- Réginald, j’espère que cette fois, tu ne me déranges pas pour rien. La dernière fois que le Parquet m’a sorti des plumes en pleine nuit, c’était pour un suicide.
- Désolé de t’arracher aux bras de ton mari, mais là on n’a pas le choix. Un type à Anderlecht, sur le trottoir devant le parc, abattu à la mitraillette en pleine rue. Le légiste n’a pas fini de compter les trous...
C’est ainsi que Julie, juge d’instruction, met le pied dans cette sombre guerre des gangs qui, de Rotterdam puis Anvers, s’insinue maintenant dans toutes nos grandes villes. Trafiquants de drogue, d’armes, de femmes, de produits contrefaits. Mafias italiennes, albanaises, marocaines, russes, chinoises. Nos villes deviennent leurs terrains de jeux.
Mais ces jeux-là ne sont pas pour les enfants de chœur. En Albanie, on ne rigole pas avec le code Kanun, version locale de la vendetta corse.
Michel Claise puise donc à nouveau dans les affaires dont il a eu à connaître comme juge d’instruction les éléments d’une nouvelle intrigue qui mènera ses protagonistes d’Anvers à Tirana et de Rotterdam à Medellin.
Dans ce cas, l’intrigue m’a paru moins haletante que lors de ses précédents ouvrages. Mais comment ne pas être fasciné/répulsé par ces bandits sans aucun scrupule, pour lesquels la mort et la torture semblent n’être que de simples avatars ? Il y a, pour eux, la fidélité au clan et puis, basta.
C’est donc plus pour la dénonciation, détaillée, de ces routes de la drogue et des grands trafics que ce livre m’a intéressé. Et en même temps terrifié. Car si nous en savons un peu, depuis quelques années, et notamment depuis que nos policiers ont réussi à craquer les fameux téléphones cryptés Sky ECC, nous ne voyons généralement que la partie émergée de l’iceberg.
Rassurez-vous. Cela finit mal. Ou bien, c’est selon les points de vue. Mais en réalité, cela ne finit que pour certains hommes. Et, pour le reste, la vie continue. De pire en pire.
Sur la route passent les hommes, passe aussi le bétail, passent aussi des vivants, passent aussi les morts.
Ismaïl Kadaré, le grand auteur albanais, est très présent dans ce livre. Il en ouvre chacun des chapitres. Pourrait-il nous faire comprendre pourquoi ce que nous qualifions d’inhumain est proprement humain ? Quel défi !
Patrick HENRY,
Ancien Président
