Il y a deux ans, l’assemblée générale a adopté une feuille de route pour les trois années qui suivent. Son titre : donnons confiance !
Nous y faisions le constat d’un manque de confiance dans la justice, dans nos Ordres, dans notre profession. Nous tentions d’y apporter des ébauches de solutions. De nombreux chantiers n’ont pu aboutir, la crise sanitaire étant passée par là. En ce début d’année judiciaire, nous allons relancer une série de travaux importants pour la justice en général et pour la profession en particulier.
Ce 1er septembre 2021, à l’occasion de la séance solennelle de rentrée de la Cour de Cassation, Madame le Premier Avocat Général R. Mortier prononçait la mercuriale intitulée « De la confiance comme fondement de la légitimité de la justice ». Cette mercuriale est particulièrement intéressante. Elle permet déjà de se rendre compte que les plus hautes instances judiciaires du pays ont un réel souci de rester connectées à la réalité. Et ce n’était, a priori, pas gagné.
L’existence de l’autorité est essentielle au bon fonctionnement d’une société ordonnée précise l’auteure. Cette autorité, dans le cadre du pouvoir judiciaire, doit prendre la forme de la légitimité. Elle n’est donc pas marquée par une forme d’obéissance aveugle mais bien par la perception individuelle que « cette institution, qui impose des règles et des lois, a également le droit et la reconnaissance d’exiger le respect de ces règles afin que les gens soient plus enclins à se conformer aux décisions prises par la suite ».
Il est vrai que lorsqu’on tend l’oreille, on se rend compte que la justice est souvent décriée : elle est, pour certains, trop laxiste, pour d’autres, trop lente, trop chère ou trop éloignée des préoccupations des citoyens. Elle est parfois incomprise parce que son langage est trop complexe. Elle fait l’objet de critiques, souvent faciles, surtout sur les réseaux sociaux ou dans le courrier des lecteurs !
Or, une justice efficace est une justice dans laquelle le citoyen doit avoir confiance. Elle doit donc tenir compte au mieux des personnes qui la sollicitent en leur permettant de comprendre plus aisément les mécanismes qui la sous-tendent et les termes utilisés. Mieux comprendre les mécanismes qui la sous-tendent nécessite une explication particulière, dans chaque décision de justice, démontrant que les tenants de la problématique exposés par le justiciable ont bien été compris par le juge. Cela nécessite un effort pédagogique de la logique juridique.
A contrario, rien n’est pire qu’une décision qui, sans explication, précise que telle partie a raison ou partiellement raison et l’autre tort ou partiellement tort, sans aucune explication amenant à cette solution. De telles décisions, et malheureusement elles existent, ruinent toute légitime confiance que le citoyen doit avoir dans la justice.
Pour qu’elle soit considérée comme légitime, une décision de justice doit également apporter une solution concrète au problème. Comme le précise Madame le Premier Avocat Général R. Mortier dans sa mercuriale, « la mission du juge consiste toujours à régler le litige qui lui est soumis, et idéalement, à apporter une solution qui l’élimine ». Cela paraît évident mais, quand on y réfléchit, c’est loin d’être toujours le cas.
Mais, balayons également devant notre porte car cet objectif de retrouver la confiance du citoyen en la justice ne pourra se faire qu’avec le concours actif de tous ses acteurs, dont les avocats qui en sont une pièce essentielle.
C’est aussi à nous à faire preuve de pédagogie à l’égard de nos clients, notamment en expliquant les véritables enjeux d’une procédure et en en simplifiant parfois le jargon, et de pragmatisme dans nos demandes aux juridictions afin que les solutions apportées puissent réellement mettre un terme au litige.
Notre pratique professionnelle doit évoluer. Nous devons répondre aux questions légitimes de nos clients, les devancer. C’est un exercice difficile mais qui améliore incontestablement la qualité de nos relations avec les justiciables.
C’est un enjeu fondamental pour la justice, pour notre profession mais aussi et avant tout pour le citoyen. La confiance en la justice mais également dans le travail de l’avocat est une garantie essentielle pour notre démocratie. Soyons attentifs à mettre tous les moyens en œuvre pour préserver cette démocratie, si fragile.
Votre très dévoué,
Xavier Van Gils
Président