Du côté des institutions européennes - mai 2025

Des attaques croissantes contre les avocats au soutien du barreau d’Istanbul, en passant par les risques de criminalisation liés à la directive sur l’immigration : la profession est sous pression. La toute nouvelle Convention européenne rappelle l’urgence de la protéger.


I. PROFESSION D’AVOCAT

  • Convention européenne – Ouverture à la signature à Luxembourg – 13 mai 2025

La Convention européenne sur la protection de la profession d'avocat a été ouverte à signature les 13 et 14 mai 2025 à Luxembourg. 17 Etats l’ont immédiatement signée : Andorre, Belgique, Estonie, France, Grèce, Irlande, Islande, Italie, Lituanie, Luxembourg, Macédoine du Nord, Moldavie, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Suède et Royaume-Uni.

En protégeant les avocats, la Convention veut garantir l’accès de tous les justiciables à un procès équitable et leur confiance dans le système juridique ainsi que préserver l’état de droit. Son champ d’application couvre les activités professionnelles des avocats et de leurs associations professionnelles.

Au moins huit pays, dont six États membres du Conseil de l'Europe, devront la ratifier pour qu'elle entre en vigueur.

  • Poursuites contre le barreau d’Istanbul - Soutien des barreaux européens – Audiences des 28 et 29 mai 2025

Par décision rendue le 21 mars 2025, le Tribunal civil d’Istanbul a ordonné la destitution du bâtonnier Ibrahim Kaboglu et des membres de son Conseil de l’Ordre, au motif qu’ils auraient outrepassé leur mandat en sollicitant l’ouverture d’une enquête sur l’assassinat de deux journalistes turcs d’origine kurde en Syrie. Une procédure pénale a également été lancée contre eux, dont les premières audiences auront lieu les 28 et 29 mai 2025. Les charges évoquées sont la « propagande terroriste » et la « diffusion publique d’informations trompeuses ». En outre, l’avocat Fırat Epözdemir, arrêté le 23 janvier 2025 à l’aéroport d’Istanbul, à son retour d’une réunion au Conseil de l’Europe à Strasbourg, est depuis lors maintenu en détention provisoire. Les audiences auront lieu au sein même de la prison de Silivri, qui est une prison sous haute protection.

Réunis en session plénière à Bordeaux, les délégations des barreaux européens ont entendu (en ligne) le rapport du professeur Dr. Kasim Akbas, de l’université d’Ankara, témoignant de la situation dramatique actuelle. Le bâtonnier d’Istanbul, Ibrahim Kaboglu, est ensuite intervenu en soulignant que d’après la loi turque sur la profession d’avocat, la mission du barreau n’est pas de se taire et qu’en publiant son communiqué, à l’issue de la mort des deux journalistes, le barreau agissait dans le cadre de ses fonctions. Le barreau turc se réjouit de l’adoption et des premières signatures de la Convention sur la protection de la profession d’avocat. La Convention a été traduite en turc et transmise au ministre de la justice et au ministre des affaires étrangères. Ils mettent tout en œuvre pour que la Turquie la signe également.

Les barreaux membres du C.C.B.E. ont adopté une déclaration de soutien au barreau d’Istanbul, rappelant que le principe d’indépendance des avocats et de leurs instances représentatives est une garantie essentielle de l’état de droit.

La présidente du comité « droits humains », Barbara Porta, représentera le C.C.B.E. aux audiences des 28 et 29 mai 2025 pour observer le procès. AVOCATS.BE et l’Ordre français du barreau de Bruxelles y seront représentés par une consœur polonaise, Aleksandra Penkowska, qui y représentera aussi l’U.I.A.

  • Avocats en danger - Lettres de soutien du C.C.B.E.

