Dans les coulisses du parlement belge

Note du 18 janvier

Trois dossiers retiennent particulièrement l’attention d’AVOCATS.BE en ce début d’année : le projet d’arrêté royal préparé par la ministre de l’intérieur qui vise à généraliser les procédures écrites pour les recours en annulation devant le Conseil d’Etat, la problématique de la copie des dossiers classés sans suite qui n’est plus délivrée et une proposition de loi qui vise à accorder aux juristes d’entreprise l’équivalent du secret professionnel de l’avocat.


1. Procédure écrite devant le Conseil d’Etat – projet d’arrêté royal

a) Textes

  • Projet d'arrêté royal modifiant les articles 26 et 84/1 de l’arrêté du Régent du 23 août 1948 déterminant la procédure devant la section du contentieux du Conseil d’Etat.
  • Avis d’AVOCATS.BE

b) Développements

Le Conseil des ministres a approuvé le 4 décembre 2020, un projet d'arrêté royal visant l'introduction structurelle de la procédure écrite devant la section du contentieux administratif du Conseil d’État.

Cet arrêté vise à permettre de traiter les recours en annulation devant le Conseil d’Etat sans audience publique, à moins qu'une des parties ne s'y oppose. Le projet s’inspire des règles en vigueur devant la Cour Constitutionnelle. La mesure proposée n’est pas limitée dans le temps.

Une note critique de cet arrêté royal a été rédigée par la commission de droit public et envoyée à la ministre de l’intérieur ainsi qu’au Conseil d’Etat auquel le projet est soumis.

AVOCATS.BE regrette l’absence de concertation préalable et insiste sur l’importance de la plaidoirie qui doit rester la norme.

Une réunion de concertation avec le cabinet de la ministre de l’intérieur et des représentants de la ministre de l’intérieur a eu lieu 15 janvier 2021. L’avis du Conseil d’Etat est attendu pour début février.

2. Problématique de la copie des dossiers classés sans suite – question parlementaire

Le président d’AVOCATS.BE a interpellé le ministre de la justice au sujet de la problématique de la copie des dossiers classés sans suite qui a donné lieu à une questions parlementaire posée par la députée Vanessa Matz en commission de la justice de la Chambre ce 13 janvier 2021 :

Vanessa Matz (cdH): Monsieur le ministre, j'aimerais évoquer le problème de la délivrance de copie des dossiers classés sans suite, né dans le ressort de la cour d'appel de Mons. Les dossiers répressifs classés sans suite doivent être délivrés gratuitement par le parquet. Traditionnellement, c'est le greffe qui se chargeait de ce travail.

Les présidents de juridiction ont estimé qu'ils ne pouvaient plus mettre ainsi le personnel et le matériel du greffe à disposition pour effectuer ces copies. Certains greffes ont donc refusé de délivrer ces copies. Le parquet estime, quant à lui, qu'il n'est pas outillé pour répondre à ces demandes traditionnellement traitées par les greffes.

La polémique entre le siège et le parquet est remontée jusqu'au Collège des cours et tribunaux et au ministère public, qui campent chacun sur leur position. Ils vous ont écrit en vous demandant de trancher. La polémique a également fait tache d'huile et s'étend désormais à la quasi-totalité des juridictions du pays.

Malgré les interpellations des barreaux, la situation ne s'est pas améliorée et pose des problèmes graves tels que le risque de prescription d'actions civiles, l'impossibilité d'établir la preuve d'un fait et / ou d'une faute civile, ou encore l'impossibilité de produire la preuve d'un classement sans suite avec copie du dossier parfois exigée par les juridictions.

Monsieur le ministre, quelle est votre position par rapport à ce problème et quelles mesures avez-vous l'intention de prendre pour y remédier? Dans quels délais avez-vous l'intention de le régler, à la suite de l'interpellation qui vous a été adressée à ce sujet? En effet, ce conflit ne sert pas la cause de la Justice.

Vincent Van Quickenborne, ministre: Chers collègues, je suis au courant du problème. Comme vous l'indiquez, la discussion est en cours depuis un certain temps entre le greffe et le parquet. Autrefois, les greffes ont toujours délivré ces copies. Aujourd'hui, ils invoquent l'absence de base légale leur attribuant explicitement cette tâche pour ne plus l'assurer.

Leur charge de travail élevée les a probablement incités à prendre cette décision. Le 22 octobre, j'ai reçu une lettre du président du Collège des cours et tribunaux m'annonçant qu'à partir du 1er octobre, les greffes du tribunal de première instance ne délivreraient plus de copies. Les greffes des tribunaux de police les ont rejoints. Le Collège du ministère public a ensuite demandé à mon cabinet d'intervenir dans la mesure où il considère la délivrance de copies comme bel et bien une tâche du greffier. Le ministère public ne peut percevoir de droit de greffe; il ne peut pas le faire! Il ne dispose pas de moyens suffisants que pour assurer ce service.

