Dans les coulisses du parlement belge

Note du 10 décembre

Le projet de loi Corona devrait être adopté en séance plénière de la Chambre ce jeudi. AVOCATS.BE se réjouit que nombreuses de ses observations aient été prises en considération : abandon de la généralisation de la procédure écrite et de la vidéoconférence et introduction dans la loi d’un régime d’interruption de peines « COVID-19 » notamment.


1. Projet de loi portant des mesures corona

a) Textes

b) Développements

Le projet de loi portant des dispositions diverses temporaires et structurelles en matière de justice dans le cadre de la lutte contre la propagation du coronavirus COVID-19 a été examiné en commission de la justice et en commission de l’économie. Il a été discuté en séance plénière de la Chambre ce 15 décembre 2020 et devrait être adopté lors de la séance plénière prévue le 17 décembre.

Le ministre de la justice avait soumis l’avant-projet de loi à AVOCATS.BE et a tenu compte de notre avis sur différents points importants

Ainsi, par rapport à l’avant-projet de loi, ont été retirés du texte :

- Le chapitre 27 relatif à la procédure écrite et le chapitre 18 concernant la présomption de comparution en chambre du conseil en matière civile ;

- Le chapitre relatif à l’insolvabilité – la question est traitée en commission de l’économie via l’examen de la proposition de loi portant diverses modifications en matière d'insolvabilité des entreprises (cfr. infra) ;

- Le chapitre 25 relatif à la vidéoconférence en matière pénale, en matière d'application des peines et dans l'exécution de mesures d'internement.

Nos suggestions ont été intégrées dans le projet en ce qui concerne :

- le chapitre 17 (ex 19) consacré à l’allongement des délais pour fournir les pièces justificatives dans le cadre de l’aide juridique de deuxième ligne ;

- un article relatif aux assemblées générales des copropriétaires.

Le texte a encore été amélioré en commission de la justice puisque, par amendements, un régime d’interruption de l’exécution de la peine « COVID –19 » similaire à celui prévu au mois d’avril a été introduit dans la loi. C’était une revendication importante d’AVOCATS.BE.

Le système prévu n’est toutefois pas identique à l’arrêté de pouvoirs spéciaux n° 3 du 9 avril 2020 :

  • L’accès à l’interruption de la peine est rendu plus difficile : nécessité d’avoir accompli trois congés pénitentiaires plutôt qu’un et suppression de l’accès aux détenus vulnérables.
  • Il s’agit bien d’une interruption de la peine et non d’un congé. Le système d’interruption envisagée lors du premier confinement avait été « requalifié » par la Cour de cassation (arrêt du 19 août 2020 - P.20.0840.F) qui avait précisé que puisque des conditions étaient imposées, il s’agissait d’un congé pénitentiaire. Ainsi, toutes les interruptions de l’exécution de la peine ont été converties en congés, de sorte que l’exécution de la peine s’est poursuivie. Il est opté aujourd’hui pour une véritable interruption : on n’impose plus de conditions, mais on fixe des critères qui doivent être remplis au préalable.

Des amendements ont également été adoptés permettant la comparution de la victime devant le tribunal de l’application des peines ou la chambre de protection sociale.

D’autres amendements[1] ont été déposés sur la base de l’avis d’AVOCATS.BE :

  • En commission de la justice : amendements 1 à 6 déposés par le cdH et amendements 16 à 19 déposés par le PTB ;
  • En commission de l’économie : amendements 12 à 16 en matière de droit des sociétés.

Ces amendements ont toutefois été rejetés.

A noter que par un amendement de dernière minute introduit en commission de l’économie (!), l’entrée en vigueur de la disposition prévoyant l’envoi des décisions en matière pénale a été postposée au 1er mars 2021 (voir article 76 nouveau du texte adopté).

2. Insolvabilité des entreprises

a) Texte

b) Développements

La proposition de loi de Koen Geens comporte deux volets. :

  • le premier vise à régler les conséquences de l’arrêt Plessers ;
  • le second vise à endiguer la vague annoncée de faillites.

La commission « praticiens de l’insolvabilité » d’AVOCATS.BE a rédigé rendu avis concernant le second volet de la proposition.

Yves Godfroid, avocat au barreau de Liège a rédigé un avis complémentaire concernant le premier volet de la proposition relatif aux conséquences de l’arrêt Plessers.

Dans son arrêt Plessers (C-509/17, ECLI:EU:C:2019:424) rendu le 16 mai 2019, la Cour de Justice de l’Union européenne, sur question préjudicielle posée par la Cour du travail d’Anvers le 21 août 2017, a considéré que: « La directive 2001/23/CE du Conseil, du 12 mars 2001, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprises, d’établissements ou de parties d’entreprises ou d’établissements, et notamment ses articles 3 à 5, doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une législation nationale, telle que celle en cause au principal, qui, en cas de transfert d’une entreprise intervenu dans le cadre d’une procédure de réorganisation judiciaire par transfert sous autorité de justice appliquée en vue du maintien de tout ou partie du cédant ou de ses activités, prévoit, pour le cessionnaire, le droit de choisir les travailleurs qu’il souhaite reprendre ».