Dans ce contexte particulièrement inquiétant, nous croyons utile de rappeler la publication, par le C.C.B.E., sur son portail des droits humains, des lettres que le C.C.B.E. adresse régulièrement en soutien des trop nombreux avocats, quotidiennement mis en danger : https://www.ccbe.eu/fr/actions/portail-des-droits-humains/lettres-des-droits-humains/

  • Lutte contre l'immigration clandestine : règles minimales pour prévenir et contrecarrer l’aide à l’entrée, au transit et au séjour irréguliers dans l'Union – Risque d’incrimination des avocats - Inquiétudes des barreaux européens – Lettre au Parlement

Le 28 novembre 2023, suite à l’appel d’Ursula von der Leyen de renforcer tous les outils dont dispose l'U.E. pour lutter efficacement contre les réseaux criminels de trafic de migrants, la Commission européenne avait proposé d'améliorer son cadre législatif, en établissant des règles minimales visant à prévenir et combattre l'aide à l'entrée, au transit et au séjour irréguliers dans l'U.E. et remplaçant la directive 2002/90/CE du Conseil et la décision cadre du Conseil 2002/946/JAI . Ces nouvelles règles visent à infliger des sanctions harmonisées reflétant la gravité de l'infraction, à étendre la portée juridictionnelle, à renforcer les ressources et les capacités des États membres et à améliorer la collecte et la communication de données.

Le 13 décembre 2024, le Conseil de l'Union européenne a arrêté sa position sur la proposition de la Commission. Le 26 mars 2025, la commission LIBE a adopté son projet de rapport sur la proposition.

Avec les autres barreaux européens, AVOCATS.BE s'inquiète de ce texte qui crée de lourdes incertitudes et des risques juridiques (y compris un risque pénal) pour les avocats fournissant conseils et assistance juridiques aux migrants en situation irrégulière. Dans une lettre commune , ils ont appelé le Parlement européen, à insérer une clause protégeant explicitement les avocats et les autres professionnels travaillant avec les migrants, afin de garantir que l'objectif de la directive - lutter contre la criminalité organisée - soit atteint, tout en protégeant les personnes qui exercent leurs fonctions professionnelles ou agissent pour des raisons humanitaires ou familiales, ou sous la contrainte.

 

II. INSTITUTIONS EUROPEENNES

  • C.J.U.E. – Commercialisation de la citoyenneté européenne – Respect du droit de l’Union – Affaire des passeports dorés maltais – 28 avril 2025

La République de Malte a établi et mis en œuvre un programme institutionnalisé de citoyenneté par investissement[1], qui institue une procédure transactionnelle de naturalisation en échange de paiements ou d’investissements prédéterminés.

Dans son arrêt rendu le 28 avril 2025 (en grande chambre) dans l’affaire « Commission européenne contre République de Malte » (C-181/23), la Cour de justice a décidé que :

Si la définition des conditions d’octroi et de perte de la nationalité d’un État membre relève de la compétence nationale, cette compétence doit être exercée dans le respect du droit de l’Union. En effet, toute personne ayant la nationalité d'un État membre est citoyenne de l'Union et jouit à ce titre des droits et devoirs prévus par les traités.

En accordant cette nationalité via une procédure transactionnelle, qui s’apparente à une commercialisation, la République de Malte a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 20 T.F.U.E. et de l’article 4, paragraphe 3[2], T.U.E .

Une telle « commercialisation » du statut de citoyen est incompatible avec la conception fondamentale de la citoyenneté de l’Union définie par les traités. Elle enfreint le principe de coopération loyale et met en péril la confiance mutuelle entre États membres concernant l'attribution de leur nationalité, laquelle a présidé à l’institution de la citoyenneté de l’Union dans les traités.

  • Lutte contre le blanchiment - Projets de normes techniques réglementaires - Consultation publique de l’A.B.E. – 6 mars au 6 juin 2025

Le rôle de l'Autorité bancaire européenne (A.B.E.) est de mettre en place un cadre de réglementation et de surveillance unique pour l’ensemble du secteur bancaire de l’U.E., en vue de créer un marché unique des produits bancaires efficace, transparent et stable dans l’Union.

La Commission a demandé à l’A.B.E. de préparer des projets de normes techniques réglementaires (R.T.S.) pour soutenir le lancement des opérations de la nouvelle Autorité européenne de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (AMLA). L'A.B.E. devra soumettre ces normes à la Commission le 31 octobre 2025.

