Focus sur les personnes politiquement exposées

Pour rappel, notre rubrique est consacrée à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Chaque édition aborde un autre thème pour vous informer et vous rappeler que l’assujettissement est plus rapide que beaucoup ne l’imaginent.

Appliquer la loi anti-blanchiment relève parfois de l’exercice du funambule. D’où le titre de notre rubrique…

Celle-ci se veut courte et lisible. Elle se veut également interactive, donc n’hésitez pas à nous soumettre vos questions à l’adresse blanchiment@avocats.be. Nous ferons le maximum pour y apporter une réponse claire.

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Retour aux sources pour cette édition, puisque nous vous proposons un rappel théorique des mesures spécifiques à prendre en présence d’une « PPE » (personne politiquement exposée)


La philosophie de la loi du 18 septembre 2017 relative à la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme et à la limitation de l’utilisation des espèces (ci-après : « la Loi BC/FT ») est en effet que chaque mesure prise doit correspondre au mieux au risque encouru. C’est ainsi qu’elle identifie les PPE, ainsi que les membres de leur famille1 et associés proches2, comme représentant un risque élevé, car plus susceptibles de participer à un délit de corruption.

Les PPE sont définies à l’article 4, 28° de la Loi BC/FT. Il s’agit :

  • des chefs d’Etats, de gouvernement, les Ministres et Secrétaires d’Etats ;
  • des parlementaires ;
  • des membres des organes dirigeants des partis politiques ;
  • des membres des Cours suprêmes, des Cours constitutionnelles ou d’autres juridictions y compris administratives dont les décisions ne sont habituellement pas susceptibles de recours sauf circonstances exceptionnelles ;
  • des membres des cours des comptes et de la direction des banques centrales ;
  • des ambassadeurs, les consuls, les chargés d’affaires et les officiers supérieurs des forces armées ;
  • des membres des organes d’administration, de direction ou de surveillance des entreprises publiques ;
  • des directeurs, les directeurs adjoints et les membres du conseil d’une organisation internationale, ou les personnes qui occupent une position équivalente en son sein ;
  • des personnes physiques exerçant des fonctions publiques importantes figurant sur la liste publiée par la Commission européenne sur la base du § 3 de l’article 20 bis de la directive 2015/849. 

Toute personne relevant de cette définition, qu’elle soit belge ou non et qu’elle exerce ses fonctions en Belgique ou pas, est considérée comme une personne politiquement exposée.

A noter que la dernière catégorie de la définition de la Loi BC/FT, la « liste publiée par la Commission européenne sur la base du § 3 de l’article 20 bis de la directive 2015/849 », consiste en la compilation (i) des listes des fonctions précises considérées comme étant des fonctions publiques importantes devant être établies par chaque Etat membre, (ii) des listes des organisations internationales accrédités sur le territoire des Etats membres et (iii) de la liste que la Commission européenne dresse des fonctions publiques importantes au niveau des institutions et organes de l’Union européenne. 

A notre connaissance, la Commission n’a pas encore rendu cette liste publique. 

La Belgique a de son côté publié sa liste des fonctions publiques importantes, à l’annexe IV de la Loi BC/FT, qui détaille les catégories reprises à l’art. 4, 28°. Cette liste est actuellement la suivante :

1° les chefs d’Etat, les chefs de gouvernement, les ministres et les secrétaires d’Etat :

  • le Roi ;
  • le Premier Ministre, Ministre-Président, Vice-Premier Ministres, Vice-Ministres-Présidents, Ministres et secrétaires d'Etat ;

2° les parlementaires ou les membres d'organes législatifs similaires : le président de la Chambre, le président du Sénat, le Président du Parlement, les membres du parlement, les sénateurs, les sénateurs cooptés, les présidents de commissions et membres de commissions ;

3° les membres des organes dirigeants des partis politiques : les membres de la direction du parti, le conseil politique, le comité de direction, la gestion journalière et le secrétariat du parti ;

4° les membres des cours suprêmes, des cours constitutionnelles ou d'autres hautes juridictions, y compris administratives, dont les décisions ne sont pas susceptibles de recours, sauf circonstances exceptionnelles :