Mon cabinet a fait savoir à toutes les parties concernées que, selon nos informations, la délivrance de copies est une tâche qui incombe bel et bien aux greffiers, mais ces derniers campent sur leur position. Mon cabinet a ensuite tenté de trouver une solution dans le cadre d'une concertation avec une large représentation de greffiers. À cette occasion, il a été proposé de chercher une solution à la charge de travail élevée que je reconnais volontiers. À la suite de cette concertation, j'ai reçu une lettre du président de la Conférence des présidents des juges de paix et des juges au tribunal de police signifiant qu'ils maintenaient leur point de vue. Entre-temps, les justiciables, les avocats, les compagnies d'assurance ne peuvent obtenir les copies auxquelles ils ont droit, en vertu de l'article 21 bis du Code d'instruction criminelle.

J'ai demandé que l'on prépare une modification de la loi et de la soumettre rapidement en commission au Parlement. Cette modification de loi vise à préciser clairement que la délivrance de copies de dossiers pénaux est une tâche du greffier.

En ce qui concerne la charge de travail liée à cette obligation, j'ajouterai que, suite à la possibilité donnée aux parties de prendre elles-mêmes les copies du dossier lors de sa consultation, les demandes de copies ont déjà diminué. De plus, dès que les dossiers électroniques seront opérationnels, espérons, il sera possible d'en obtenir une copie numérique, ce qui réduira fortement la délivrance de copies papier à l'avenir.

Vanessa Matz (cdH): Monsieur le ministre, je vous remercie pour cette réponse qui me laisse un peu perplexe, notamment par rapport au fait que vous intervenez comme ministre et que, quelque part, on s'assied grosso modo sur vos recommandations puisque vous n'êtes pas parvenu, avec votre cabinet, à mettre fin à ce problème. J'entends qu'il faut que vous preniez une disposition législative. Tant mieux! Il faut bien sûr que celle-ci arrive très vite.

Mais, comme vous le dites vous-même, prendre une disposition législative qui oblige, ce qui me semble nécessaire, est un fait beaucoup plus révélateur du manque de moyens des greffes qui ne peuvent pas assurer cette tâche pour l'instant.

Dans l'enveloppe qui est dédicacée et que vous avez annoncée pour le débat budgétaire du mois de mars, complémentairement à la justice, il est essentiel qu'on puisse aussi faire droit à cette demande car imposer quelque chose via une loi sans mettre les moyens nécessaires à disposition, vous savez comme moi que c'est un vœu un peu pieux.

J'ai entendu que la charge commençait à diminuer notamment du fait que les parties prennent copie directement mais il faut évidemment des moyens complémentaires. Nous espérons en tout cas que cette disposition législative interviendra extrêmement rapidement car, comme nous l'avons souligné, cela pose d'énormes problèmes de fonctionnement.

Le ministre de la justice prépare une modification de l’article 21bis du Code d’instruction criminelle. AVOCATS.BE suit attentivement le dossier.

3. Institut des juristes d’entreprise – proposition de loi – secret professionnel

a) Textes 

  • Proposition de loi Open Vld, PS, CD&V modifiant la loi du 1er mars 2000 créant un Institut des juristes d'entreprise DOC 55 - 1699/001

b) Développements

Cette proposition de loi vise principalement à renforcer la confidentialité déjà existante des avis des juristes d’entreprise par une sanction pénale, « afin de confirmer dans la loi la jurisprudence existante sur l’opposabilité de la confidentialité aux autorités d’enquête.»

Ce que revendiquent les juristes d’entreprise, c’est le secret professionnel auquel serait attaché une sanction pénale.

La proposition vise également à élargir l’accès à la profession en admettant à l’Institut des juristes d’entreprise les juristes internes qui fournissent une assistance juridique à titre indépendant.

Un juriste indépendant qui fournit une assistance juridique à titre indépendant et qui est tenu au secret professionnel, n’est-ce pas ce qu’on appelle un avocat ?

L’O.V.B. et AVOCATS.BE préparent un avis commun pour s’opposer fermement à la proposition.

4. Délégation de sommes – avis écrit d’AVOCATS.BE

a) Textes 

  • Proposition de loi cdH modifiant l’article 203ter du Code civil, visant à instaurer une délégation de sommes en cas de contribution alimentaire, DOC 55 295
  • Amendement déposé par les auteurs de la proposition
  • Avis d’AVOCATS.BE

b) Développements

La commission de la justice de la Chambre des représentants a entamé l’examen de la proposition de loi modifiant l'article 203ter du Code civil et a demandé un avis écrit à AVOCATS.BE.

