé un communiqué de presse critiquant sévèrement le projet. Le projet a été adopté.
II. Aide juridique de deuxième ligne
a. Textes
- Loi du 19 décembre 2023 portant dispositions diverses en matière civile et judiciaire (M. B. du 27 décembre 2023)
- Projet d’arrêté royal relatif à l’aide juridique de deuxième ligne qui exécute le projet de loi portant dispositions diverses en matière civile et judiciaire (envoyé par mail aux bâtonniers le 10 janvier 2024).
b. Développements
- Loi
La loi du 19 décembre 2023 portant dispositions diverses en matière civile et commerciale contient des dispositions en matière d’aide juridique dont le principe de la valeur fixe du point (voir les modifications des articles 508/11, 19 et 19 bis du Code judicaire qui sont entrées en vigueur le 1er janvier 2024).
- Arrêté royal
Sur proposition du ministre de la Justice Paul Van Tigchelt, le Conseil des ministres a approuvé le 22 décembre 2023 un projet d’arrêté royal relatif à l’aide juridique de deuxième ligne qui exécute le projet de loi portant dispositions diverses en matière civile et judiciaire.
Les modifications proposées dans le projet de loi se concentrent sur le renforcement du contrôle de la qualité des nominations et des dossiers soumis et leur suivi par les Bureaux d’aide juridique (BAJ), et le calcul des coûts liés à l'organisation de ces BAJ.
Les principales modifications sont les suivantes :
- La valeur du point servant de base pour l’indemnisation accordée aux avocats à la suite de leurs prestations dans le cadre de l’aide juridique de deuxième ligne est fixée à 90,36 euros et sujette à une indexation annuelle ;
- La possibilité est prévue de procéder à un deuxième paiement au cours de la même année si les crédits le permettent ;
- Les modalités du contrôle interne par les BAJ, de l'audit et de tout contrôle supplémentaire par le ministre sont clarifiées ;
- Il est précisé quelles informations le rapport annuel relatif au fonctionnement, à l'organisation et à l'évolution de l’aide juridique de deuxième ligne doit contenir et à qui il doit être transmis, à savoir le ministre de la Justice, le ministre des Finances, le ministre du Budget et le Parlement ;
- Il est précisé que les coûts de maintenance et de gestion du Registre de l’aide juridique de deuxième ligne sont inclus dans les frais liés à l’organisation des BAJ.
Le projet est transmis pour avis au Conseil d’État.
III. Plateforme numérique Consumerconnect
a. Textes
- Projet de loi portant création de la plateforme numérique pour les consommateurs "Consumerconnect", DOC55 3690
- Amendement de la majorité (voir n°10)
b. Développements
Pour rappel, AVOCATS.BE a été alerté par son service Ombudsman sur le danger que représentait le projet « Consumerconnect » en termes de respect du secret professionnel.
Le but de la plateforme étant de recueillir les plaintes de tous les consommateurs, le risque était que des plaintes relatives à des avocats transitent par la plateforme et que des informations couvertes par le secret professionnel puissent être portées à la connaissance du SPF Economie.
Un amendement visant à apaiser nos craintes a été déposé par la majorité. Il est justifié de la manière suivante :
« Dire que le SPF Économie collecte des informations “au nom et pour le compte du Service de Médiation pour le Consommateur ou d’une autre entité qualifiée pour traiter ladite demande,” donne l’impression qu’il y a une relation d’interdépendance entre le SPF Économie et les entités qualifiées. Ce n’est pas le cas.
Afin d’éviter tout malentendu à ce sujet et pour confirmer la réalité, à savoir l’indépendance complète des entités qualifiées par rapport à Consumerconnect, cette phrase devrait être supprimée.
Techniquement, les entités qualifiées ont le choix entre plusieurs options pour communiquer avec Consumerconnect:
a. Aucune intégration: une liste de coordonnées des entités qualifiées est fournie sur Consumerconnect pour les entités qualifiées qui souhaitent se limiter à ceci. Le consommateur peut y trouver l’adresse e-mail, le formulaire en ligne ou le numéro de téléphone qu’il utilise ensuite pour entrer en contact avec l’entité concernée.
b. Une solution intermédiaire (fire and forget): Consumerconnect fournit un formulaire spécifique individualisé par entité, pour les entités qui le souhaitent, qui peut être envoyé directement vers leur base de données à partir de la plateforme.
c. Une intégration plus poussée : Consumerconnect propose une solution personnalisée en fonction des questions ou propositions spécifiques de l’entité qualifiée pour aller au-delà de l’option “fire and forget”.
Chaque entité qualifiée fait son propre choix.
