Accès des avocats au Registre national : une question de déontologie et de protection des données à caractère personnel

L’avocat a la faculté d’accéder, dans le cadre de ses missions, à de nombreuses bases de données, notamment aux informations du Registre national des personnes physiques (ci-après le RN). À titre d’exemple, en application de l’article 1034quater du Code judiciaire, l’avocat doit, à peine de nullité, joindre un certificat de domicile ou un extrait du Registre national des personnes physiques à sa requête.

Pour ce faire, il lui suffit de se connecter à la DP-A et de remplir le formulaire mis à sa disposition par l’Ordre des Barreaux Francophones et Germanophone (O.B.F.G.), lequel intervient en tant que tiers de confiance.

Rien de plus simple, diriez-vous ?

Pourtant, pour garantir la vie privée et la protection des données des citoyens, un tel accès est encadré, tant par une équipe technique qui assure l’automatisation de cet accès et sa sécurité, que par des obligations légales et des démarches administratives, découlant des dispositions de la loi du 8 août 1983 organisant un Registre national des personnes physiques et de l’arrêté royal du 26 février 1997 autorisant l'Ordre national des avocats de Belgique à accéder aux informations du Registre national des personnes physiques.

Le cadre juridique :

En vertu de l’article 5 de la loi du 8 août 1983 organisant un Registre national des personnes physiques, l’Ordre des barreaux francophones et germanophone est « autorisé à consulter les informations visées à l’article 3, alinéas 1er à 3 du Registre national (…) dans le seul but de communiquer aux avocats les informations dont ils ont besoin pour les tâches qu’ils remplissent en tant qu’auxiliaire de justice[1]

Les modalités et conditions d’un tel accès ont été clarifiées par le Comité sectoriel du Registre national[2], plus précisément, dans sa Délibération RN n°42/2013 du 8 mai 2013[3]. Il ressort de cette Délibération que les avocats ont la faculté d’accéder à toutes les informations visées à l’article 3, 1°-9°, 13° et 14° en ce compris la composition de ménage et la cohabitation légale. L’accès à ces informations est toutefois subordonné à :

  • Une obligation de motivation dans la mesure où les besoins des avocats en termes de données du Registre national diffèrent en fonction des situations et des procédures auxquelles ils sont confrontés ;
  • Un encadrement déontologique.

Ainsi, le Code déontologie de l’avocat dispose, en son article 4.92 que[4] :

« Seuls sont autorisés à utiliser les informations obtenues du Registre national par l’intermédiaire de l’Ordre des barreaux francophones et germanophone, les avocats de ces barreaux qui reconnaissent avoir pris connaissance du présent code et qui se sont engagés à en respecter les dispositions.»

  1. Finalités d’accès autorisées

L’accès au RN par les avocats est limité à quatre objectifs spécifiques énoncés à l’article 1er de l’arrêté royal et à l’article 4.93 du Code de déontologie :

  1. Intentement d’une cause : collecte d’informations nécessaires à l’introduction d’une procédure ;
  2. Poursuite d’une cause : suivi d’une procédure en cours ;
  3. Aboutissement d’une cause : finalisation des démarches procédurales ;
  4. Actes préalables à une procédure contentieuse : opérations préparatoires visant à prévenir ou préparer une action judiciaire, comme les mises en demeure ou la résiliation de contrats.

Ces finalités imposent aux avocats d’indiquer explicitement l’objectif poursuivi lors de chaque demande d’accès depuis le formulaire en ligne.

Par ailleurs, et en vue d’assurer le principe de minimisation, seules les données strictement nécessaires doivent être sollicitées par l’avocat. A cet égard la Délibération 42/2013, en son § 16, indique que :

  • « Ainsi, les actes préparatoires à une action en récupération de créance nécessitent uniquement de consulter l'adresse actuelle du débiteur pour lui adresser une mise en demeure alors que les actes préparatoires à une action en recherche de paternité ou de maternité nécessitent de consulter la date de naissance de l'enfant ainsi que l'état civil de la mère et leur nationalité afin de déterminer la loi applicable et de vérifier si les conditions de délais de l'intentement de l'action sont respectées. »
  1. Limites et conditions d’accès et de partage des données

Les avocats doivent s’assurer que l’utilisation des données du RN est strictement conforme aux objectifs déclarés, à défaut de quoi ils risquent de se voir sanctionnés par leur bâtonnier.