  • conseiller à la Cour de cassation (en ce compris le premier président, le président et les présidents de section) ;
  • conseiller à la Cour d'appel (en ce compris le premier président et les présidents de chambre) ;
  • conseiller à la Cour du travail (en ce compris le premier président et les présidents de chambre) ;
  • conseillers suppléants de ces trois cours ;
  • le premier Président, les présidents, les présidents de chambre, les conseillers d’Etat, les assesseurs et auditeurs au Conseil d’Etat ;
  • juges de la Cour constitutionnelle (y compris les présidents) ;

5° les membres des cours des comptes ou des conseils ou directoires des banques centrales :

  • le Gouverneur et les membres du Comité de direction et du Conseil de régence de la Banque nationale de la Belgique ;
  • le premier président, les présidents et conseillers à la Cour des comptes ;

6° les ambassadeurs, les consuls, les chargés d'affaires et les officiers supérieurs des forces armées :

  • les ambassadeurs, les consuls et les chargés d'affaires ;
  • les officiers revêtus du grade de général ou d'admiral (sic) qui sont désignés par le Roi pour exercer une fonction spécifique ;
  • les officiers revêtus du grade de lieutenant-général ou vice-amiral qui sont désignés à leur emploi, selon le cas, par le Roi ou le ministre de la Défense ;
  • les officiers revêtus du grade de général-major ou amiral de division qui sont désignés à leur emploi, selon le cas, par le Roi ou le ministre de la Défense ;
  • les officiers revêtus du grade de général de brigade ou amiral de flotille (sic) qui sont désignés par le Roi pour exercer une fonction spécifique ;

7° les membres des organes d'administration, de direction ou de surveillance des entreprises publiques :

  • le Chief Executive Officer, l'Administrateur Délégué, le président, les administrateurs et membres du conseil d'administration, le président et les membres du comité de direction et du comité exécutif, les commissaires au gouvernement ;
  • les directeurs, les directeurs adjoints et les membres du conseil d'une organisation internationale établie sur le territoire belge, ou les personnes qui occupent une position équivalente en son sein.


La Loi BC/FT impose donc une vigilance accrue aux avocats qui effectuent des opérations ou qui nouent des relations d’affaires avec des PPE ou qui ont noué une relation d’affaires avec des personnes qui le deviennent, des membres de leur famille ou des personnes connues pour être étroitement associées à ces PPE.

Outre les mesures d’identification et de vérifications d’identification, les avocats veilleront à prendre des mesures qui :

  • Permettent de disposer d’un système adéquat de gestion des risques et notamment, de déterminer si le client, un mandataire du client, ou le bénéficiaire effectif du client est ou devient, en cours de relation, une personne politiquement exposée ;
  • Permettent d’appliquer les mesures suivantes pour toute relation d’affaires avec une personne politiquement exposée :
    • Prendre les mesures appropriées pour établir l’origine du patrimoine et des fonds impliqués dans la relation d’affaires ou l’opération avec des personnes politiquement exposées ;
    • Exercer une surveillance accrue de la relation d’affaires.

A noter que la PPE demeure à risque pendant douze mois au moins après avoir cessé d’exercer une fonction publique importante pour le compte d’un Etat membre ou d’un pays tiers ou pour le compte d’une organisation internationale3.

Il n’existe malheureusement pas de listes en accès public identifiant les PPE. Certains opérateurs privés en proposent moyennant souscription d’un abonnement payant.

La commission anti-blanchiment d'AVOCATS.BE

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1 Art. 4, 29° de la Loi BCFT : le conjoint ou toute personne considérée comme équivalent, les enfants et leur conjoint ou toute personne considérée comme équivalent et les parents.
2 Art. 4, 30° de la Loi BCFT : toute personne physique connue pour être, conjointement avec un PPE, le bénéficiaire effectif d’une personne morale ou d’une construction juridique ou pour entretenir toute autre relation d’affaire étroite avec une telle personne ; et toute personne physique qui le seul bénéficiaire effectif d’une personne morale ou d’une construction juridique connue pour avoir été de facto créée au profit d’un PPE.
3 Article 41, § 3 de la Loi.
 

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