Du côté des institutions européennes - décembre 2022

Le Conseil vient d’adopter sa position commune sur les propositions de règlement et de directive L.C.B./F.T. ainsi que sur la proposition de directive relative au devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité.
La Commission et le Conseil progressent rapidement pour criminaliser le contournement des mesures de sanctions contre la Russie.
Le C.C.B.E. obtient le statut de membre observateur du comité européen de coopération juridique du Conseil de l’Europe (le C.D.C.J.) en charge de la supervision du comité d’expert responsable de la rédaction du projet de convention sur la protection de l’avocat.


I. PROFESSION D’AVOCAT

  • Secret professionnel – La C.J.U.E. annule l’obligation des avocats d’informer les intermédiaires impliqués dans une planification fiscale transfrontière – 8 décembre 2022

Par un arrêt du 8 décembre 2022, rendu sur question préjudicielle dans l’affaire « Orde van Vlaamse Balies e. a. » (C-694/20), la C.J.U.E. a décidé que l’article 8 bis, ter, paragraphe 5, de la directive 2011/16/UE du Conseil, du 15 février 2011, relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal (DAC 6) est invalide au regard de l’article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l’U.E.

Cet arrêt fait l’objet d’une analyse détaillée dans cette même Tribune.

  • Attractivité de la profession – Conférence sur la profession d’avocat – 2 décembre 2022 – Recommandations du professeur Kilian

Le 2 décembre 2022, un forum sur la profession d’avocat a tenu en ligne une conférence sur les enjeux liés à l’attractivité de la profession.

Partant de l’exemple empirique allemand, le professeur Matthias Kilian a souligné qu’alors que la population d’avocats est vieillissante (génération des baby-boomers), la profession doit faire face à un nombre de plus en plus faible de jeunes juristes souhaitant s’y engager. De plus, ceux qui s’y engagent quittent la profession après quelques années.

Il est donc urgent de renouveler la profession d’avocat afin d’attirer de nouveaux praticiens, au risque de ne plus être en mesure de satisfaire la demande. Une telle situation serait, en outre, dangereuse, tant pour la compétitivité de la profession que pour la sauvegarde de l’état de droit et l’accès de tous à la justice. 

S’agissant des chantiers du rehaussement de l’attractivité, Matthias Kilian considère qu’il y a lieu de tenir compte des facteurs suivants : la féminisation de la profession ; les attentes des nouvelles générations soucieuses de l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle ; la numérisation de la société et du droit ; l’attractivité de l’offre de formation et son adéquation aux attentes de la profession. 

En conclusion, partant du principe que l’on ne peut changer la démographie ni les attentes des générations Y (née entre 1981 et 1995) et Z (née à partir de 1996), le conférencier recommande aux professions du droit de travailler ensemble à l’attractivité de l’ensemble des professions juridiques plutôt que de se concentrer sur leur profession particulière et de s’adapter aux attentes des jeunes générations en offrant des conditions qui satisfassent l’équilibre vie professionnelle – vie privée. Il recommande aussi de ne pas se limiter à rendre la profession plus attrayante mais de commencer par rendre les études de droit plus attrayantes.

 

II. LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT

  • Conseil – Proposition de règlement et de directive L.C.B./F.T. – Adoption d’un mandat de négociation – 7 décembre 2022

Le 7 décembre 2022, le Conseil a adopté sa position sur la proposition de règlement L.C.B./F.T. et sur la proposition de directive L.C.B/F.T.

Il ressort de cette position que les craintes des barreaux à l’égard de l’indépendance de la profession et du secret professionnel ont été entendues. 

Aux termes de sa position sur la proposition de règlement, le Conseil retient notamment une approche respectueuse de l’état de droit, en réaffirmant le caractère de principe du secret professionnel de l’avocat (voir les articles 17(1), alinéa 2, et 51(2), et les considérants 9 et 81 correspondants).

La position du Conseil sur la proposition de directive réaffirme, quant à elle, l’indépendance des barreaux vis-à-vis des autorités nationales de contrôle en matière de lutte anti-blanchiment (voir l’article 38(3) a.) du mandat de négociation).

