Ce ne sera décidément pas la première fois que je parlerai de cacophonie dans le cadre de cette crise du Covid-19. Ce fut la cacophonie des ordonnances de confinement. C’est maintenant celle des ordonnances de déconfinement. A qui la faute ?
Il n’est sans doute pas encore venu le temps de chercher les responsables. Mais on peut tout de même se poser quelques questions.
Quand les audiences vont-elles reprendre « normalement » tout en gardant la distanciation sociale ? Il semble maintenant assez clair qu’il appartiendra à chaque juridiction de le décider. Est-ce normal ? Ne devrait-on pas disposer d’informations claires et cohérentes pour toutes les juridictions de même compétence ? Est-il normal que le tribunal de l’entreprise qui siège à Dinant fonctionne différemment de celui qui siège à Nivelles ? Est-il impossible d’avoir les mêmes instructions pour tous les tribunaux de la jeunesse ? Nous l’avons demandé. En vain.
Comment les audiences vont-elles reprendre ? Faudra-t-il, par exemple, porter le masque dès que nous entrerons dans un palais de justice ou lorsque nous plaiderons ? Faudra-t-il déposer nos dossiers 48 heures avant l’audience afin qu’ils puissent être manipulés à l’audience par les magistrats ? Pourrons-nous maintenir le principe élargi de la représentation par les avocats ? Est-il normal que les conditions de distanciation sociale ne soient pas respectées dans le cadre d’une audition Salduz ? Est-il normal qu’il soit presque impossible d’entrer en contact avec un magistrat ou un greffier, faute de coordonnées ? Est-il normal qu’une juridiction d’instruction décide de ne pas faire venir les détenus même lorsque ceux-ci le demandent expressément ?
Les questions sont bien plus nombreuses et les réponses encore plus variées.
Le Collège des cours et tribunaux a établi une sorte de guide de stratégie de déconfinement. Ce guide laisse à chaque comité de direction le soin de décider « du « phasage » de la relance de l’activité judiciaire dans le but de revenir à un fonctionnement normal le plus rapidement possible ». Sans doute, le collège n’a-t-il pas le pouvoir d’être plus directif. Le ministre se tait dans toutes les langues. Chaque tribunal choisira donc sa méthode et répondra donc, tant bien que mal, aux multiples questions qui se posent.
Le collège demande au ministre des moyens accrus en personnel et propose même que le personnel affecté au transfert des détenus soit affecté à l’accueil dans les palais ! Il semble ainsi acquis que les détenus n’ont plus à assister à leur procès ! Quant aux moyens accrus en cette période, je n’ose imaginer la réponse…
Le collège propose de ne plus fixer toutes les affaires à la même heure. Voici une suggestion que nous ne pouvons qu’applaudir pour la période que nous traversons mais dont nous devrions aussi envisager la pérennisation. Elle est de bon sens.
Toujours dans cette même directive, le collège précise que les masques devront être portés dès que les règles de distanciation sociale ne peuvent être respectées. N’aurait-il pas été plus simple de dire que dans toutes les pièces accessibles au public d’un palais de justice, le port du masque est obligatoire et qu’il peut être retiré par l’avocat lorsque son affaire est traitée et pour autant que les mesures de distanciation sociale soient respectées ?
Avec nos confrères de l’O.V.B., nous avons demandé une rencontre avec le Collège des cours et tribunaux pour discuter de tout cela. Nous attendons. Il est vrai que nous avions aussi demandé de réfléchir sur la problématique des vacances judiciaires de cette année. Nous avons pris connaissance de la réponse adressée au ministre de la justice par la presse…
En fait, c’est bien dans le cadre des relations entre les différents barreaux et les juridictions locales que des décisions devront intervenir. Je salue la volonté des Bâtonniers de trouver des solutions. Il en est de même de la plus grande majorité des magistrats et greffiers. La bonne volonté existe et répond aux carences du politique.
Au nom de la sacro-sainte indépendance du pouvoir judiciaire, le monde politique, et plus particulièrement l’exécutif, semble ne pas vouloir intervenir. Entre l’indépendance intellectuelle des magistrats dans les décisions qu’ils prononcent et les mesures sanitaires qui doivent être prises par l’autorité pour permettre une bonne organisation du déconfinement, il y a une marge !
Pourquoi un tel silence ? Sans doute parce que cette crise aura mis en lumière ce qui est dénoncé par les acteurs de justice depuis des années : un manque cruel de moyens.
Malheureusement, il nous faudra encore, à chaque déplacement, regarder les dispositions propres à la juridiction. C’est, au minimum, très dommage mais plutôt lamentable !
Heureusement, la profession reste unie, solidaire, confraternelle. Restons positifs et, espérons-le, disons-nous que tout cela sera bientôt de l’histoire passée. Mais, elle laissera des traces !
Votre très dévoué,
Xavier Van Gils,
Président