La proposition de loi de Koen Geens est examinée en commission de l’économie. De nombreux avis écrits ont été sollicités par la commission.

3. Note de politique générale, exposé d’orientation politique et budget pour la justice

a) Textes

  • Projet de loi contenant le Budget général des dépenses de l’année budgétaire DOC 55-1578/001
  • Justification du budget général des dépenses pour l'année budgétaire 2021.- DOC 55-1579/001 - Aide juridique – voir p. 219
  • Justification SPF justice DOC 55-1579/006 - Aide juridique – voir p. 65 à 67
  • Rapport pour la justice DOC 55-1578/012

b) Développements

Le projet de budget devrait être adopté cette semaine en séance plénière de la Chambre.

  • Questions relatives au budget :

Dans la présentation de sa note de politique générale, le ministre a indiqué que le budget est de 1,9 milliards d’euros pour la justice. Des investissements seront faits : 250 millions pour le personnel et les frais de fonctionnement et plusieurs dizaines de millions pour l’informatique. A la vitesse de croisière, cela signifiera un surplus de 300 millions d’euros pour le domaine de la justice, ce qui est significatif.

Le détail de l’investissement de 125 millions d’euros pour 2021 sera fait lors du contrôle budgétaire de mars 2021.

De nombreuses questions ont été adressées au ministre concernant le budget. La Cour des comptes a en effet indiqué que le montant de 300 millions d’euros annuels cités dans la note d’orientation politique correspondait au montant qui serait accordé en 2024.

Par ailleurs, on ne sait pas encore comment la provision interdépartementale de 125 millions sera ventilée.

Dans sa réponse, le ministre a indiqué ce qui suit :

« Le budget pour l’année 2021 est un budget technique. En effet, il était matériellement impossible de définir clairement les articles budgétaires sur lesquels ce budget supplémentaire allait être alloué. Les seuls éléments qui diffèrent du budget de 2020 sont donc l’économie à faire de 0.89 % et une ligne supplémentaire de 125 millions d’euros.

En vitesse de croisière, cette augmentation sera de 250 millions et le ministre espère pouvoir même arriver à 50 millions supplémentaires pour la numérisation de la Justice.

Lors du contrôle budgétaire de février/mars 2021, il sera décidé à quelles priorités ces 125 millions seront ventilés. Le ministre est prêt à venir débattre de cela au Parlement à ce moment-là.

Ce montant de 250 millions ne sera sans doute pas suffisant – même si on va dans la bonne direction – et impliquera que des choix soient faits. Cependant, une augmentation de budget permet de trouver des solutions en concertation avec les différents acteurs.

Concernant les pro deo, les moyens devront être prévus à partir de 2022. On sera à vitesse de croisière en 2024 avec un budget de 209 millions d’euros. Cela sera inclus dans la base budgétaire et ce ne sera pas déduit du budget supplémentaire.

Concernant la loi Salduz[5], le SPF BOSA (stratégie et appui) a accepté, dans le cadre des discussions bilatérales, la proposition du SPF Justice d’attendre le contrôle budgétaire 2021, afin d’avoir plus de clarté quant à la hauteur de la subvention. Le montant sera dès lors inscrit lors du contrôle budgétaire 2021 (comme lors des années précédentes). La décision a été dûment notifiée. »

  • Au sujet des avocats

Dans les discussions relatives à la note de politique générale et au budget, on relèvera les déclarations Koen Geens.

Extrait du rapport :

« Outre le troisième pouvoir, il y en a un quatrième, et par là l’intervenant n’entend pas la presse, mais le barreau qui a un rôle essentiel et totalement indépendant à jouer dans un État de droit. Pour le ministre de la Justice, ces Ordres constituent également un acteur important sur lequel, une fois encore et de par leur nature même, le ministre de la Justice ne peut faire valoir aucune tutelle ou autorité. »

Philippe Goffin, ancien président de la commission de la justice a quant à lui fait état d’un sondage qu’il a effectué auprès des personnes qui le suivent notamment via les réseaux sociaux. Il leur a posé une série de questions. Même si cela n’est pas scientifique, il estime que cela peut néanmoins donner certaines indications.