Prochaine étape : 
Le Parlement doit à son tour adopter sa position sur les deux propositions de textes. 
Dans un communiqué de presse en date du 7 décembre 2022, les co-rapporteurs en charge de la proposition de directive L.C.B./F.T. ont annoncé que le vote sur le projet de rapport devrait intervenir d’ici la mi-mars 2023.

  • C.J.U.E. – Annulation partielle de la 5e directive L.C.B./F.T. – 22 novembre 2022

Par un arrêt rendu le 22 novembre 2022 dans les affaires jointes C-37/20 et C-601/20 contre Luxembourg Business Registers, la C.J.U.E. a annulé l’article 1er, point 15, sous c), de la directive 2018/843, modifiant l’article 30, paragraphe 5, premier alinéa, sous c), de la directive 2015/849 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme, permettant l’accès du grand public aux informations sur les bénéficiaires effectifs.

En l’espèce deux sociétés demandaient aux autorités luxembourgeoises une limitation exceptionnelle de l’accès du public aux données relatives à leurs bénéficiaires effectifs respectifs. Cette limitation ayant été refusée sur le fondement de la disposition litigieuse, les sociétés requérantes en ont alors contesté la compatibilité avec les articles 7 et 8 de la Charte (protection de la vie privée et des données personnelles) devant les juridictions nationales, qui ont ensuite saisi la C.J.U.E. d’une question préjudicielle.

Selon une analyse classique, la Cour relève d’abord que l’accès du public à des informations sur des personnes physiques identifiées constitue une ingérence dans le droit au respect de la vie privée et des données personnelles, nonobstant le fait que les données concernées soient susceptibles d’avoir trait à des activités professionnelles.

Elle constate ensuite que cette ingérence est prévue par la directive et transposée en droit luxembourgeois, répondant ainsi au principe de légalité. 

Elle apprécie dès lors l’objectif d’intérêt général poursuivi par la directive visant à prévenir l’utilisation du système financier de l’Union aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, et relève que la transparence du système financier constitue un outil pertinent et efficace afin de créer « un environnement hostile aux criminels » permettant « un contrôle accru des informations par la société civile ».

Elle apprécie enfin la proportionnalité de l’ingérence et considère, d’une part, que l’accès du grand public à de telles informations ne se limite pas à ce qui est strictement nécessaire pour réaliser cet objectif et que, d’autre part, le texte n’offre pas de garanties suffisantes aux bénéficiaires effectifs afin de se prémunir d’une utilisation abusive de ce droit d’accès. En effet, le texte de la directive, tel qu’il est rédigé, ne permet pas, selon la Cour, d’identifier avec précision les données des bénéficiaires effectifs susceptibles d’être divulguées au grand public. La Cour considère en outre que le contrôle anti-blanchiment effectué par le grand public n’a qu’un caractère subsidiaire vis-à-vis du contrôle principal qui incombe prioritairement aux autorités publiques et aux entités, telles que les établissements de crédit ou les établissements financiers, assujetties à des obligations spécifiques en la matière.

La Cour en déduit alors que la disposition en cause constitue une atteinte considérablement grave aux droits fondamentaux, qui n’est pas proportionnée à l’objectif poursuivi.

Cet arrêt à suscité plusieurs réactions de la part des parlementaires en charge de la proposition de directive L.C.B./F.T. du 20 juillet 2021 ainsi que de la société civile. 

Face à ces réactions, la C.J.U.E. a publié sur ses réseaux sociaux une communication complémentaire visant à clarifier la portée de l’arrêt. Elle précise ainsi que l’annulation de la disposition en cause a pour seul effet de renvoyer à la rédaction antérieure de l’article (celle de la 4e directive), selon laquelle un demandeur issu du grand public souhaitant accéder aux données sur les bénéficiaires effectifs doit justifier d’un intérêt légitime. 

  • C.J.U.E. – Critères d’évaluation des risques de blanchiment et de financement du terrorisme – 17 novembre 2022

Par un arrêt rendu le 17 novembre 2022 (C-562/20), la C.J.U.E. a donné des précisions quant aux conditions de mises en œuvre des mesures d’évaluation des risques et de vigilance renforcée prévues par la 4e directive L.C.B./F.T.

