Anne-Sarah K., par Mathieu Simonet, Paris, Seuil, 2019, 192 p., 17 €.
« - Je vous en prie, asseyez-vous là.
- Je ne vois pas : je ne sais pas où il faut que je m’assoie.
- Eh bien, ici.
Anne-Sarah a pouffé de rire. Puis elle a repris son sérieux :
- Vous voyez… Nous ne prétendons pas que les magistrats ont intentionnellement une attitude discriminatoire, nous pensons simplement qu’il y a de l’ignorance entre le monde de la justice et le monde des aveugles ; il faut créer des ponts pour que ces deux mondes se comprennent mieux, pour qu’ils apprennent à avoir un langage commun. Par exemple, vous n’osez peut-être pas attraper le bras de mon frère, avec fermeté et bienveillance, pour le conduire devant la chaise où il pourrait s’asseoir.
- Oui, je comprends bien ce que vous dites, mais il s’agit là de détails. Nous nous sommes là pour gérer des litiges, par pour régler des problèmes de politesse… même si j’entends bien que cela peut être utile de savoir où on peut s’asseoir… ».
C’est l’histoire de Mathieu, jeune avocat parisien.
C’est l’histoire de Mathieu, jeune avocat parisien et de ses amoureux.
C’est l’histoire de Mathieu, jeune avocat parisien, fasciné par l’écriture, imprégné par elle, au point d’essayer de convaincre tous ses proches d’eux aussi écrire.
C’est l’histoire de Mathieu, jeune avocat parisien et de ses amis.
C’est l’histoire de Mathieu, jeune avocat parisien et de son indéfectible amitié avec Anne-Sarah K.
C’est l’histoire de Mathieu et d’Anne-Sarah K., jeune juriste parisienne, malentendante, malvoyante, entreprenante, engageante, enthousiasmante, galvanisante, séduisante, bouleversante.
C’est l’histoire d’Anne-Sarah K., la passionaria, l’avocate des sourds et des aveugles, à la fois superwoman et si fragile.
C’est l’histoire d’Anne-Sarah Kertudo, la fille que les gens regardent, même si elle ne les voit plus guère.
J’ai adoré ce livre, que j’ai lu d’une traite, comme on regarde un film. Séduit par elle, séduit par lui, séduit par son écriture, à la fois nerveuse et légère, séduit par cette extraordinaire amitié, séduit par cette fantastique force vitale.
« La première fois que j’ai vu Anne, , c’était dans le métro. Je me souviens de ses yeux qui ressemblaient à des papillons … Anne me faisait un peu peur. Elle était plus grande que moi, portait des vêtements colorés, avait un avis sur tout.
Elle était un monstre de certitudes, de convictions, d’engagements ; moi je n’étais que doutes, je voulais m’effacer, être ami avec tout le monde (je n’avais aucun ami ; plus je voulais partager l’amitié des autres, plus les autres me fuyaient) ».
Je vais lire un livre d’Anne-Sarah Kertudo.
Patrick Henry
Ancien Président