Retrouvez dans cette rubrique l’expression, l’injure, le mot et la curiosité grâce auxquels vous pourrez tenter de paraître intelligent et cultivé en société !
L’expression : La vérité sur le faux jeton
Dans notre milieu, on en rencontre certains, ces hypocrites du prétoire, qu’on appelle « faux jeton » quand ils nous plantent dans le dos l’argument qui fait mal, souvent avec un regard complice et amusé.
Mais cette expression est à « vrai » dire, totalement erronée. En effet, les joueurs le savent, un jeton, ou une plaque, au casino, au poker, n’est ni billet ni pièce, mais ils les représentent, pour faciliter d’ailleurs la dépense. Il s’agit donc bien de faux signes monétaires.
Le jeton s’appliquait aussi, bien avant les chiffres arabes et le système décimal, à de petites pièces, en cuivre le plus souvent, servant à compter une somme mais non pour acquitter un achat. La méthode du « jet » permettait de compter les montants monétaires, sur des planchettes où étaient tracées des colonnes (correspondantes aux deniers, sols, livres...) dans lesquelles on posait et accumulait des jetons pour faire des totaux. De vils personnages tentaient de faire passer ces jetons pour monnaie sonnante et trébuchante auprès des simples d’esprit.
Au début du XIXe siècle, cette valeur fictive des jetons par rapport aux pièces a suscité l’expression faux (ou fausse) comme un jeton. Par un malheureux raccourci, les hypocrites ont ensuite été traités de faux jetons. L’ellipse rend l’expression absurde, pléonastique, et trahit son origine. On qualifie de faux ce qui est déjà une fausse monnaie. Le vrai jeton par contre ne vaut que ce qu’il est, à savoir du plastique, du caillou, rien.
Seul Cocteau voyait juste quand il disait d’un fieffé menteur : « c’est un vrai jeton ! ».
L’insulte : Magnigoule
Grande gueule. Ce mot est formé du verbe « magnifier » et de goule, la « gueule »1.
Le mot : Muette, n.f.
Maison destinée soit à abriter les mues de cerfs, c’est- à-dire les bois qu’ils ont mis bas, soit à mettre les oiseaux de fauconnerie au temps de la mue. Aussi, autrefois, pavillon où logeait l’équipage de chasse.
La curiosité : La famille « cloche, cloque et o’clock »
Le mot cloche, « instrument à percussion », (première moitié du XIIe siècle), prit la forme cloque en normanno-picard et eut plusieurs sens : « boursouflure sur les feuilles d’arbres » en 1750, « boursouflure dans le verre ou l’émail » en 1848, et « ampoule sur la peau » en 1866. L’argot adopta cloque : par une métaphore aisément compréhensible, il forma l’expression en cloque, « enceinte », (1901), dans laquelle cloque signifie « ventre rond », « bosse ».
Mais les mots voyagent. Parti de Picardie, cloque se déplaça vers le nord et arriva en Hollande où il se donna le nom clocke « horloge ». La mer du Nord se traverse aisément, et c’est pourquoi on trouve, dans l’anglais de la fin du XIVe siècle, la forme clokke avec le même sens de « horloge ». L’expression of the clokke naquit à la même époque, et, pour finir, o’clock est attesté vers 1720.
Jean-Joris Schmidt,
Administrateur
------------------
1 François Rabelais, Les Œuvres de François Rabelais, Ed Marty-Laveaux, 1552, Alphonse Lemerre, 1870, Tome II, pp.476-479, Chapitre LIX : « Novs conſyderans le minoys & les geſtes des poiltrons magnigoules Gaſtrolaſtres, comme tous eſtonnez, ouyſmes vn ſon de campane notable, auquel tous ſe rangerent comme en bataille, chaſcun par ſon office, degré, & antiquité. Ainſi vindrent deuers meſſere Gaſter, ſuyuans vn gras, ieune, puiſſant Ventru, lequel ſus vn long baſton bien doré portoit vne ſtatue de boys mal taillée & lourdement paincte, telle que la deſcriuent Plaute, Iuuenal, & Pomp. Feſtus ».