En l’espèce, une société opérant dans le domaine de l’audit et du conseil fiscal et comptable avait été condamnée à une amende administrative par l’administration fiscale lettonne (le V.I.D.) pour manquements à ses obligations d’évaluation des risques et à la mise en œuvre de mesures de vigilance renforcées à l’égard de deux de ses clientes, jugées à hauts risques de blanchiment par le V.I.D. 

Le V.I.D. considérait en effet que les clientes de la société en cause présentaient un risque élevé de blanchiment vu l’existence de liens de rattachement avec la Fédération de Russie : l’une parce qu’elle avait effectué des transactions financières avec une société détenue majoritairement par une société établie en Russie, et l’autre, parce qu’elle était une O.N.G. qui employait en son sein, un ressortissant russe. 

Ce constat se fondait notamment sur la prémisse générale selon laquelle la Russie est un État tiers présentant un risque élevé de corruption ainsi que sur un rapport du service de prévention du blanchiment de capitaux letton selon lequel les O.N.G sont particulièrement vulnérables et susceptibles d’être utilisées illégalement à des fins de financement du terrorisme.

Dans son arrêt, la C.J.U.E. recadre le débat en retenant d’abord que dans le cadre de la transposition de la directive L.C.B./F.T., les États membres disposent d’une large marge d’appréciation quant aux modalités de mise en œuvre de l’obligation de vigilance renforcée et d’évaluation des risques élevés de blanchiment et de financement du terrorisme. 

Elle retient toutefois que les États membres demeurent, ce faisant, tenus d’agir « dans les limites du droit de l’Union », et de respecter, en particulier, les principes généraux du droit de l’Union, tels que les principes de légalité, de sécurité juridique, de proportionnalité et de non-discrimination.

Or, en l’espèce, les conclusions du V.I.D. revenaient à établir une forme de présomption généralisée de risque élevé pour toute transaction impliquant une O.N.G. ou présentant un lien de rattachement à la Russie alors que de tels critères n’étaient pas expressément prévus par la loi lettonne, et que, selon la C.J.U.E., « le principe de proportionnalité exige que seules les transactions commerciales d’une certaine importance ou complexité ou qui présentent un caractère inhabituel » fassent l’objet de mesures de vigilance renforcées.

À la lumière de ces conclusions, la Cour renvoie dès lors aux juridictions nationales le soin d’apprécier la légalité et la proportionnalité des critères d’identification des risques retenus par le V.I.D. en l’espèce.

 

III. ETAT DE DROIT – DROITS HUMAINS 

  • Conseil – Adoption d’une décision ajoutant la violation de mesures restrictives à la liste des crimes transfrontaliers visés à l’article 83 T.F.U.E. – 28 novembre 2022

Le 28 novembre 2022, le Conseil a adopté la proposition de décision du 25 mai 2022 tendant à ajouter la violation des mesures restrictives de l’U.E. au titre des infractions relevant de la « criminalité particulièrement grave revêtant une dimension transfrontière » visées à l’article 83(1) du T.F.U.E. 

Aux termes de la décision, cet ajout vise à garantir la mise en œuvre effective de la politique de l'Union sur les mesures restrictives. En effet, selon la décision, l’hétérogénéité des dispositions relative à la violation des mesures restrictives de l'Union et à leur sanction constitue un obstacle à l'application cohérente de la politique de l'Union en matière de mesures restrictives, pouvant conduire à une forme de « forum shopping » voire à une certaine impunité (point 14 de la décision).

La décision retient néanmoins qu’il convient de tenir dûment compte de la diversité des systèmes nationaux (y compris en ce qui concerne l'organisation des sanctions) ainsi que d’assurer la garantie des droits fondamentaux, du principe de non-rétroactivité des infractions pénales, des principes de légalité et de proportionnalité des infractions pénales et des sanctions consacrés à l'article 49 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ainsi que des exigences de précision, de clarté et d'intelligibilité du droit pénal (point 21 de la décision). Les droits de la défense ne sont en revanche pas expressément visés par le texte de la décision.

Prochaines étapes : 
La décision a été publiée au J.O.U.E. le 29 novembre 2022 et est immédiatement entrée en vigueur le 30 novembre 2022 « afin de permettre l'adoption urgente de dispositions de droit dérivé établissant des règles minimales relatives aux définitions et aux sanctions en cas de violation des mesures restrictives de l'Union » (point 24 de la décision).

  • Commission – Proposition de directive sur la criminalisation des actes de violation des mesures restrictives – 2 décembre 2022

Sur la base de la décision du Conseil du 28 novembre 2022 (voir point précédent), la Commission européenne, qui travaillait déjà sur un projet de proposition législative visant à mettre en œuvre cette nouvelle disposition, a publié, le 2 novembre 2022, une proposition de directive criminalisant la violation des mesures restrictives de l’U.E.

La proposition s’accompagne d’un communiqué de presse et d’un communiqué de questions et réponses détaillant le contenu de la proposition.

Prochaine étape :
La proposition a été transmise aux co-législateurs qui devront chacun déterminer leur mandat de négociation avant d’engager les débats en trilogue.

  • Parlement européen – Projet de résolution sur le rapport sur l’état de droit 2022 de la Commission européenne – 18 novembre 2022

Le 18 novembre 2022, la commission des « libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures » du Parlement européen (LIBE) a publié son projet de résolution relative au rapport 2022 sur l’état de droit.

Aux termes de ce projet de résolution, le Parlement européen retient, dès le premier paragraphe, que la boîte à outils pour la sauvegarde de l’état de droit et des valeurs de l’U.E. manque de fermeté.

S’agissant des recommandations spécifiques adressées pour la première fois aux États membres dans le rapport de la Commission, le Parlement relève un manque de cohérence entre les points soulevés dans la communication horizontale de la Commission sur l’U.E dans son ensemble et les recommandations adressées individuellement à chaque État membre. En outre, ces recommandations ne sont pas juridiquement contraignantes et demeurent vagues, sans précisions quant aux mesures requises des États membres pour se mettre en conformité, ni délai pour leur réalisation.

Par ailleurs, le Parlement relève l’absence de toute recommandation relative à l’utilisation de logiciels de surveillance, tels que « Pegasus » ou « Predator ». Il appelle en outre la Commission à étendre le champ de son rapport à l’ensemble des valeurs visées à l’article 2 du T.U.E.

Prochaine étape :
Le projet de rapport a été présenté aux membres de la commission LIBE le 1 décembre 2022. La réunion s’est suivie d’un débat interparlementaire sur la situation de l’état de droit dans l’U.E. Les deux réunions sont disponibles en replay ici et ici
Le rapporteur en charge de cette proposition est le président de la commission LIBE, Juan Fernando Lopez Aguilar (ES, S&D).
Le délai de dépôt des amendements au projet de résolution est fixé au 12 décembre 2022.

 

IV. DEVELOPPEMENT DURABLE 

  • Adoption de la proposition de directive sur le reporting non-financier des entreprises (C.S.R.D.) – 28 novembre 2022

Le 28 novembre 2022, le Conseil a donné son approbation finale à la proposition de directive relative à la publication d'informations en matière de durabilité par les entreprises. Pour rappel, le 21 juin 2022, les colégislateurs étaient parvenus à un accord sur le contenu de la proposition Et, le 10 novembre 2022, le Parlement avait approuvé formellement le texte issu de l’accord interinstitutionnel.

Le texte doit à présent être publié au J.O.U.E. avant d’entrer en vigueur le 20eme jour suivant sa publication. 

  • Proposition de directive sur le devoir de vigilance des entreprises (C.S.D.D.) – Avancement du dossier - Présentation du projet de rapport en commission parlementaire JURI – 17 novembre et 6 décembre 2022

La proposition de directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité se trouve actuellement à l’examen du Conseil « compétitivité » et de la commission des « affaires juridiques » (JURI) du Parlement. 

Au niveau du Parlement :
La commission JURI a publié, le7 novembre 2022, son projet de rapport sur la proposition de texte. Huit autres commissions ayant décidé de rendre un avis sur la proposition de directive. 

