Règlement sur les services numériques (Digital Service Act) : L’occasion de revoir les conditions générales des fournisseurs de services numériques

La Commission européenne a adopté, au cours de l’année 2022, différents textes relatifs aux services numériques. Parmi ceux-ci, on trouve le Règlement sur les services numériques, aussi appelé le Digital Service Act (RÈGLEMENT (UE) 2022/2065 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE).

Ce texte, publié au Journal officiel de l’Union européenne le 27 octobre 2022, vise à favoriser un environnement en ligne plus sûr pour les utilisateurs et les entreprises utilisatrices de technologies numériques. Ses dispositions ont pour principal objectif de réduire la présence de contenus illicites en ligne.

Pour atteindre cet objectif, le législateur européen n’a pas souhaité imposer aux prestataires numériques une obligation générale de surveillance des contenus postés, mais prévoit plutôt des obligations qui s’appliquent à tout ou partie d’entre eux selon différents critères. Parmi les obligations imposées à tous les fournisseurs de services intermédiaires, on relève notamment celle relative aux conditions générales.

Nous tenterons ci-après de revenir sur les points principaux de cette obligation.

a) Prestataires concernés

Avant toute chose, il convient de préciser que le règlement européen impose différentes obligations aux « prestataires de services intermédiaires ». Ces services sont définis à l’article 3, point g) du Règlement comme les services de la société de l’information qui consistent en :

  • Un simple transport (par exemple : les fournisseurs d’accès à Internet, les réseaux privés virtuels, etc.) ;
  • Un service de mise en cache (exemple : les services DNS) ;
  • Un service d’hébergement (exemple : les clouds, les hébergements de sites Internet, les plateformes en ligne, les moteurs de recherche, etc.).

b) Modération des contenus et conditions générales

Comme indiqué, le législateur européen souhaite réduire les contenus illicites en ligne. Cet objectif nécessite la mise en place de véritables politiques de modération de contenus par les fournisseurs de services intermédiaires, lesquelles doivent être communiquées aux utilisateurs.

Contenu des conditions générales

L’article 14 du Règlement prévoit que les fournisseurs de services intermédiaires doivent inclure dans leurs conditions générales :

  • Les restrictions qu’ils imposent concernant l’utilisation de leurs services ;
  • Les politiques, procédures, mesures et outils utilisés à des fins de modération des contenus.

Sans être exhaustif, nous attirons l’attention des praticiens du droit sur quelques bonnes pratiques et clauses spécifiques à insérer.

Afin d’informer pleinement le destinataire du service des mesures de restriction pouvant être prises par le fournisseur, celui-ci pourra, par exemple, insérer dans ses conditions générales des clauses interdisant l’utilisation de la plateforme ou du service pour :

  • Mener des activités illégales ;
  • Générer des publicités non sollicitées ou des spams ;
  • Usurper l’identité d’un tiers ;
  • Poster des contenus haineux, trompeurs, discriminatoires ou (pédo)pornographiques ;

Bien que ces restrictions puissent sembler évidentes, il est important de les énoncer expressément dans les conditions générales.

De plus, il conviendra de veiller à ce que le fournisseur liste les mesures pouvant être prises en cas de contenu illicite, telles que :

  • La suppression temporaire ou définitive du contenu ;
  • Le blocage temporaire ou la suppression définitive du compte concerné.

On peut également conseiller à tous les fournisseurs de mettre en place un mécanisme de signalement simple, mentionnant au moins une adresse e-mail pour soumettre les signalements.

Algorithmes

Le Règlement européen exige que les utilisateurs soient informés si les décisions relatives aux contenus illicites sont prises par des algorithmes, et si un réexamen humain intervient.

En particulier, pour les plateformes (catégorie spécifique de fournisseur de services intermédiaires définie à l’article 3, point i) du Règlement, comme Facebook, Amazon ou encore Immoweb), celles-ci doivent être en mesure d’expliquer le fonctionnement de leurs algorithmes. Elles doivent notamment préciser :

  • Les critères principaux utilisés pour déterminer les informations suggérées aux destinataires de services ;
  • Les raisons de l’importance relative de ces critères.

Si des mesures sont prises par le biais d’algorithmes, le fournisseur doit pouvoir en expliquer le fonctionnement.

Langage clair

Enfin, les conditions générales doivent être rédigées dans un langage clair, simple, intelligible, accessible et dépourvu d’ambiguïté, dans un format lisible par une machine.

Le Règlement sur les services numériques invite également les fournisseurs (et les praticiens que nous sommes) à utiliser des éléments graphiques dans les conditions générales. Il est plus que jamais essentiel de recourir au legal design pour rendre nos documents juridiques plus clairs et accessibles.

Florence Garcet
Avocate au Barreau de Liège-Huy

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