A chaque livraison de la Tribune, nous tenterons de vous rappeler certains principes de déontologie par des exemples pratiques.
Il ne s’agira pas de faire le tour du sujet mais de porter à votre attention un point particulier de nos règles.
Aujourd’hui, changement de cabinet et conflit d’intérêt….
1. Le cas
Un avocat stagiaire réalise pour son maître de stage des recherches dans un dossier complexe opposant sa cliente, la SA Y à un adversaire, la srl X.
Son stage terminé, l’avocat change de cabinet et devient collaborateur du cabinet IUSLEXLAW.
Or, la société X, qui après avoir perdu son procès en première instance contre Y souhaite changer de stratégie et d’avocats, consulte le cabinet IUSLEXLAW où l’ancien stagiaire est entretemps devenu collaborateur.
Vous me suivez toujours ?
Le fait que cet ancien stagiaire travaille dans ce cabinet a-t-il une incidence sur la possibilité pour le cabinet IUSLEXLAW d’assister la srl X ?
2. Les éléments de réponse
L’article 5.40 du code de déontologie précise que l’avocat prévient et résout tout conflit d’intérêts, et d’une manière générale toute situation pouvant affecter son jugement professionnel, son indépendance ou sa loyauté en raison d’intérêts divergents de ceux de son client.
De manière générale et en toutes circonstances, l’avocat ne peut intervenir pour un client si, en raison de ses relations avec un autre client ou ancien client :
- le secret professionnel serait violé ou risquerait sérieusement de l’être ;
- l’avocat devrait faire usage d’informations propres à cet autre client ou ancien client, à moins qu’elles soient dans le domaine public ;
- l’avocat peut raisonnablement penser que l’existence de ces relations affecte son indépendance de jugement ou sa loyauté envers l’un quelconque des clients concernés ;
- la loi l’interdit.
Nous avons donc déjà ici une première réponse : le deuxième tiret de l’article 5.40 al.2 peut être appliqué au cas d’espèce.
En effet, on peut raisonnablement penser que les recherches effectuées dans le premier cabinet pour la défense de Y ont été orientées par des informations propres à Y.
Bien plus, l’article 5.44, même s’il laisse la possibilité de devenir le conseil d’un adversaire d’un ancien client, rend, dans le cas d’espèce la chose impossible puisqu’il s’agit du même dossier :
« L’avocat peut être le conseil d’un client en conflit avec un ancien client pour autant que, le cas échéant :
- l’avocat n’intervienne pas comme conseil de ce client dans la même affaire faisant l’objet d’une procédure ou d’un mode alternatif de résolution des conflits où il est opposé à l’ancien client ou apparait comme tel. »
Enfin, la règle du conflit d’intérêt s’étend à tout le cabinet IUSLEXLAW sur base de l’article 5.48.
Vous constaterez que cette extension est large puisqu’elle touche également les cabinets où seuls les frais sont partagés pour autant que les membres se présentent sous la même bannière :
« Les avocats exerçant leurs activités en commun ou dont la communication vers le public les fait apparaître comme exerçant leurs activités en commun sont soumis entre eux aux mêmes règles de conflit d’intérêts que l’avocat exerçant individuellement sa profession.
Il en est de même pour les avocats exerçant leurs activités en utilisant la même organisation ou structure matérielle, telle que l’usage en commun de locaux, à moins que, d’une part, il ne puisse pas en être raisonnablement déduit qu’ils exercent leur profession en commun et que, d’autre part, l’étanchéité entre leurs dossiers respectifs soit assurée. »
Jean-Noël BASTENIERE
Avocat au barreau du Brabant Wallon
Membre de la commission déontologie