JustRestart, l’industrie de la dette et les pratiques des huissiers de justice, la transaction pénale élargie : ce sont quelques-uns des sujets qui ont été examinés en Commission de la Justice de la Chambre ces dernières semaines.
1. JustRestart – Loi publiée au Moniteur
a. Texte
b. Développements
Le texte proposé par les Ordres communautaires pour assurer le financement de la plateforme JustRestart a été adopté à la Chambre et publié au Moniteur belge.
2. Industrie de la dette – pratiques des huissiers de justice – auditions et avis écrit
a. Texte
b. Développements
Pierre Henry a représenté AVOCATS.BE lors de l’audition tenue en Commission de la Justice le 4 novembre 2025, consacrée à l’industrie de la dette et aux pratiques illégales de certains huissiers de justice.
Dans son exposé oral, Pierre Henry a insisté sur deux points :
- Honoraire de recouvrement
Depuis le 1er octobre 2024, en vertu de l’article 8 de l’arrêté royal du 30 novembre 1976 (AR Tarif), l’huissier intervenu dans le cadre d’un recouvrement judiciaire ou extrajudiciaire, a droit à un honoraire de recouvrement de 8% sur le total des sommes à recouvrer (montant principal, intérêts de retard, clause pénale, frais de justice, indemnité de procédure, astreinte encourue, frais de dossier administratif et droits de condamnation inclus).
Désormais, même si l’huissier n’intervient que pour un courrier de mise en demeure par exemple, ou une enquête de solvabilité, et qu’ensuite, les parties s’arrangent en dehors de son intervention, il a droit à ces 8% d’honoraires sur la totalité des sommes récupérées.
Cela donne lieu à des situations extrêmes où l’huissier perçoit un honoraire de récupération alors qu’il n’a pratiquement rien fait et ce, au détriment du débiteur et le cas échéant du créancier qui ne récupère pas la totalité de la créance après le prélèvement opéré par l’huissier de justice.
- Frais de citation
Tout comme l’Union royale des juges de paix et de police, AVOCATS.BE préconise le remplacement de la citation comme mode introductif d'instance par une procédure sur requête pour les dettes de consommation et les créances jusqu'à 5 000€.
Une modernisation de la procédure sommaire d’injonction de payer prévue aux articles 1338 et suivants du Code judiciaire (avec notamment un seuil maximum qui pourrait être porté à 5 000 euros) permettrait également de diminuer globalement le coût des procédures de recouvrement.
3. Transaction pénale élargie – avis écrit
a. Textes
- Proposition de loi PVDA-PTB modifiant le Code d'instruction criminelle, en vue d'exclure les personnes politiquement exposées du mécanisme de la transaction pénale élargie (DOC 56 1042)
- Avis d’AVOCATS.BE.
b. Développements
La Commission de la Justice de la Chambre a sollicité l’avis d’AVOCATS.BE sur une proposition de loi modifiant le Code d’instruction criminelle, visant à exclure les personnes politiquement exposées du mécanisme de la transaction pénale élargie.
Cet avis a été rédigé par François Koning, membre de la commission de droit pénal.
L’avis considère que la proposition de loi visant à exclure les personnes politiquement exposées (PPE) du bénéfice de la transaction pénale élargie soulève d’importantes questions de constitutionnalité. La définition très large des PPE, incluant leurs proches et associés, priverait un grand nombre de citoyens de ce mécanisme, pourtant accessible à tous.
Une telle exclusion apparaît dépourvue de justification objective et disproportionnée au regard de l’objectif de lutte contre la corruption. Elle risquerait donc d’être invalidée pour violation des principes d’égalité et de non-discrimination garantis par la Constitution et la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
4. Réformes fiscales futures – avis écrit
a. Textes
- Proposition de résolution Open VLD appelant à éviter toute rupture de contrat par l'autorité fédérale (DOC 56 0974 ici)
b. Développements
La commission des Finances et du Budget de la Chambre des représentants a sollicité l’avis d’AVOCATS.BE dans le cadre de l’examen de la proposition de résolution qui demande au gouvernement fédéral d’assortir les réformes fiscales de mesures transitoires claires et d’appliquer de manière cohérente les principes de sécurité juridique, de non-rétroactivité et de proportionnalité. Elle demande en outre qu’une communication transparente soit prévue et diffusée en temps utile à propos des effets des changements de politique afin de permettre aux citoyens et aux entreprises de s’y adapter sans être confrontés à des désagréments inattendus ou à une insécurité juridique.
AVOCATS.BE s’est rallié à l’avis de l’OVB qui, à l’occasion de cet avis, revient sur la suppression de l’assurance protection juridique et ses conséquences sur l’accès à la justice des citoyens. La suppression de cet avantage fiscal nécessite des dispositions transitoires.
5. Rapport de l’IFDH sur l’état de droit en Belgique
L’IFDH a publié son rapport 2025 sur l’état de droit.
