Nouvelles des fronts

Ce mardi 20 mai 2025, j’ai, avec plusieurs bâtonnières et bâtonniers, passé la soirée à débattre avec un nombre important de magistrat(e)s, chefs de corps ou non, des actions qu’elles/ils mènent actuellement pour tenter d’obtenir un refinancement de la Justice et éviter de subir une réforme du calcul de leur pension plus défavorable que celle prévue pour les autres agents de la fonction publique.

Notre discours a été simple : nous partageons l’essentiel des préoccupations exprimées en ce qu’elles concernent le sous-financement chronique de la justice depuis plusieurs décennies et les menaces contre l’état de droit, et avons d’ailleurs mené des actions judiciaires à divers égards (surpopulation carcérale, non remplissement des cadres …) et, certes, un mouvement de grève a toujours des conséquences négatives pour les utilisateurs du service mis totalement ou partiellement à l’arrêt mais ne vous trompez pas de cible !

Nous avons donc répété que les mesures qui desservent les justiciables et les avocats doivent être abandonnées (remises sans avertissement préalable, a fortiori à une date éloignée, limitation des horaires d’ouverture des greffes à des moments où il nous est impossible de nous y rendre, refus du ministère public de participer à des audiences où sa présence est indispensable …).

Nous avons été heureux d’entendre que la très grande majorité des magistrats présents comprenaient nos préoccupations et étaient partisans d’y renoncer, au profit d’actions plus axées sur la pédagogie à l’égard du grand public – qui a actuellement le sentiment d’assister à une « grève de privilégiés » – et la communication.

Les participant(e)s ont évoqué des actions dans les Palais menées conjointement par les magistrats, avocats, greffiers, secrétaires de parquet et personnel administratif, à l’instar de ce qu’il se passe dans la partie néerlandophone du pays selon ce que nous a rapporté Mme Evelien de Kezel, présidente de « Magistratuur en Maatschappij », des messages rédigés en commun qui figureraient sur les sites internet des juridictions comme des barreaux, et seraient également insérés dans la page de garde des décisions judiciaires, outre d’autres mesures « judiciaires » directement dirigées contre les pouvoirs publics (remise des dossiers dans lesquels l’Etat ou les parastataux sont demandeurs et réservation à statuer sur les droits de mise au rôle notamment).

Le constat commun est que le combat risque d’être long et qu’il importe de mener des actions qu’il sera possible de tenir sur le long terme.

Plusieurs voix se sont aussi levées pour regretter que le Collège des Cours et Tribunaux, non représenté lors de la réunion bien qu’il ait évidemment été invité, refuse de jouer un rôle de coordination du mouvement, même si, bien entendu, l’indépendance de chaque magistrat doit être respectée, ce qui a pour conséquence qu’il est impossible que des instructions, au sens strict du terme, puissent être diffusées.

Les choses progressent donc, mais lentement, et j’exprimerai un regret : une division apparente entre les magistrats non affiliés à un syndicat, celles et ceux qui sont membres de l’Association Syndicale des Magistrats (A.S.M.), organisatrice de la rencontre, qui constituaient la grande majorité des participants, et les membres de l’Union Professionnelle des Magistrats (U.P.M.), qui n’étaient guère présents même si une membre de son bureau a précisé qu’elle était venue écouter les échanges en vue de les rapporter à l’assemblée générale de son institution, qui se tiendra le 26 mai prochain et qui, seule, pourra décider de la suite des actions, tout en ajoutant fort heureusement qu’elle était globalement d’accord avec ce qui avait été dit.

Le temps n’est pas à la division mais bien à l’union de toutes les forces vives de la « famille judiciaire » !

*

Ce mercredi 21 mai, la matinée a été consacrée à une réunion au SPF Justice concernant l’autre sujet brûlant du moment : l’aide juridique et le versement des indemnités pour les interventions de 2ème ligne. J’y accompagnais Stéphane Boonen, administrateur en charge de la matière, et notre équipe interne.

Ici, les nouvelles reçues sont plus claires et plutôt rassurantes, même si la solution qui se profile n’est évidemment pas parfaite, ce que nous n’avons pas manqué de faire observer lourdement. 

Le calendrier annoncé est le suivant :

  • Dans le courant de la 1ère semaine de juin : un premier versement qui correspondra à 68,35 € le point (soit 73,19 % de la valeur du point 2025 qui est de 97,37 €)
  • Le solde, soit 29,02 € le point dans le mois de l’adoption de la loi de finances 2025, soit vers la mi-juillet 2025, à la condition que le budget 2025 soit bien voté à la mi-juin, comme les diverses sources contactées nous l’ont dit.

Pour l’avenir, un des arguments avancés par la ministre et l’inspection des finances ces derniers temps étant que la date de versement des indemnités (fin mai-début juin) n’était pas prévue dans un texte légal, nous avons exprimé le ferme souhait de voir l’AR du 20/02/2024 modifié sur ce point. Ce ne fut pas simple, mais nous avons finalement obtenu un accord de principe pour une modification de ce texte afin qu’il soit prévu que le 1er versement (j’entends le paiement complet des rapports contrôlés l’été précédent et non un acompte comme cette année bien sûr) sera effectué pour le 15 juin et le 2ème éventuel (c-à-d pour les rapports déposés et contrôlés ultérieurement, s’il subsiste des crédits disponibles) le sera pour le 1er décembre.

Cela ne nous met pas tout-à-fait à l’abri de difficultés puisque cela nécessitera toujours que le budget soit voté et que l’Etat ne fonctionne pas par douzièmes ou quarts provisionnels, mais, hormis cette situation assez exceptionnelle, nous disposerons donc d’une base légale pour exiger que les versements soient effectués « à bonne date ».

Enfin, et cela devrait vous réjouir même si l’horizon est plus lointain et incertain, la représentante de la ministre a confirmé la volonté de celle-ci de voir les paiements suivre de plus près les prestations (cf. sa note de politique générale évoquée précédemment) et nous avons longuement discuté de la manière selon laquelle cela pourrait se faire.

Elle a évoqué des demandes de versements qui pourraient être rentrées chaque mois, étant entendu que cela nécessiterait bien sûr un contrôle quasi permanent, mais que les modalités de celui-ci devraient être revues, ce qui est fait au niveau des BAJ et des Ordres Communautaires ne devant pas être refait par le ministre et vice-versa.

Des réunions sont prévues pour poursuivre cette réflexion et il faut espérer que ce projet pourra aboutir à moyen terme car il nous mettrait à l’abri d’un éventuel retour de la « prudence budgétaire » dès lors que, même en période de douzièmes provisionnels, la/le ministre pourrait adapter chaque mois sa demande de budget.

Plus que jamais, la formule par laquelle l’ancien président Patrick Henry clôture beaucoup de ses écrits est d’actualité : LUTTONS !

Stéphane Gothot
Président

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