Les travaux préparatoires de l’arrêté royal et la Délibération du Comité sectoriel du Registre national n°42/2013 précisent davantage les modalités d’accès :

  • Usage strictement limité à une cause: l’accès est exclusivement réservé aux démarches procédurales liées aux affaires confiées aux avocats, incluant des actes préparatoires ou des recherches permettant d’éviter un contentieux. Les informations obtenues ne peuvent être utilisées pour des missions de conseil général ou des démarches personnelles en dehors du cadre judiciaire.
  • Équivalence entre avocat et client : un avocat est autorisé à effectuer des actes que son client pourrait lui-même accomplir, mais avec la garantie d’un usage rigoureux et justifié.

En toute circonstance, l’accès au RN à des fins non directement liées à une affaire en cours est strictement interdit.

La Délibération du Comité sectoriel précise encore que l’avocat doit systématiquement indiquer un numéro de référence lié au dossier en cours. L’absence de lien clair entre la recherche effectuée et une procédure définie est constitutive d’une infraction déontologique.

Enfin, et comme le rappelle l’APD, dans sa décision 51/2021[5], la Délibération (42/2013) en son § 30 « précise que les données ainsi obtenues par les avocats pourront être communiquées à leurs clients, aux parties adverses ainsi qu’aux Cours et Tribunaux à condition que cette communication cadre avec la finalité de leur consultation dans le RN ».

  1. Obligations déontologiques et sanctions

Les avocats sont tenus de respecter les limites énoncées dans le cadre légal et déontologique. Toute recherche doit être dûment motivée, et les informations collectées doivent être exclusivement utilisées dans le cadre de l’affaire en question.

Grâce à « Mon Dossier », les citoyens peuvent vérifier les données reprises dans le Registre national qui les concernent et voir qui a consulté ces données au cours des six derniers mois. Lorsque c’est un avocat qui y a accédé, le citoyen est renvoyé vers AVOCATS.BE (ou, le cas échéant, l’Orde van Vlaamse balies), qui tient un registre des log files afin de vérifier les accès.

L’identité de l’avocat ayant accédé au RN n’est pas communiquée par AVOCATS.BE à la personne concernée, mais le bâtonnier est sollicité, et une enquête est menée pour vérifier le respect des conditions d’accès au RN. En cas de manquement, l’avocat peut être sanctionné par son bâtonnier.

Conclusion et recommandations

L’accès des avocats au RN constitue un outil précieux pour l’exercice de leur mission de défense. Toutefois, son usage est soumis à un contrôle rigoureux visant à garantir la protection des données personnelles et à prévenir tout abus.

Pour toute question complémentaire ou doute concernant une situation spécifique, il est conseillé de formuler une demande formelle auprès de votre bâtonnier.

 

Saba Parsa
DPO de l’OBFG
Avocate au barreau du Brabant wallon

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[1] Voir également APD (chambre contentieuse), Décision 51/2021, du 15 avril 2021, Plainte pour consultation du Registre national par un avocat, DOS 2020-05108, § 13.

[2] Au sein de la Commission pour la Protection de la Vie Privée, devenue l’Autorité de protection des données.

[3] Disponible sur le site du Service Public fédéral Intérieur (IBZ), qui est actuellement compétent pour accorder de telles autorisations, en suivant ce lien : https://www.ibz.rrn.fgov.be/fr/registre-national/autorisations-comite-sectoriel/. Cette Délibération de 2013 a, dans sa version française, été erronément estampillée « 2012 ».

[4] En son Chapitre 10, relatif à l’accès aux informations du Registre national des personnes physiques, ses articles 4.92 à 4.97

[5] Voir https://latribune.avocats.be/fr/rgpd-une-premiere-decision-visant-les-avocats

A propos de l'auteur

Saba
Parsa
DPO de l’OBFG et avocate au barreau du Brabant wallon

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