Chaque nouveau président d’AVOCATS.BE a ses lieux de prédilection pour organiser sa cérémonie d’investiture : Wolubilis, l’Opéra de la Monnaie, le palais des congrès, le château de la Hulpe, la salle du Trône de l’Académie royale de Belgique…
Le 13 octobre 2022, le bâtonnier Maître Pierre Sculier avait choisi l’incroyable ancienne salle de patinage à roulettes de la patinoire royale à Bruxelles. Ce monument historique classé construit en 1877 a accueilli successivement des patineurs à roulettes, des Bugatti, un entrepôt de la FN de Herstal et maintenant une galerie d’art dédiée à l’art moderne et contemporain en Europe. J’en étais ravi. J’ai toujours pensé qu’il y avait des liens indéfectibles de passion, de contradiction et de liberté entre les artistes et les avocats.
Les hauts représentants de la profession et de la cité étaient venus des quatre coins du pays pour entendre proclamer les grandes lignes du programme d’action de la nouvelle équipe à la tête d’AVOCATS.BE pour les années 2022-2023 et 2023-2024. Le mandat du nouveau président est en effet passé de trois années à deux années.
Le carré magique de ses ambitions s’articule autour de quatre points cardinaux : écoute, ensemble, professionnalisme, défense.
L’écoute, d’abord. L’institution communautaire doit écouter les autorités ordinales, les avocats, les représentants du pouvoir judiciaire et de la nation, les universités, les entreprises, les syndicats, la société civile.
Si le barreau doit continuer à servir la cité, cette mise sur écoute doit être réciproque. AVOCATS.BE doit être entendu par les décideurs.
Ensemble : nous devons avoir une cohésion entre nous les avocats mais aussi avec la société civile, le monde politique et la magistrature. Nous poursuivons le même objectif : le bien de la cité. AVOCATS.BE ne peut pas se contenter d’une place subsidiaire. Il y a aujourd’hui 18.000 avocats en Belgique. Ils doivent être entendus.
Être professionnel. Nous devons être professionnels par notre savoir, nos structures, le respect des règles RGPD et blanchiment. Pierre Sculier annonce qu’une journée de réflexion sur la compliance sera organisée la deuxième année de sa présidence. Il accordera beaucoup d’importance à la formation permanente.
La défense, c’est la mission essentielle et l’âme de l’avocat. Cela passe par la défense de la profession, du justiciable, de l’accès à la justice, de la défense et de l’Etat de droit. Pierre Sculier annonce la création d’un observatoire de l’Etat de droit. Cette initiative est excellente à une époque où la Belgique est régulièrement épinglée par des organisations internationales pour ses comportements inadéquats et ses carences.
Citant un article « Maths et droit, stade suprême du capitalisme » publié dans le magazine Marianne, le nouveau président rappelle que l’avènement d’un capitalisme numérique consacre les algorithmes et, dans le même temps, produit de nouvelles normes, annonciatrices d’un juridisme tout puissant. La maîtrise des maths et du droit devient décisive pour influer le monde. Au détriment des lettres et des sciences humaines ?
Les algorithmes et l’intelligence artificielle vont pénétrer la justice. Le futur registre central des décisions judiciaires en est une prémisse. Nous devrons défendre nos valeurs. Il est vrai que la justice prédictive et les futurs juges robots ne manqueront pas d’altérer différents principes essentiels si nous n’y prenons pas garde dès à présent.
Citant Perelman, le président déclare que le rôle du juge n’est pas seulement de donner une décision juridiquement exacte. Elle doit être aussi judicieuse. L’avocat est un passeur. Le discours de l’avocat doit véhiculer un concept d’équité. Ce rappel est intéressant, lorsqu’on sait que lors de son bicentenaire, le barreau d’origine du président avait adopté comme devise : « Ars aequi ».
Les Ordres communautaires ont été créés au départ à contre-courant des autres pays et des autres professions. Parce qu’ils sont nés dans la douleur d’un divorce, le splitsing de l’Ordre national. Parce que la structure dont ils sont issus était devenue faible, fragile et incontournable après trente ans de bons et loyaux services. Les Ordres doivent être choyés et pétris de douceur.
En vingt-deux ans, l’OBFG a fait ses preuves dans l’action. Les résultats sont là : déontologie moderne et unifiée, disciplinaire qui fonctionne, formations organisées, acteurs incontournables et écoutés des trois pouvoirs, recours judiciaires aboutis dans l’intérêt de la profession et des justiciables, dialogues avec l’OVB et le CCBE réussis…
Les enjeux d’aujourd’hui et les défis de demain sont nombreux. Les Ordres doivent rester des outils de progrès. Les Ordres doivent rester forts et proactifs pour le plus grand nombre d’avocats, surtout les plus fragiles, sachant que pour beaucoup d’avocats, l’Ordre n’est plus une nécessité et qu’ils sont suffisamment forts et puissants pour s’organiser tout seuls, même si plusieurs d’entre eux ont à cœur d’y être représentés, manifestant par là une sorte de sens du devoir confraternel.
L’Ordre des barreaux est une jeune institution qui a su prendre ses marques dans le paysage institutionnel.
Pierre Sculier, élu par l’assemblée générale des bâtonniers, devient le huitième président d’AVOCATS.BE. Il succède au bâtonnier Xavier Van Gils qui aura su mener à bien sa mission dans une période difficile de pandémie. Nos vifs encouragements vont au premier. Notre gratitude et notre reconnaissance vont au second.
Longue vie à AVOCATS.BE !
Votre dévoué,
Jean-Pierre Buyle
Ancien Président d’AVOCATS.BE