Le SPF Économie n’est pas une partie prenante. Les procédures intentées par le citoyen contre l’État belge (procédures relatives à la responsabilité de l’État, procédures pénales ou litiges fiscaux) ne relèvent pas du champ d’application de Consumerconnect. Si Consumerconnect reçoit des demandes de règlement extrajudiciaire d’un litige de consommation, elle devra déterminer l’entité compétente pour régler le litige spécifique. Cela signifie que le consommateur doit fournir des informations sur le contenu du litige. Bien que, dans certains cas, ces informations puissent être minimes (par exemple, en indiquant simplement le secteur dont relève son litige), il ne peut être exclu que des informations plus substantielles puissent être nécessaires afin d’orienter efficacement le consommateur vers l’entité qualifiée compétente et d’éviter les renvois incorrects.
Les agents chargés de la répartition au sein de Consumerconnect sont des fonctionnaires du gouvernement, qui sont en principe indépendants des parties et qui ne peuvent pas influencer l’issue de la procédure. Les demandes de règlement extrajudiciaire des litiges ne sont pas transmises aux services d’inspection du SPF Économie, ni à d’autres services d’inspection. Cela n’est possible que par le consommateur. Les garanties nécessaires sont mises en place afin que les parties impliquées dans un litige de consommation puissent transmettre des informations confidentielles aux entités qualifiées de manière sécurisée.
Les garanties nécessaires sont prévues pour s’assurer que l’exercice des droits d’administrateur, par exemple dans le cadre de la maintenance de la plateforme, ne peut donner lieu à aucun abus.
Prévoir que Consumerconnect affiche le statut de la demande de règlement extrajudiciaire du litige n’affecte pas le déroulement de la procédure en elle-même devant l’entité qualifiée. Le statut indique simplement si la demande a été soumise, si elle est en attente ou si elle est clôturée. L’entité qualifiée conserve toute son indépendance et le résultat de la médiation n’est pas accessible à Consumerconnect. »
Le projet de loi a été adopté en première lecture le 13 décembre 2023 (en ce compris l’amendement de la majorité) et en seconde lecture le 10 janvier 2024.
AVOCATS.BE sera attentif à la mise en œuvre concrète de la plateforme et demander à être impliqués dans cette mise en œuvre.
IV. Code pénal Livre II – Amendement relatif aux avocats
a. Textes
- Projet de loi introduisant le livre II du Code pénal (DOC55 3518)
- Amendement n°24, p. 22 : DOC 55 - 3518/3
b. Développements
A l’occasion de son audition en commission de la justice de la Chambre, l’O.V.B. avait plaidé pour que les avocats soient ajoutés à la liste des “personnes exerçant une fonction sociétale” visée à l’article 79, 4°, du projet de Code pénal.
Dans le nouveau Code pénal, les actes commis à l’encontre d’une personne exerçant une fonction sociétale constitue un élément aggravant ou une circonstance aggravante étant donné que, dans l’exercice de sa fonction, elle est obligée d’entrer en contact avec le public bénéficiaire de ses prestations.
Quelques jours après l’audition en commission de la justice, une avocate a été tuée devant son domicile en Flandre orientale.
Se référant à cet évènement dramatique, la majorité a déposé un amendement visant à insérer le métier d’avocat, notaire et huissier de justice et médiateur du VDAB, du FOREM, d’ACTIRIS et d’ADG parmi les professions reprises sous la dénomination “personnes exerçant une fonction sociétale” visée à l’article 79, 4°, du projet de Code pénal.
Cet amendement a été adopté en commission de la justice le 13 décembre 2023.
V. Administrateur de biens – avis concernant la nouvelle version de l’avant-projet d’arrêté royal sur la rémunération des administrateurs de biens
a. Textes
- Avant-projet d’arrêté royal déterminant les revenus qui peuvent être pris en compte dans le calcul de la rémunération des administrateurs ainsi que les frais et les devoirs qui peuvent être considérés comme exceptionnels
- (Nouvel) avis d’AVOCATS.BE
b. Développements
Pour rappel, AVOCATS.BE avait rendu un avis sur l'avant-projet d’arrêté royal sur la rémunération des administrateurs de biens.
A la suite des avis rendus, une nouvelle mouture de l’avant-projet a été rédigée.
Cette nouvelle version prend en considération certaines des observations formulées par AVOCATS.BE mais prend également en compte certaines suggestions de l’Union royale des juges de paix et de police avec lesquelles AVOCATS.BE est en désaccord (liste des frais qui ne peuvent être pris en compte).
Dans son nouvel avis communiqué au cabinet le 15 décembre 2023, AVOCATS.BE s’oppose à cette modification qui est contreproductive et contredit les propos tenus par le ministre de la justice Vincent Van Quickenborne lors de l’examen du projet en commission et en séance plénière.
Laurence Evrard,
Responsable des actualités législatives
Crédit photo : Oakenchips, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons