J’ose rêver que, d’ici quelques années, aucune femme ne sortira d’un commissariat dépitée de n’avoir pu déposer sa plainte. Qu’elle rentrera chez elle sans redouter de tomber nez à nez avec son bourreau devant sa porte d’entrée… car elle sera protégée grâce à des mesures d’éloignement efficaces et appliquées.
Séjournant en France pour quelques jours, j’ai, un peu comme tout le monde j’imagine, acheté une baguette. Sur l’emballage, j’ai lu « Sortir du cycle des violences au sein du couple : des gendarmes pour vous protéger. Protégez-vous, demandez de l’aide, DITES STOP, témoin, votre témoignage peut faire la différence, … ».
Est-ce cela la vraie victoire de Janine Bonaggiunta et Nathalie Tomasini, deux avocates parisiennes, toutes deux d’origine méridionale, l’une corse et l’autre algérienne, qui, il y a une dizaine d’années, ont décidé de créer ensemble un cabinet spécialisé dans la défense des femmes victimes de violences conjugales ?
Elles ne s’y attendaient pas vraiment mais il n’a pas fallu longtemps pour que quelques causes emblématiques leur soient confiées. Elles ont défendu Alexandra Lange, qui avait abattu son mari d’un coup de fusil (tiré dans le dos) après des années de sévices, de coups et de blessures, de menaces, de viols. Acquittement pour légitime défense. Une première.
Puis Samia, Maud, Jennifer et Noémie, Sophie, Maryline, Sandrine, Valérie. Toujours la même histoire. Mais généralement en qualité de partie civile. Où il faut affronter le regard des autres, celui de magistrats pas toujours compréhensifs et, même, une fois, un Dupond-Moretti particulièrement, disons, incisif…
Et bien sûr, il y a eu la défense de Jacqueline Sauvage, qui avait aussi tué son bourreau et dont nous avons tous suivi le déroulement. Un procès difficile, face à une magistrate plus que directive, avec, à la fin, une dure condamnation : 10 ans. Et puis la rencontre avec François Hollande et, en deux temps, une grâce qui apparaît comme une véritable rédemption.
C’était la terreur tous les jours, c’est cela que vous devez comprendre.
C’est un livre témoignage. Pas de la grande littérature. Les deux avocates racontent tour à tour comment elles se sont engagées, comment elles ont vécu ces différents procès, comment elles sont entrées en communion (parfois plus, parfois moins) avec ces différentes clientes. Leur combat. Car c’en est devenu un. Un engagement, dans tous les sens du terme.
Il arrive que, lorsque nous médiatisons une affaire, la pression journalistique nous force quelque peu à délaisser le cabinet et à mettre en danger sa santé financière. Mais peu importe, ce qui est crucial, le sens de notre engagement, c’est de porter haut et fort la cause de ces femmes. Des clientes qui ont parfois du mal à saisir que nous avons une équipe à rémunérer, un loyer à payer…
Elles luttent.
Patrick HENRY