Consulter le registre UBO ? Une démarche nécessaire mais pas suffisante

Pour rappel, notre rubrique est consacrée à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Chaque édition aborde un autre thème pour vous informer et vous rappeler que l’assujettissement est plus rapide que beaucoup ne l’imaginent.

Appliquer la loi anti-blanchiment relève parfois de l’exercice du funambule. D’où le titre de notre rubrique…

Celle-ci se veut courte et lisible. Elle se veut également interactive, donc n’hésitez pas à nous soumettre vos questions à l’adresse blanchiment@avocats.be. Nous ferons le maximum pour y apporter une réponse claire.

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Les formalités, on le sait sont lourdes et la tentation de simplifier la procédure grande. Les clients le proposent d’ailleurs souvent. Ainsi, dès lors qu’il faut identifier les bénéficiaires effectifs, les sociétés renvoient généralement la preuve de l’enregistrement UBO en guise de réponse à notre envoi de formulaire d’identification. Est-ce suffisant ? Peut-on faire d’une pierre deux coups ? Vous vous en doutez, la réponse est évidemment négative. Explications.

 

Identification des bénéficiaires effectifs

L’article 23 § 1er de la loi du 18 septembre 2017 relative à la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme et à la limitation de l’utilisation des espèces (ci-après : « la Loi BC/FT ») impose d’identifier le ou les bénéficiaire(s) effectif(s) des clients ou des mandataires.

On rappellera utilement que le bénéficiaire effectif est défini à l’article 4, 27° de la Loi BC/FT comme : « la ou les personnes physiques qui, en dernier ressort, possèdent ou contrôlent le client, le mandataire du client ou le bénéficiaire des contrats d’assurance-vie, et/ou la ou les personnes physiques pour lesquelles une opération est exécutée ou une relation d’affaires nouée. »1

Cette identification des bénéficiaires effectifs doit inclure la prise de mesures raisonnables pour comprendre la structure de propriété et de contrôle du client ou du mandataire qui est une société, une personne morale, une fondation, une fiducie, un trust ou une construction juridique similaire2.

Pour procéder à cette identification et surtout pour documenter cette identification, l’avocat peut utiliser le modèle de fiche d’identification des bénéficiaires effectifs disponible sur l’extranet d'AVOCATS.BE.

 

Vérification de l’identité des bénéficiaires effectifs

L’article 23 § 1er de la Loi BF/FT impose d’identifier les bénéficiaires effectifs, mais également de prendre des mesures raisonnables pour vérifier l’identité de ces bénéficiaires effectifs. 

C’était d’ailleurs le but du Registre des bénéficiaires effectifs (UBO).

Ce registre reprend les informations relatives aux bénéficiaires effectifs des personnes morales établies en Belgique, lesquelles ont l’obligation (prévue à peine de sanctions) communiquer ces informations à l’UBO (voir à ce propos, et pour ce qui concerne spécifiquement les avocats, la contribution de Me Déborah Charlier dans Fil blanc de la Tribune n°194). 

 

Obligation de vérification du respect des formalités UBO

L’article 29 al. 1 de la Loi BC/FT, tel que modifié par la loi du 20 juillet 2020, dispose que lorsqu’un avocat noue une relation d’affaires avec une personne morale assujettie à cette obligation, il doit recueillir la preuve de l’enregistrement de cette personne morale au registre UBO ou un extrait dudit registre.

L’alinéa 2 du même article précise que les entités assujetties qui ont accès à l’UBO (c’est le cas des avocats) et aux registres équivalents tenus dans d'autres Etats membres « ne s'appuient pas exclusivement sur la consultation de ces registres pour remplir leurs obligations d'identifier et de vérifier l'identité des bénéficiaires effectifs de leurs clients, des mandataires de leurs clients ». Des mesures complémentaires peuvent en effet devoir être mises en œuvre et ce, en fonction de la nature du risque. (voir à ce propos, et pour ce qui concerne spécifiquement les avocats, la contribution de Me Déborah Charlier dans Fil blanc de la Tribune n°195, Me Déborah CHARLIER).

 

Mise à jour

Enfin, l’avocat veillera également à mettre à jour les données relatives aux bénéficiaires effectifs.

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Il s’agit donc bien d’une opération en trois temps : identification – vérification de l’identité des bénéficiaires – vérification du respect par le client de ses propres obligations d’enregistrement au registre UBO.

Consulter le registre UBO est indispensable mais insuffisant et ne dispense ni de remplir une fiche d’identification des bénéficiaires effectifs, ni d’approfondir la vérification de l’identité des bénéficiaires effectifs en fonction de la nature du risque. La consultation du registre doit également être renouvelée régulièrement.

On insistera en outre jamais assez sur la nécessité de documenter toutes ces démarches et donc d’en garder trace dans chacun des dossiers assujettis à la Loi BC/FT.


La commission anti-blanchiment d'AVOCATS.BE 

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1 L’article 4, 27° de la Loi BC/FT précise in fine que sont considérés comme possédant ou contrôlant en dernier ressort le client, le mandataire du client ou le bénéficiaire des contrats d’assurance-vie :

  1. Dans les cas des sociétés :
    • la ou les personne(s) physique(s) qui possède(nt), directement ou indirectement, un pourcentage suffisant de droit de vote ou une participation suffisante dans le capital de cette société, y compris au moyen d’actions au porteur (un pourcentage de 25% est un indice de pourcentage suffisant) ;
    • la ou les personne(s) physique(s) qui exerce(nt) le contrôle de cette société par d’autres moyens ;
    • si on ne peut identifier aucune des personnes susmentionnées ou s’il n’est pas certain que la ou les personnes identifiées soient les bénéficiaires effectifs, la ou les personne(s) physique(s) qui occupent la position de dirigeant principal.
       
  2. Dans le cas des fiducies, des trusts ou des constructions similaires :
    • le ou les constituant(s) ;
    • le ou les fiduciaire(s) ou trustees ;
    • le ou les protecteur(s) le cas échéant ;
    • les bénéficiaires ou, lorsque les personnes qui seront les bénéficiaires de la fiducie ou du trust n’ont pas encore été désignées, la catégorie de personnes dans l’intérêt principal de laquelle la fiducie ou le trust a été constitué ou opère ;
    • toute autre personne physique exerçant le contrôle en dernier ressort sur la fiducie ou le trust du fait qu’elle en est le propriétaire direct ou indirect ou par d’autres moyens.
       
  3. Dans le cas des associations sans but lucratif et des fondations :
    • Les administrateurs et membres des conseils d’administration ;
    • Les personnes habilitées à la représenter ;
    • Les personnes chargées de la gestion journalière ;
    • Les fondateurs des fondations ;
    • Les personnes physiques ou, lorsque ces personnes n’ont pas encore été désignées, la catégorie de personnes physiques dans l’intérêt principal desquelles l’association sans but lucratif ou la fondation a été constituée ou opère ;
    • Toute autre personne physique exerçant par d’autres moyens le contrôle en dernier ressort sur l’association sans but lucratif ou la fondation.

Enfin, sont considérées comme la ou les personne(s) physique(s) pour lesquelles une opération est exécutée ou une relation d’affaires nouée, la ou les personne(s) physique(s) qui tirent ou tireront profit de cette opération ou relation d’affaires et qui disposent, en droit ou en fait, directement ou indirectement, du pouvoir de décider  de l’exécution de ladite opération ou de la conclusion de ladite relation d’affaires, et/ou d’en fixer les modalités ou de consentir à celle-ci.

2 Article 23, § 1er, al. 2 de la loi.
 

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