Sous la férule

Retrouvez dans cette rubrique l’expression, l’injure, le mot et la curiosité grâce auxquels vous pourrez tenter de paraître intelligent et cultivé en société !

L’expression : Sous la férule

Férule : nom féminin, étym. 1372 = Latin Ferula : 1. Plante herbacée (ombellifères) aux racines énormes dont une espère fournit l’assa foetida (…).

À la lecture de cette étymologie proposée par le Petit Robert, pensez-vous donc vous trouver sous une plante aux racines importantes quand vous êtes sous la férule d’un tiers ?

On n’est en général pas vraiment féru de celui sous la férule de qui l’on se trouve et on serait donc censé reconnaître en férule le fer de la main qui commande, même dans un gant de velours.

Non, la férule désigne bien une plante poussant sur les coteaux arides du bassin méditerranéen. Elle possède en effet des tiges épaisses et creuses qui deviennent très dures en séchant. De ces tiges, les Romains firent les ferulae, aussi bien des attelles pour contenir les membres fracturés que, selon certains, des baguettes dont se servaient les pédagogues pour punir les élèves.

D’autres estiment que la férule commune, qui ressemble à une tige de fenouil (trois ou quatre fois plus grande), était utilisée par les philosophes grecs de l’Antiquité, mathématiciens, astronomes, donnant leurs leçons dehors devant la palestre et traçant leurs figures en se tenant debout sur une étendue de terre ou de sable et à l’aide d’une tige de férule (« Archimedes circulos in arena describebat »). Donc, « être sous la férule de quelqu'un » ne signifierait originellement pas « être traité avec brutalité par son maître d'école », mais simplement « recevoir l'enseignement de tel ou tel ». La férule étant cassante, on ne pourrait frapper avec cette dernière.

Quoi qu’il en soit, en français, dès le XIVe siècle, on nomma ferula la petite palette et la règle de bois ou de cuir avec lesquelles les maîtres frappaient la main de l’écolier récalcitrant. Au XVIIe siècle, férule a signifié plus généralement « autorité ». L’expression « être sous la férule de quelqu’un » évoque ainsi une domination brutale ou le fait d’avoir bénéficié d’un enseignement par des méthodes un peu rudes.

Le fils de Louis XIV, le Grand Dauphin, fut d’ailleurs battu, toute sa jeunesse, par ce moyen, par son gouverneur, le duc de Montausier1.

Il faudra attendre la fin du XIXe siècle pour que le sens de férule perde sa valeur concrète tandis que les brimades réservées aux cancres ont peu à peu disparu. Les enseignants regrettent sans doute le bonnet d’âne ou le piquet, même s’ils mènent encore parfois leur classe à la baguette.

Certains pensent qu'il y a eu deux mots ferula différents, l'un formé sur le verbe ferio (frapper), l'autre sur fero (porter). On dit en effet que dans l'Antiquité les tiges de férule étaient utilisées pour transporter le feu2. Dans le culte de Dionysos, la tige de férule était un attribut analogue au thyrse.

La férule est aussi le bâton pastoral liturgique du pape3, par extension contemporaine, l'embout pointu généralement démontable d'une canne ou d'un bâton de randonnée ou encore, comme tout le monde le sait, un objet en plastique pour fermer une entrée du gel block sur l'Abi Prism 310, un séquenceur de gène.

On préférera néanmoins toujours être placé sous l’égide ou la houlette de quelqu’un, mais…c’est une autre histoire !

L’insulte : Péquin

Sale mec. Mot issu du langage militaire qui servait à désigner quelqu’un de stupide, d’avare et de peu recommandable4 5.

Le mot : Polydipsie n.f. Méd.

Soif excessive.

La curiosité : La famille « Maquereau », « proxénète » et « maquiller »

Le verbe de moyen néerlandais maken, « faire », avait donné la forme maquier en picard, attestée vers 1250 avec le même sens. Maquier devint ensuite macquiller en français ; verbe argotique, il signifiait « travailler » (milieu du XVe siècle). Plus tard, macquiller prend la graphie maquiller et a pour sens « voler » ; on le rencontre dans le Jargon de l’Argot réformé de 1628, ce qui prouve qu’il était resté dans le domaine de l’argot. En 1790, il signifie « faire », puis vers 1815, « falsifier ». Le sens de « se farder » apparaît vers 1840, le maquillage étant perçu comme une falsification de l’apparence.

Mais le moyen néerlandais maken avait eu un dérivé, le verbe makeln, « trafiquer ». Toujours en néerlandais, makeln produisit le nom makelare, « intermédiaire, courtier ». Et c’est ce makelare qui est à l’origine du nom français maquereau, « proxénète », attesté chez nous en 12696. Le proxénète est, en effet, une sorte d’intermédiaire, si l’on peut dire.

Jean-Joris Schmidt, 
Administrateur

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1 Voir à ce sujet les Mémoires de Marie Du Bois, valet de chambre de Louis XIV, éditions Apogée 1994, présentés par François Lebrun, p 153 à 172.

2 Prométhée aurait dérobé le feu sacré en le transportant dans une tige de férule.

3 Férule pétrinienne.

4 Littré : Nom que les militaires sous Napoléon Ier donnaient par dérision aux bourgeois et qui s'est conservé depuis. On raconte que, le maréchal Augereau prononçant le mot de péquin devant M. de Talleyrand, celui-ci demanda ce que signifiait péquin, et le maréchal lui répondit : Nous autres militaires, nous appelons péquin tout ce qui n'est pas militaire. - Et nous, reprit M. de Talleyrand, nous appelons militaire tout ce qui n'est pas civil.

5 Toujours selon un supplément au Littré : Voici un renseignement traditionnel qui donnerait quelque chose de positif sur l'origine de ce mot. Péquin daterait de la fête de la Fédération, suivant le dire d'un général qui y assistait, dire transmis de bouche en bouche jusqu'à la personne qui m'en a fait part : à cette fête, il y avait des délégués militaires, et des délégués des cantons ; ces derniers, on les nomma par abréviation des cantons ; la plaisanterie vit dans cantons la ville de la Chine et y substitua le nom de la capitale, Pékin.

6 Notons que la même année, la forme féminine makerele « tenancière de maison close », est attestée dans le Roman de la Rose de Jean de Meung. La parité doit être appliquée à tous les milieux professionnels.

A propos de l'auteur

Jean-Joris
Schmidt
Ancien administrateur

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