L’A.B.E. a donc lancé une consultation publique sur ces projets de normes, qui détermineront la manière dont les institutions et les autorités de surveillance se conformeront à leurs obligations en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

Ces travaux sont également liés aux travaux du sous-groupe sur le secteur non financier (N.F.S.S.), mis en place par la Commission et dont certains barreaux sont membres et dont le C.C.B.E. est un membre observateur.

Le C.C.B.E. prépare un projet de réponse à cette consultation publique.

  • Autorité de lutte contre le blanchiment – Nominations – 13 mai 2025

Le 13 mai 2025, les ambassadeurs des États membres auprès de l'U.E. (Coreper) ont approuvé la nomination des membres à temps plein du conseil d'administration de l'Autorité de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (AMLA). Ils ont suivi la sélection du Parlement européen et ont nommé Simonas Krėpšta, Rikke-Louise Petersen, Derville Rowland et Juan Manuel Vega Serrano. Leur mandat est de quatre ans.

  • Forum de haut niveau sur la justice pour la croissance – Droit des sociétés - 28 e régime et numérisation – 19 mai 2025

La première réunion technique de ce Forum, organisée par la Commission en collaboration avec la présidence polonaise, des représentants des États membres et des parties prenantes, a porté notamment sur l’introduction potentielle d’un 28 e régime pour les entreprises, qui permettrait de créer un cadre juridique harmonisé au niveau européen, indépendant des législations nationales. La profession d’avocat y était représentée par le C.C.B.E.

La Commission prévoit de lancer une consultation publique sur ce 28 e régime, dès le mois de mai 2025. Alors que les États membres et les parties prenantes semblent largement favorables à cette initiative, il est encore nécessaire de mieux comprendre le contenu possible d'une future proposition. La consultation devrait ainsi couvrir de nombreux aspects clés d'une future proposition, en ce compris la numérisation (sur la base des enseignements tirés des deux dernières directives).

  • Forum de haut niveau en droit pénal – Dossiers en cours

Afin de se préparer à se positionner sur les futurs dossiers les membres du comité de droit pénal du C.C.B.E. se sont répartis en divers sous-groupes pour examiner les questions techniques suivantes : décision d'enquête européenne (E.I.O.), collecte et admissibilité des preuves et des recours, mandat d'arrêt européen, conditions de détention, secret professionnel, écoutes téléphoniques, accès aux téléphones, collecte de preuves par les avocats, présence des avocats lors des perquisitions, égalité des armes, victimes, gel des avoirs, enquêtes défensives.

  • I.A. - Consultation sur les futures lignes directrices à l’attention des fournisseurs de modèles d’I.A. - Réponses attendues pour le 22 mai 2025

Le bureau européen de l'I.A. a lancé une consultation multipartite pour aider à la préparation de lignes directrices sur l'I.A. à usage général en vue de clarifier le champ d'application des règles pour les fournisseurs de modèles d'I.A. à usage général dans le règlement 2024/1689/UE (« loi sur l'I.A . »), qui entreront en vigueur le 2 août 2025.

Les lignes directrices devraient :

- clarifier des concepts clés de la loi sur l'I.A. (tels que la définition d'un « modèle d'I.A. à usage général », d'un « fournisseur de modèle d'I.A. à usage général », de la « mise sur le marché d'un modèle d'I.A. à usage général » et de la manière d'estimer les ressources informatiques utilisées pour l'entraînement d'un modèle d'I.A. à usage général),

- compléter le code de pratique de l'I.A. à usage général (« code »), qui définira les engagements de ces fournisseurs, et

- préciser la manière dont le bureau de l'I.A. travaillera avec eux.

Les lignes directrices et la version finale du code devraient être publiées en mai ou juin 2025. Un document de travail du bureau européen de l’I.A. constitue la base de la consultation.

