Outre leur orthographe, la prononciation des mots a son importance, et elle réserve parfois des surprises.
Si on dit “Tel homme politique français a rallié le RN” et “Tel autre a raillé le RN", duquel des deux peut-on dire qu’il ... déraille ?
Une des difficultés que doit affronter l’apprenti francophone est le s entre voyelles.
Par exemple, « Dans abasourdir, enseigne l’Académie française, le s intervocalique se sonorise en [z], mais on entend parfois abassourdir, parce qu’on rattache faussement ce verbe, dérivé de l’argot basourdir, “tuer”, à l’adjectif sourd ».
Je dois bien admettre n’avoir jamais dit abaZourdir … !
Cette règle qui veut qu’un s placé entre deux voyelles se sonorise en [z] souffre d’ailleurs de nombreuses exceptions. Elle ne s’applique PAS quand on perçoit qu’on a affaire à un composé.
On dit ainsi, sans sonoriser le s, asocial, parce que l’on y reconnaît social. Qui dirait parazol pour une ombrelle de plage ?
Idem pour antiseptique, cosignataire, préséance, présupposer, tous exemples donnés par l’Académie qui ajoute “La prononciation variera donc selon que ce s est la première lettre d’un radical ou la dernière d’un préfixe”, par exemple “dans désacraliser (où s appartient au radical) et désavantager (où s appartient au préfixe)”.
Et là, je tombe de ma chaise : “La prononciation canonique de désuet est déssuet, mais on entend de plus en plus dézuet parce que l’on oublie ou l’on ignore que, dans ce mot, dé- est un préfixe”.
AbaZourdir et déssuet ?! On en apprend tous les jours…
Avec les mots en – il, on perd souvent le fil …
Leur prononciation a beaucoup varié dans le temps – par exemple, le mois d’avril se prononçait avri au XVIIe siècle – et, au début du XXe siècle, le Français ne prononçait plus l’l pour la plupart d’entre eux, bien qu’il subsistât de nombreux usages régionaux qui le faisaient entendre.
Ndr : Moi, je suis assurément un régional.
L’Académie française ajoute :
“Aujourd’hui, la prononciation de certains l a été rétablie, soit que l’on considère qu’elle est seule de bon usage (baril), soit qu’elle tende à l’emporter (chenil, ou, vieilli, cheni ; couti ou, de plus en plus souvent, coutil ; fenil ou, vieilli, feni, nombril ou, vieilli, nombri), soit que les deux soient plus ou moins à égalité (persil ou persi ; sourci, parfois sourcil ; terri, parfois terril).“
Enfin, le l n’a pas été rétabli dans d’autres mots (fuzi, genti, outi…), les prononciations fuzil ou outil, que l’on entend parfois dans le Midi, étant considérées comme dialectales”.
Personnellement, je me souviens d’un Bourguignon qui parlait de son feni, j’ai croisé des Trucmuche de Machinchôôôse qui mettaient du persi sur leur purée, et leurs chiens (de pure race) dans un cheni, ainsi qu’un Carolo (mais j’ignore si c’est généralisé dans la région) qui me montrait fièrement les terris de son Pays noir. Bon, nombri, je n’ai jamais entendu. Vous bien ? J’hésite parfois pour UN sourciL, mais je dis toujours des sourcis. Curieux …
Je réduis ci-dessous la (longue) liste des mots en – il de l’Académie française, avec son avis sur la prononciation (et je concède faire entendre le l plus souvent que la vieille dame du quai Conti…).
- Avril : l’académie ne dit rien du l, estimant sans doute qu’il ne se discute pas.
- Babil : l se prononce.
- Baril : l se prononce parfois (ndr : moi, je n’ai jamais entendu Bari, sauf dans le sud-est de l’Italie…).
- Chenil : se prononce cheni ou chenil.
- Courtil (jardin, cour, enclos) : l ne se prononce pas.
- Exil : comme pour avril, pas d’indication.
- Fournil (local qui abrite un four à pain) : l se fait parfois entendre (ndr : parfois ?).
- Fusil : l ne se fait pas entendre.
- Gentil : l ne se fait pas entendre.
- Grésil : l se fait entendre (ndr : j’ai déjà entendu grési, “à la météo”, belge faut-il le dire).
- Gril : l se fait entendre.
- Nombril : l se fait entendre.
- Outil : l ne se fait pas entendre.
- Péril : même constat que pour avril.
- Persil : l se fait parfois entendre (ndr : dans ma cuisine, c’est toujours).
- Pistil : l se fait entendre.
- Sourcil : l se fait parfois entendre.
- Terril : l ne se fait généralement pas entendre (ndr : par chez moi, si).
Et comment prononcez-vous Osciller ? “Les deux l se prononcent sans mouillure”, dit l’Académie française.
La vitrine linguistique du Québec écrit quant à elle : “Le verbe osciller peut se prononcer (o-si-lé), comme s’il n’y avait qu’un seul l, (o-sil-lé), en prononçant distinctement les deux l, ou (o-si-ié)”.
Elle ajoute : “Généralement, les verbes qui se terminent en –iller sont issus de verbes latins se terminant en –illare et se prononcent soit (i‑ié), soit (i‑lé)”.
C’est peut-être une liégeoiserie, mais j’ai toujours dit – et continuerai sans doute à dire – ossi-yé …, quitte à faire ricaner un Parisien, voire sourire un Carolo, je l’ignore. Je note au passage que ce dernier dit “On n’est pas à là près de ça” quand je dis “On n’est pas à ça près” : les régionalismes sont pittoresques.
Je termine ces notes sur la prononciation en glissant vers des problèmes d’homophonie, et en rappelant que :
- Quand on dit “la maîtresse d’école”, on ne veut pas dire “la femme illégitime est en extase amoureuse” ;
- Quand on regrette que “le ton monte”, on ne signale pas qu’une mocheté est dans l’ascenseur ;
- Je vous laisse deviner pour “faire des ven-danges” …
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