Aide juridique : une fausse nouvelle nomenclature est entrée en vigueur ce 1er septembre

La nouvelle nomenclature fixant la rémunération des avocats travaillant en aide juridique de deuxième ligne a été publiée dans le Moniteur belge de ce 26 août. Malgré le travail considérable effectué par les Ordres communautaires, elle ne présente que très peu de nouveautés par rapport à la précédente nomenclature de 2016. Explications.

Par arrêt du 22 septembre 2023, le Conseil d’Etat avait annulé l’arrêté ministériel du 19 juillet 2016 fixant la nomenclature des points pour les prestations effectuées par les avocats chargés de l’aide juridique de deuxième ligne partiellement ou complètement gratuite. Cette décision était motivée par l’absence de consultation préalable de la section de la législation du Conseil d’Etat.

Afin de ne pas en revenir à la nomenclature du 5 juin 2008, ce qui aurait provoqué un chaos insurmontable en raison des modifications de l’évaluation des prestations et de la valeur du point intervenues entre-temps, le Conseil d’Etat a toutefois maintenu les effets de la disposition annulée jusqu’au terme des 18 mois suivant la notification de l’arrêt, soit jusqu’au 29 mars 2025.

Tant du côté de l’O.V.B. que de l’O.B.F.G., des groupes de travail composés des présidents des bureaux d’aide juridique se sont donc mis à l’œuvre pour proposer une nouvelle nomenclature en faisant face à une difficulté supplémentaire : la mise en application de l’arrêté royal du 21 février 2024 fixant la valeur du point et consacrant depuis le 1er février 2024 le principe d’une enveloppe budgétaire ouverte. Toute augmentation de points dans le projet de nomenclature entraîne désormais une augmentation du budget, ce à quoi le ministre est aujourd’hui particulièrement sensible suite aux critiques de la Cour des comptes…

Du côté de l’O.B.F.G., un groupe comprenant deux bâtonniers (Verviers et Tournai) a donc été mis en place pour superviser le nouveau projet de nomenclature afin d’éviter que l’augmentation globale des points ne soit trop importante. Les projets des deux Ordres communautaires ont ensuite été rassemblés pour n’en faire qu’un, même si certains désaccords demeuraient, notamment sur l’insertion d’une nouvelle rubrique consacrée aux modes de règlement amiable (MARCS).

Voulant résolument obtenir cette nouvelle rubrique, les représentants d’AVOCATS.BE ont adressé une note au Conseil d’Etat en évoquant cette question à laquelle il a été répondu en page 14 de l’avis du 12 juin 2024 : « La rubrique 21 de l’annexe dispose qu’il convient de travailler par analogie en ce qui concerne les tâches dont les points ne sont pas explicitement prévus par la liste. L’insertion d’un tel régime subsidiaire est justifiée. Toutefois, afin de garantir l’égalité de traitement des avocats, les auteurs du projet devront veiller à déjà traduire autant que possible la diversité des prestations qu’un avocat peut effectuer dans le cadre de l’aide juridique de deuxième ligne dans des rubriques de l’annexe elle-même. Ainsi, l’annexe ne semble pas contenir de régime général élaboré pour des prestations relatives à un règlement alternatif des litiges. »

C’est dans ce contexte que l’arrêté ministériel du 26 juillet 2024 fixant la nomenclature des points pour les prestations effectuées par les avocats chargés de l’aide juridique de deuxième ligne partiellement ou complétement gratuite a été publié dans le Moniteur belge du 26 août dernier. Les nouveautés qui y sont reprises ne visent que les prestations devant le juge d’application des peines, les faillites et les PRJ.

L’entrée en vigueur de cette disposition a été fixée à ce 1er septembre sans attendre l’échéance du mois de mars 2025 afin d’éviter l’application de deux nomenclatures sur une même année judiciaire. Etant donné cette urgence, les motivations de l’arrêté ministériel soulignent que dans un premier temps, les modifications de la nomenclature de 2016 sont limitées, ce qui est effectivement le cas. Le nouveau texte n’exigeant donc aucune initiative nouvelle de la part du Gouvernement, il pouvait être traité en affaires courantes dans le but d’éviter une carence préjudiciable aux citoyens.

Les motivations soulignent également que pour les prestations non explicitement reprises dans la liste, « il convient de travailler par analogie tout en veillant à l’égalité de traitement des avocats », ce qui correspond à la pratique habituelle.

Enfin, l’article 1er, alinéa 2 de l’arrêté ministériel précise que « chaque point correspond à une heure de prestation » comme c’était déjà le cas dans l’arrêté ministériel précédent. Cela ne signifie cependant pas pour autant que l’évaluation des prestations se fait désormais sur la base d’un time sheet, le Cabinet du Ministre ayant au contraire précisé lors des réunions préparatoires, que le principe de la rémunération forfaitaire restait de mise.

L’alinéa 2 de l’article 1er sert donc uniquement de référence pour l’application de l’article 2, 1°, 3ème et 5ème alinéas de l’arrêté royal du 20 décembre 1999, modifié par l’arrêté royal du 21 février 2024 : « Si à la clôture du dossier, il apparaît que le temps consacré à une ou plusieurs prestations est inférieur à la durée correspondant aux points repris dans la liste visée au point 1°, alinéa 2, pour ces mêmes prestations, l'avocat limite sa demande aux points correspondant à l’indemnisation du temps effectivement presté. 

(…)

Si les prestations fournies excèdent de plus de 100% le nombre de points correspondant prévus dans la liste visée au point 1°, alinéa 2, l’avocat peut demander au président du bureau d’aide juridique d’augmenter le nombre de points à indemniser. Dans sa demande, l’avocat précise les circonstances selon lesquelles le dossier justifie un nombre de points plus élevé. »

Relevons encore qu’une évaluation de cette fausse nouvelle nomenclature devra être effectuée en concertation avec les Ordres communautaires au cours de l’année judiciaire suivante (2025-26) puis tous les cinq ans (article 4).

Est-ce à dire qu’une adaptation contenant notamment les MARCS n’est pas pour tout de suite alors que cette matière a été consacrée par la loi du 18 juin 2018 et la loi du 19 décembre 2023 généralisant les chambres de règlement amiable ?

Affaire à suivre…

Stéphane Boonen,
Administrateur

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