Les thèmes abordés sont les suivants :
- Surpopulation carcérale : une violation structurelle des droits humains qui demande une réponse fondée sur l’état de droit
- S’attaquer au problème de la non-exécution des jugements et arrêts
- Prévoir des moyens suffisants pour la justice
- Résorber l’arriéré judiciaire
- Recourir avec prudence à l’approche administrative. Que dit l’accord de coalition fédérale ? Les réformes annoncées du Conseil du Contentieux des Étrangers
- Faciliter l’accès aux documents administratifs
- Garantir la liberté de manifester
- Protéger l’espace pour les défenseur·e·s des droits humains
- Protéger les voix critiques contre les procédures judiciaires abusives (poursuites-bâillons ou SLAPP).
A la suite de la publication de ce rapport, la ministre de la justice a été interpellée par François De Smet en séance plénière de la Chambre le 16 octobre 2025.
François De Smet (DéFI): D'après l'Institut Fédéral des Droits Humains (IFDH), l'État de droit s'érode insidieusement sous l'Arizona. Dans son dernier rapport, l'Institut pointe notamment le sous-financement chronique de la Justice, la non-exécution systématique des décisions de justice, en particulier concernant les demandeurs d'asile, et les condamnations répétées par la Cour européenne des droits de l'homme. L'Institut s'inquiète également de la lettre de notre premier ministre contestant la jurisprudence de la CEDH. Parmi les réformes annoncées par le gouvernement, la révision du Conseil du contentieux constituera peut-être une menace pour la séparation des pouvoirs. L'interdiction judiciaire éventuelle pour certains manifestants est également une réforme contestable. Il n'est évidemment pas facile d'être ministre de la Justice de l'Arizona. Pourtant, vous vous considérez, si j'en crois une citation parue dans La Libre Belgique, comme le dernier rempart de l'état de droit. C'est un aveu de lucidité de votre part, alors que vous demandez plus d'argent pour la Justice. Que pensez-vous de ce rapport de l'IFDH? Allez-vous rappeler certains collègues à l'ordre? ».
Annelies Verlinden, ministre (en français) : Le rapport nous rappelle que l'État de droit est soumis à de fortes pressions. Plus que jamais, nous avons besoin d'un ordre judiciaire fort et indépendant, doté d'assez de personnel et de moyens, l'objectif final étant une exécution humaine et effective des peines. Selon l'accord de gouvernement, la sécurité est une condition indispensable au bon fonctionnement de l'État.
Comme le monde judiciaire, le rapport de l'IFDH demande un renforcement de la Justice pour lutter contre le terrorisme, le djihadisme, les crimes organisés et les violences. En juillet, j'ai obtenu un premier accord avec le monde judiciaire, concernant le personnel, les infrastructures, la sécurité et l'attractivité de la profession. Concernant la surpopulation, de nouvelles mesures seront bientôt mises en œuvre. Aucun compromis ne doit être fait concernant l'État de droit, aspect incontournable de notre société, qui assure notre prospérité et notre sécurité.
François De Smet (DéFI): Concernant les investissements, nous sommes d'accord. Par contre, en ce qui concerne le non-paiement des astreintes, la non-exécution des jugements et le fait que le premier ministre conteste la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, je doute que vous n'ayez pas d'avis. Par leurs silences, tous les partenaires de la coalition Arizona se rendent coupables d'atteintes à l'État de droit.
6. Rapport de la Cour des comptes sur l'accès à la justice - délais de traitement des affaires judiciaires
Une administration équitable de la justice n'est pas garantie en Belgique, estime la Cour des Comptes dans un rapport adressé au parlement fédéral. Ce document met en évidence d'importantes disparités au niveau des délais de traitement des affaires judiciaires, en fonction des juridictions dans lesquelles elles sont traitées.
Pour établir son rapport, la Cour s'est basée sur les données relatives à la période 2012-2024. Dans plusieurs divisions et cantons des juridictions ordinaires, elle relève des différences significatives dans le délai de traitement d'affaires comparables. Dans les affaires pénales vient s'ajouter un temps d'attente souvent long entre la décision de poursuivre et la première audience de l'affaire au tribunal de police ou au tribunal de première instance. Les disparités sont également importantes auprès des cours d'appel et des cours du travail.
La Cour des comptes rappelle qu'une loi de 2014 a introduit une gestion autonome pour l'organisation judiciaire afin de réduire l'arriéré judiciaire. Depuis, la responsabilité d'une réduction de cet arriéré et du suivi des délais de traitement incombe principalement au pouvoir judiciaire.
Toutefois, le rapport estime que l'absence de contrat de gestion entre le ministère de la Justice, le SPF Justice et le Collège des cours et tribunaux empêche l'instauration d'objectifs concrets, notamment par rapport au temps de traitement des affaires.
"Il convient également de mettre en place un tableau de bord qui signale les délais de traitement anormalement longs, et d'affiner les outils de gestion en y intégrant, entre autres, des mesures objectives de la charge de travail et des données du personnel actualisées", préconise le rapport.
La ministre de la Justice Annelies Verlinden a indiqué, en réponse au projet de rapport, que l'inventaire des arriérés et l'identification des problèmes les plus pressants, tant du point de vue matériel que procédural, seront finalisés durant la première année de cette législature.
Laurence Evrard
Responsable des actualités législatives