La proposition de loi reprend, en l’adaptant, le texte d’une proposition de loi déposée sous la précédente législature.

Aux termes de la nouvelle proposition de loi, tout jugement ordonnant le paiement d’une contribution alimentaire pourra (et non plus devra) prévoir une autorisation de perception au profit du créancier d’aliment lorsque le débiteur d’aliments s’est soustrait à son obligation de paiement des aliments en tout ou en partie pour deux termes consécutifs ou non.

La proposition de loi tient compte des observations formulées par AVOCATS.BE dans son précédent avis. AVOCATS.BE s’en réjouit et soutient la proposition de loi dans son principe tout en formulant plusieurs observations

5. Mesures en faveur des indépendants intéressant les avocats en 2021

a) Texte

  • Loi du 22 décembre 2020 instituant des mesures diverses en faveur des travailleurs indépendants dans le cadre de la crise du COVID-19 (M. B. du 31 décembre 2020)

b) Développements

› Lorsque le deuxième confinement a été prononcé fin octobre 2020, de nombreux indépendants, dont les avocats, n’ont plus pu prétendre au droit passerelle de crise comme lors du 1er confinement, ou de soutien à la relance parce qu’ils n’étaient pas directement ou indirectement concernés par la mise à l’arrêt obligatoire de certains secteurs. Concrètement pourtant, beaucoup ont connu un violent ralentissement de leur activité à cause de la crise.

La troisième mouture du droit passerelle vient corriger cette lacune. La loi du 22 décembre 2020 instituant des mesures diverses en faveur des travailleurs indépendants dans le cadre de la crise du COVID-19 prévoit que le nouveau système, qui s’applique pour le premier trimestre de 2021, permet notamment d'apporter de l'aide aux indépendants qui n'ont pas pu bénéficier précédemment ni du droit passerelle de crise 2020, ni du droit passerelle de soutien à la relance, parce que leur secteur n'a pas dû interrompre ses activités ou parce qu'ils ne dépendaient pas d'un tel secteur.

Pour bénéficier de cette mesure, les travailleurs indépendants doivent remplir des conditions, notamment :

o Pouvoir démontrer une diminution de 40% de leur chiffre d'affaires au cours du mois civil précédant celui pour lequel la prestation financière est demandée par rapport au même mois civil de l'année de référence 2019 ;
Exemple : pour une demande pour janvier 2021, une baisse du chiffre d’affaires d’au moins 40% doit être constatée pour décembre 2020 par rapport à décembre 2019

 o Avoir effectivement payé leurs cotisations provisoires légalement dues pendant au moins quatre des seize trimestres précédant le trimestre de la demande. Une exception est prévue pour les travailleurs indépendants « starters » qui ne sont assujettis au statut social que depuis 12 trimestres ou moins. Il leur suffit d’avoir payé leurs cotisations provisoires légalement dues pendant au moins deux trimestres.
Exemple : pour une demande pour janvier 2021, un paiement de 4 trimestres de cotisations pendant la période des 16 trimestres qui précède le 1er avril 2021

 › Par ailleurs, depuis le 1er janvier 2021, il est possible, pour l’indépendant qui répond aux conditions[1], de faire appel au droit passerelle « quarantaine » dans le cadre d’une mise en quarantaine ou de soins apportés à un enfant.

› Un tableau récapitulatif actualisé des aides auxquelles ont droit les indépendants est toujours disponible sur le site de l’UCM 

› Quant à la question de la taxation du droit passerelle de crise, lire l’article de la Tribune préparé par Thierry Litannie et Sébastien Watelet.

Pour rappel, Bérengère Lefrancq, responsable du service social d’AVOCATS.BE, est disponible pour répondre à toute question ou fournir une aide concrète via l'adresse service.social@avocats.be.

 

Laurence Evrard, 
Responsable des actualités législatives

[1] Un droit passerelle pour les indépendants forcés d'interrompre totalement leurs activités en raison d'un des 3 motifs suivants :

  • Quarantaine ou isolement liée au coronavirus pendant au moins 7 jours civils consécutifs
  • Garde d'un enfant de moins de 18 ans en quarantaine/en isolement ou dont la crèche, classe ou école est fermée ou qui doit suivre obligatoirement des cours sous la forme d'un enseignement à distance
  • Garde d'un enfant handicapé quel que soit son âge qui ne peut pas se rendre dans un centre d'accueil ou dont le centre est fermé ou suite à l'interruption du service ou traitement intramural ou extramural

 

A propos de l'auteur

Laurence
Evrard
Responsable des actualités législatives

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