  • Retrait de la proposition de directive horizontale – Echange avec la Commissaire Hadja Lahbib au Parlement européen - 12 mai 2025

Dans son programme de travail 2025, la Commission européenne a inscrit la proposition de directive horizontale sur l'égalité de traitement , qu’elle avait publiée le 2 juillet 2008, parmi les dossiers à retirer. La Commission justifie ce retrait par le fait que, malgré les négociations au sein du Conseil et les progrès significatifs qui ont été réalisés sous la présidence belge, les États membres n'ont pas réussi à se mettre d’accord sur une position commune.

Le 12 mai 2025, lors d’un échange avec la commissaire chargée de l'égalité, de la préparation et de la gestion des crises, Hadja Lahbib, les députés membres de la commission LIBE ont souligné l'importance de la proposition en tant qu'élément clé de la législation qui comblerait les lacunes critiques du cadre juridique communautaire existant [3] en matière de lutte contre les discriminations.

  • L'État de droit - Fondements, enjeux et perspectives européennes – Charte de E.L.I. - Conférence - 23 mai 2025

Dans le cadre d’un financement européen, l'Institut de droit européen (E.L.I.) vient de publier la Charte des principes constitutionnels fondamentaux d'une démocratie européenne d'ELI . L'objectif de cette Charte est d'identifier et d'articuler les principes constitutionnels qui constituent les fondements d'un Etat démocratique libéral européen. L'étude vise à articuler ces principes, à identifier leur contenu et à fournir des orientations générales aux autorités publiques, aux tribunaux, aux individus et à la société civile.

Elise Muir (prof à la KUL et co-rapporteur de ce projet) présentera la Charte et sa pertinence dans le contexte européen actuel lors d’une conférence sur l'État de droit, qui aura lieu le 23 mai 2025 à Bruxelles.

 

III. C.C.B.E.

  • Rapport annuel 2024 – Publication en ligne - 6 mai 2025

Le rapport annuel vient d’être publié en ligne en anglais et en français : https://www.ccbe.eu/fr/documents/publications/#c1367

  • I.A. générative – Préparation d’un guide pratique pour les avocats

Les comités « futur des services juridiques » et « déontologie » du C.C.B.E. préparent un guide pratique sur l’usage de l’I.A. générative par les avocats.

  • Projet de directive « retour » - Préparation d’une prise de position

Le comité « migration » prépare un projet de prise de position du C.C.B.E. sur la proposition de directive « retour ».

  • Asile et migration en Europe – Ce que les avocats doivent savoir - Webinaire – 26 mai 2025

Le 26 mai 2025 de 9 heures à 11 heures, la Fondation des avocats européens et le C.C.B.E. organisent un webinaire intitulé « L'asile et l'immigration en Europe. Ce que les avocats européens doivent savoir ».

La Commission européenne a confirmé sa participation pour présenter les nouvelles règles qui résultent du nouveau Pacte sur la migration et l’asile. Parmi les autres intervenants figurent des représentants de l'Agence des droits fondamentaux et de l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, ainsi que la présidente du comité « migration » du C.C.B.E.

Les inscriptions au webinaire sont gratuites et se font en cliquant sur le bouton « Inscrivez-vous ici » du programme.

Anne Jonlet
Responsable du bureau de liaison européen

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[1] Maltese Citizenship by Naturalisation for Exceptional Services by Direct Investment .

[2] « En vertu du principe de coopération loyale, l'Union et les États membres se respectent et s'assistent mutuellement dans l'accomplissement des missions découlant des traités. Les États membres prennent toute mesure générale ou particulière propre à assurer l'exécution des obligations découlant des traités ou résultant des actes des institutions de l'Union. Les États membres facilitent l'accomplissement par l'Union de sa mission et s'abstiennent de toute mesure susceptible de mettre en péril la réalisation des objectifs de l'Union ».

[3] Directive 2000/43/CE du 29 juin 2000 relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique, JO L 180 du 19.7.2000, p. 22 et directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, JO L 303 du 2.12.2000, p. 16.

A propos de l'auteur

Anne
Jonlet
Responsable du bureau de liaison européen

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