Je respecte absolument toutes les religions dès lors qu’elles ne cherchent pas à régenter la vie publique, ne limitent pas la liberté de la presse, ne criminalisent pas le rire, ne psalmodient pas des prières au Parlement, ne considèrent pas les femmes comme n’ayant leur place nulle part dans l’espace public sauf cachées, ne les brûlent pas vivantes quand elles sont considérées comme déviantes, ne discriminent pas les minorités, n’interdisant pas les enseignements scientifiques, artistiques ou historiques, ne vident pas les bibliothèques sous prétexte de ne pas offenser les croyances, n’aboutissent pas au règne de l’arbitraire, au puritanisme assuré par une police des mœurs, à la polygamie, à l’obscurantisme, à l’exclusion de tout ce qui est différent et, en définitive, à une nouvelle ère médiévale.
Dieu est une arme de destruction massive. Oui, mais, après Dieu ?
La collection « Ma nuit au musée » invite différents auteurs à se retirer une nuit dans le musée de leur choix, seuls, puis à écrire une œuvre qui leur sera dictée par cette expérience. Ils sont déjà une vingtaine à s’être prêté à l’exercice parmi lesquels Léonor de Récondo, Leïla Slimani ou Enki Bilal.
C’est au tour de Richard Malka, l’avocat de Charlie Hebdo, de s’y livrer. Il n’a pas choisi un musée à proprement parler, mais bien le Panthéon. Son souhait était d’y dialoguer avec Voltaire.
Voltaire qui disait que les tyrans avaient corrompu le monde et qu’ensuite « on inventa les prêtres pour les opposer aux tyrans et les prêtres furent pires », qu’il fallait écraser la religion qui avait « infecté le monde » car ce serait « le plus grand service que l’on puisse rendre au genre humain ». Et Malka d’ajouter, en citant le Coran : « Si ton seigneur l’avait voulu, tous ceux qui sont sur terre auraient cru. Est-ce à toi de contraindre les gens à devenir croyants ? ».
Le problème est que toute religion entraîne son fanatisme. Les chrétiens ont engendré les croisades, l’Inquisition, la colonisation ; les juifs, d’autres colons ; les musulmans, Daech ou Al-Qaïda. L’obscurantisme, les pogroms, les massacres, les génocides, les féminicides sont des corollaires de la religion.
La nature humaine est ce qu’elle est mais le théisme ne l’arrange pas. La laïcité, si. Tout n’est pas égal. Mais voilà, ne pas croire est impossible. En cinq mots, Hugo a tout dit.
Mais croire en quoi ?
Malheureusement les quelques expériences de sociétés sans Dieu n’ont pas été des réussites impressionnantes. Le nazisme, le fascisme, le communisme, dans leurs différentes variantes, n’ont pas produit mieux, c’est le moins que l’on puisse écrire. Alors, Voltaire, si ne pas croire est impossible, en quoi pouvons-nous, devons-nous, croire ?
Il est temps d’adresser une prière aux humains plutôt qu’à Dieu. Il est temps de proclamer que le fait de croire, à l’islam ou à toute autre croyance, ne justifie pas de tuer son prochain, fût-il le pire des blasphémateurs, en France comme au Bangladesh. Comment imaginer qu’un Dieu, censé être miséricordieux, puisse trouver juste d’égorger un humain pour de simples paroles, dessins, livres ou moqueries ? Quel dément déguisé en homme de foi décidera que des mots justifient d’assassiner un être de chair et de sang ?
Il est temps d’exiger que soient transmis à chaque enfant, dès son plus jeune âge, quelles que soient son origine, sa couleur et la religion de ses parents, les mots d’un premier commandement : Tu devras être libre plutôt qu’esclave. Et d’un deuxième commandement : Tu accepteras la critique de tout ce à quoi tu crois.
Il est temps, en effet. Je crains cependant que ce « temps », demain n’en soit pas la veille. Ce ne sont ni Trump, ni Poutine, ni Xi Jinping, pour ne citer que les plus puissants, qui nous y mènent.
Mais il est temps, aussi, que quelques voix s’élèvent pour s’opposer à cette déferlante de haine, pour dénoncer esclavagistes, croisés et exploiteurs.
Richard Malka est l'une de ces trop rares voix. Et il est sous statut de protection spéciale depuis dix ans…
Patrick Henry
Ancien Président
