Surpopulation carcérale : droit à la dignité

Chères Consœurs,
Chers Confrères,

L'actualité internationale qui nous interpelle assurément tous est au centre des préoccupations de chacun tant les enjeux sont vitaux.

Il n'empêche, d'autres sujets de plus grande proximité nous préoccupent également, constituant de graves phénomènes de société, et il nous appartient d'assumer, chacun dans le rôle qui est le sien, les responsabilités qui nous ont été confiées.

Ainsi le barreau et plus précisément les Ordres communautaires ont reçu la mission du législateur d'assurer la défense des justiciables.

AVOCATS.BE, depuis le début de son existence, a fait usage de cette compétence pour défendre les droits des justiciables lorsque ceux-ci étaient menacés. Nous pensons évidemment aux initiatives prises pour résister aux tentatives législatives pouvant mettre à mal notre secret professionnel.

Aujourd'hui, c’est de la surpopulation dans les prisons que nous souhaitons vous entretenir.
Le sujet fait incontestablement - et « heureusement » - la Une de l'actualité.

Le problème n'est pas neuf mais force est de constater qu'il s'aggrave.

Les causes sont diverses et il semblerait qu'elles ne soient pas liées à une augmentation de la délinquance.

C'est sans doute dans la multiplication des lois prévoyant des peines d'emprisonnement de plus en plus sévères et dans l’absence de politique cohérente d'application des peines qu'il faut chercher les causes du constat effrayant – le mot n'est pas trop fort - de la surpopulation dans les prisons.

Depuis des années déjà, le barreau dénonce cette situation et, constatant l'absence d'amélioration, il a pris l'initiative de procédures qui ont abouti à la condamnation de l'État, qui reste même en défaut de mettre en œuvre les engagements pris dans le cadre de la procédure.

Les astreintes qui assortissent les jugements s'envolent mais tel n'est évidemment pas le but recherché.

Les conditions de détention sont devenues dantesques et nous ajoutons avec insistance, dangereuses.

Outre l'enjeu de sécurité pour les détenus eux-mêmes et ceux qui sont chargés de les garder, ce sont les risques sanitaires que la promiscuité fait exploser, qui constituent une nouvelle menace.

La tuberculose, par exemple, est de retour et, sans être alarmiste, elle représente un danger réel non pas seulement pour ceux qui vivent en prison, mais pour toutes les personnes avec lesquelles ils entrent en contact.

Le manque d'hygiène, la qualité de l'alimentation, l’insuffisance d'exercice physique et surtout l'absence d’une réelle politique responsable de la détention mais aussi de la fin de celle-ci constituent autant d’atteintes à la dignité humaine !

Notre pays fait partie de ceux qui considèrent qu'il est de leur devoir de rappeler à l'ordre les états qui bafouent les droits de l'homme. N'aurait-il pas basculé dans une zone mouvante l'entraînant dans un monde qui perd ses valeurs essentielles ?

Or, celles-ci sont précisément fondées sur ce qui nous paraît être le plus sacré, c'est-à-dire le respect des personnes, de leur dignité et de leurs droits.

Il est manifestement plus facile de se voiler la face et de se retrancher derrière des explications économiques mais aussi sécuritaires.

Mais le barreau ne peut se résigner et, d’ailleurs, il ne le fait pas.

Avec détermination, il poursuit la défense de ses idéaux en mettant notamment tout en œuvre pour formuler des propositions constructives au plan politique pour convaincre les autorités de ce qu'elles doivent prendre d'urgence leurs responsabilités tout en étant bien conscient qu’il ne s'agit pas d’un enjeu électoral pour les mois à venir. Ce serait céder à un populisme mortifère que de nier et de ne pas aborder à bras-le-corps ce problème majeur pour espérer ainsi récolter des voix ! 

Des négociations ont été entamées avec le cabinet du ministre de la Justice et l'administration pénitentiaire pour ébaucher des solutions embryonnaires -et donc pas seulement symboliques – pour amorcer un processus de progrès.

Le 1er mars 2024, une conférence de presse a été organisée à la Maison de l'avocat pour alerter les journalistes sur ce défi considérable et les inviter à s'en faire l’écho ; ce qu’ils n'ont d'ailleurs pas manqué de faire.

AVOCATS.BE restera vigilant et notre commission de droit pénal, particulièrement attentive à l'évolution de la situation en maintenant au-delà des procédures menées avec succès un dialogue qui se veut inventif avec les autorités concernées.

Avec nos sentiments dévoués,

Pierre Sculier,
Président

Robert De Baerdemaeker,
Président de la commission de droit pénal

A propos de l'auteur

Pierre
Sculier
Président

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