Carte blanche « L’Office des étrangers, une administration défaillante à auditer »

Il s’inquiète de rester sans nouvelles et, dès la mi-juillet, il interpelle l’Office des étrangers qui lui promet une décision très rapide. Toujours sans nouvelles, au début du mois d’août, il fait appel au médiateur fédéral auquel l’Office répond que le dossier est prioritaire. Il obtient la même réponse vers le 15 août et même 10 jours plus tard.

Dans l’attente de son visa, il est bloqué dans son pays d’origine. Il est Ivoirien.

Le 4 septembre, l’Office prend sa décision : la demande est devenue sans objet car l’examen d’entrée a eu lieu. Ceci est véridique : « considérant que le début de la session des examens en question est actuellement déjà dépassé ; que l’intéressé n’est plus en mesure de présenter les examens en question et ne pourra donc pas s’inscrire dans l’enseignement supérieur auquel donne accès la réussite de cet examen ; En conclusion l’objet même de la demande n’est plus rencontré et il ne peut plus être tenu compte de l’attestation produite ; En conséquence, la demande d’autorisation de séjour pour études est refusée ».

Nous avons honte. Nous avons honte d’être belges et de recevoir la dénonciation d’un tel dossier. Nous avons honte de dire que nous vivons dans un Etat de droit alors que, manifestement, ce n’est plus le cas. Mais que voulons-nous à la fin ?

Nous avons écrit à la ministre, Maggie De Block. Elle nous indique avoir demandé au directeur général de l’Office des étrangers de prendre les mesures nécessaires ! Nous avons demandé à rencontrer l’Office des étrangers. Cette rencontre a eu lieu. Nous entendons encore le directeur général nous indiquer qu’en réalité c’est uniquement une question de moyens. C’est donc à cause d’une question de moyens que l’on a refusé un visa à un étudiant étranger le 4 septembre plutôt que de l’accepter le 28 août ?

Le nombre de fonctionnaires du service aurait diminué. Peut-être. C’est même sans doute vrai tant la politique migratoire a fait preuve de peu d’ouverture ces dernières années. Mais il nous faut constater qu’à l’heure de l’e-mail sécurisé, les dossiers de demandes de visas sont transmis à l’Office des étrangers, depuis les ambassades belges, par avion ou par bateau, en passant par la valise diplomatique du ministère des Affaires étrangères, ce qui prend plusieurs semaines !

La migrance est mal gérée en Belgique. Elle sera pourtant présente lors des négociations gouvernementales fédérales qui interviendront tôt ou tard. Il est temps d’avoir une vraie politique en la matière et une administration digne de ce nom.

AVOCATS.BE, qui représente les 8.000 avocats francophones et germanophones, a formulé plusieurs propositions. De fond et de forme. La première d’entre elles est que l’Office des étrangers fasse l’objet d’un audit. Cette administration, qui gère la migrance en Belgique, est considérée, de l’avis de représentants de tous les partis francophones, comme la plus opaque des administrations belges. Elle est aussi frappée de lenteurs, de lourdeurs et, disons-le, d’inefficience, qui portent atteinte à l’économie de la Belgique et à son image internationale.

La problématique des étudiants étrangers qui n’obtiennent pas de visa a été évoquée ci-dessus. Il y a aussi celle de l’obtention d’un permis unique travail/séjour, demandé par une entreprise belge pour un travailleur étranger qui nécessite bien souvent plus de six mois, ce qui ne correspond en rien à la nécessité des affaires.

En matière de regroupement familial, des Belges ou des étrangers qui travaillent en Belgique et y sont parfaitement « intégrés » sont parfois confrontés aux pires difficultés pour se faire rejoindre par leur épouse et leurs enfants ou pour recevoir la visite d’un proche (grand-mère, oncle ou tante). Est-ce ainsi qu’on envisage l’accueil et l’inclusion, notions chères à certains politiques ?

Il n’est plus possible, de nos jours, de rencontrer un agent de l’Office des étrangers, et très difficile, voire impossible, de simplement lui parler au téléphone, même lorsque, comme professionnels, nous disposons de lignes distinctes. Est-ce normal pour une administration alors qu’un tel contact est toujours possible dans les autres services de l’Etat ?

Cette absence de contact direct nuit à la qualité des décisions prises.

Nous ne voulons pas critiquer les fonctionnaires qui font ce qu’ils peuvent avec des moyens très limités et des règles de plus en plus complexes. Le statut des étrangers se précarise. Le travail de l’Office des étrangers augmente. Faire plus, pour ne pas dire mieux, avec moins de personnel, l’antienne est connue. Mais qui convainc-t-elle encore ? Nous voulons simplement que le service de l’Etat qu’est l’Office des étrangers fonctionne normalement.

AVOCATS.BE en appelle à un changement de mentalité. Un état d’esprit où la migrance sera vue comme une opportunité. Une matière dans laquelle, il faudra bien sûr toujours prendre des décisions négatives et les exécuter – le moins inhumainement possible –, mais une matière où l’étranger ne sera pas d’abord vu comme un ennemi potentiellement nuisible mais comme un partenaire, dont on attend un enrichissement potentiel et mutuel, à l’égard duquel on sera loyal et dont on attend la même loyauté en retour.

Pour commencer, AVOCATS.BE demande la tenue d’un audit général du fonctionnement de l’Office des étrangers. Il est anormal que le fonctionnement d’un service public soit aussi opaque. Il est plus que temps que la transparence soit faite sur ce qui paraît parfois « l’Etat dans l’Etat ».

 

Par Xavier Van Gils, président d’AVOCATS.BE
Jean-Marc Picard, président de la commission de droit des étrangers d’AVOCATS.BE

Carte blanche publiée dans Le Soir.

Photo Didier Lebrun © Photo News

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