A la question de savoir si on a déjà consulté un avocat, l’orateur constate qu’une large majorité de nos concitoyens (75 %) consulte régulièrement un avocat. Philippe Goffin en conclut :

« C’est le premier acteur de confiance dans le cadre d’un problème de droit qu’on peut rencontrer. Il faut donc un dialogue suivi avec les avocats. »

4. Réforme de la Cour d’assises

a) Texte

b) Développements

La question de la réforme de la Cour d’assises a fait la une de l’actualité ces dernières semaines. Finalement, la proposition de révision de révision de l'article 150 de la Constitution en vue de supprimer le jury pour les crimes de terrorisme a été rejetée en commission de la Constitution et du Renouveau institutionnel le 8 décembre 2020.

Elle a toutefois été soumise à la séance plénière de la Chambre ce 15 décembre 2020 où elle a à nouveau été rejetée.

Pour rappel, des auditions avaient été organisées cet été en commission conjointe de la justice et de l’intérieur eu sujet de la Cour d’assises.

Robert De Baerdemaeker, président de la commission de droit pénal avait représenté AVOCATS.BE lors de l’audition du 8 juillet 2020 et a déposé une note synthétisant les différents avis communiqués par les bâtonniers.

Soulignant à quel point il est délicat de donner un avis sur la question tant les avis sont partagés, AVOCATS.BE a rappelé dans cet avis son attachement à l’institution de la Cour d’assises (lien avec la société, oralité des débats) tout en proposant une série de piste pour améliorer son fonctionnement (réduction du nombre de témoins, réduction du nombre de jurés, formation juridique préalable, un jury pour plusieurs affaires successives, rôle des juges professionnels).  Dans cet avis, AVOCATS.BE avait indiqué qu’il n’avait pas d’opposition radicale à ce que les crimes terroristes soient soumis à un régime particulier : au vu de la longueur, de la complexité et de l’attention que crée ce type de procédures, peut-être ne doivent-elles pas être soumises à un jury populaire classique mais plutôt à une juridiction qui pourrait être un échevinage. La question peut être discutée.

5. Décret relatif à l’organisation marché régional de l’électricité – intervention du juge de paix

a) Texte

b) Développements

La Commission de l’énergie, du climat et de la mobilité du Parlement de Wallonie a décidé de solliciter l’avis écrit d’AVOCATS.BE sur la proposition de décret modifiant les articles 2, 33bis/1, 34 et 35 du décret du 12 avril 2001 relatif à l'organisation du marché régional de l'électricité et insérant les articles 33bis/3 à 33bis/6, déposée par Messieurs Frédéric, Wahl, Bierin, Fontaine, Douette et Hazée.

Concrètement, la proposition vise à remplacer le placement d’office de compteurs à budget par une procédure en justice de paix en cas de défaut de paiement. Cette procédure permettra au juge de paix d’évaluer si les droits du consommateur ont été respectés, si celui-ci ne s’est pas montré négligent, d’obliger à payer la créance incontestablement due, de proposer le cas échéant l’installation d’un compteur communiquant avec la fonction de prépaiement à distance, de proposer un plan de paiement raisonnable ou une médiation de dettes, et d’ordonner une coupure lorsque la situation le nécessite.

Pour rappel, Jacques Fierens et Véronique van der Plancke, avocats au barreau de Bruxelles avaient déjà rendu un avis sur le sujet mais il s’agissait à l’époque de recueillir des avis de différents acteurs avant toute initiative législative sur le fonctionnement des commissions locales pour l'énergie en Wallonie, les compteurs à budget et la compétence décisionnelle en matière de restriction ou d’interruption des fournitures d’énergies. L’exposé des motifs de la proposition de décret fait d’ailleurs référence à ce premier avis.

Jacques Fierens et Véronique van der Plancke ont préparé un nouvel avis sur la proposition de décret. De manière générale, ils soutiennent ce texte mettant en œuvre l’article 23 de la Constitution et les dispositions internationales relevées dans ce précédent avis.

Ainsi, on peut constater avec satisfaction qu’une procédure respectant le principe « Pas de coupure sans décision de justice » est à juste titre instaurée (art. 8) et que le placement d’un compteur à budget sans décision du juge de paix n’est plus envisagé.

 

[1] Amendements déposés en commission de l’économie DOC 55-1668/002

  Amendements déposés en commission justice DOC 55-1668/003

[2] A noter que ces articles n’ont pas été soumis au Conseil d’Etat car ils ont été introduits par amendements au projet initial (voir amendements 2 à 4).

[3] Voir projet p. 16 et 17.

[4] ATTENTION : la traduction française de l’avis du Conseil d’Etat comporte une erreur en mentionnant l’article 477 nonies qui vise une autre situation, celle des avocats européens qui, après 3 ans de pratique, peuvent passer sur la liste des avocats belges.

[5] Note : rien n’est prévu dans le budget à ce stade.

A propos de l'auteur

Laurence
Evrard
Responsable des actualités législatives

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