On blâme Dieu pour les crimes des hommes… et l’on se dit qu’il n’y a pas de Dieu, alors qu’on devrait plutôt voir qu’il n’y a pas d’hommes.
Les enfants perdus ce sont les soldats qui commencent l’attaque un jour de combat.
Cela ne correspond pas tout à fait à la situation de Thomas More qui, en 1870, après la défaite de Sedan, est détenu dans la presqu’île d’Iges avec une bonne partie de ce qu’il reste de l’armée de Napoléon III.
Mais le roi de Prusse, qui connaît ses qualités de détective, le fait mander pour élucider un crime commis dans son entourage : une jeune femme a été assassinée. Curieusement, son corps a été retrouvé alors qu’elle était assise sur une chaise et revêtue d’une robe et d’un voile de religieuse. More éclaircira ce mystère et, dans la foulée, il résoudra deux autres affaires : un incendiaire a mis le feu à plusieurs églises des environs ; un capitaine des cuirassiers a été tué dans des circonstances curieuses : près de son corps, on retrouve un éclat d’obsidienne qui semble venir du bout du monde.
Ce n’est pas tant pour le dénouement de ces intrigues que le premier volet des aventures de Thomas More (car François Sureau nous en annonce d’autres) vaut d’être lu. Car si, à chaque fois, notre détective fait preuve d’une formidable sagacité, François Sureau ne se préoccupe guère d’entretenir le suspense. Ce n’est manifestement pas ce qu’il recherche.
Ce qui l’intéresse est tout autre. Il s’agit de traquer l’âme humaine, d’y chercher le mal, d’en dévoiler les ressorts.
Comme on pouvait s’y attendre, le tout est écrit dans une langue d’une exceptionnelle richesse et, au hasard des pérégrinations de son héros (qui, comme tout bon détective, a son faire-valoir, ici l’intendant Seligmann), François Sureau ne manque pas de nous distiller quelques précisions historiques où sa grande érudition fait merveille.
Ce n’est pas haletant mais c’est si joliment écrit que l’on tourne les pages de cette enquête (ces enquêtes ?) avec ravissement.
« Vous en avez vu, Monsieur More, et moi aussi. Vous n’êtes pas découragé ?
- Le mal est plus visible que le bien… ça ne veut pas dire qu’il soit plus fort que lui. Croire le mal plus fort… c’est une illusion du diable.
- Vous croyez au diable, Monsieur More ?
Mais More ne répondit pas plus à cette question que, dans la forêt de Belval, il n’avait répondu à celle de Seligmann à propos de Dieu.
Tout ce que vous avez à décider, c’est quoi faire du temps qui vous est imparti, disait Gandalf …
Patrick Henry
Ancien président