Le 17 novembre 2022, le projet de rapport a été présenté aux membres de la commission JURI. Ce projet de rapport capitalise sur le contenu des principes directeurs des Nations-Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme et comporte 250 propositions d’amendements au texte de la Commission.

La présentation est disponible en replay. La rapporteure en charge de la proposition (Lara Wolters, S&D, NL) a notamment rappelé l’importance de tenir compte de l’intégralité de la chaine de valeur des entreprises. Elle a toutefois insisté sur la différence entre la responsabilité (morale) des entreprises de tenir compte de l’ensemble de sa chaine de valeur et la responsabilité (civile) des entreprises, qui devrait se limiter aux seuls dommages que les entreprises auront causé ou contribué à causer à l’environnement ou aux droits humains. 

La rapporteure a également souligné que les entreprises sont les mieux placées pour évaluer les risques de leur activité. 

L’inclusion des P.M.E. dans le champ d’application du texte a suscité de nombreux débats. Deux tendances s’opposent parmi les partis politiques : Intégrer les P.M.E. et étendre le champ d’application de la proposition de texte à un plus grand nombre d’entreprises, d’une part ; ou opérer en plusieurs étapes, en commençant par ne réglementer que les grandes entreprises avant d’étendre l’application du texte à d’autres groupes d’entreprises dans un second temps, d’autre part.

Le délai de dépôt des amendements a été fixé au 30 novembre 2022.

Au niveau du Conseil : 
Le 1 décembre 2022, le Conseil « compétitivité » a adopté son mandat de négociation sur la proposition (« orientation générale »). Cette position revoit sensiblement à la baisse les exigences de vigilance envisagées par la Commission européenne.

Action d’AVOCATS.BE:
Une présentation de ce projet a été organisée par AVOCATS.BE lors d’un midi de la formation qui s’est tenu en ligne le 13 décembre 2022. 

Prochaine étape :
Le Parlement doit désormais adopter son projet de rapport, qui constituera la position du Parlement lors des négociations interinstitutionnelles (trilogue), lesquelles devraient commencer au mois de juin 2023.

 

V. NUMERISATION 

  • E-evidence – Accord en trilogue sur les propositions de directive et de règlement sur le partage de preuves électroniques – 29 novembre 2022

Le 29 novembre 2022, le Parlement et le Conseil sont parvenus à un accord sur la proposition de directive établissant des règles harmonisées concernant la désignation de représentants légaux aux fins de la collecte de preuves en matière pénale, ainsi que sur la proposition de règlement relatif aux injonctions européennes de production et de conservation de preuves électroniques en matière pénale.

Pour rappel, ces deux textes avaient été proposés par la Commission européenne le 17 avril 2018, à la suite des attentats terroristes subis par certains États membres de l’U.E. 
Ces propositions ont pour but de compléter les dispositions du 2e Protocole additionnel à la Convention de Budapest sur la cybercriminalité en adaptant les mécanismes de coopération judiciaire pénale aux nouveaux modes de communication numérique utilisés par les auteurs d’infractions pénales.

Prochaines étapes :
Les colégislateurs doivent à présent approuver formellement le texte avant qu’il ne soit publié au J.O.U.E. L’entrée en vigueur des textes devrait alors intervenir dans les 20 jours suivant leur publication. Le règlement entrera en application dans un délai de 3 ans suivant sa publication. La directive devra, quant à elle, être transposée dans un délai de 2 ans et demi. 

  • Piratage du réseau « EncroChat » - Recevabilité des preuves ainsi obtenue Question préjudicielle des juridictions berlinoises – 19 novembre 2022

Le 19 octobre 2022, la Cour de district de Berlin (Landgericht Berlin) a saisi la C.J.U.E. de 14 questions préjudicielles dans le cadre d’une affaire de trafic de drogue faisant suite au piratage du réseau « EncroChat ». 

Pour rappel, le 1 avril 2020, le juge des libertés et de la détention français avait autorisé le piratage et l’interception, par la gendarmerie française, d’une importante quantité de données chiffrées sur le réseau « EncroChat ». Eu égard aux contenus interceptés, les données ont ensuite été transmises à l’agence Europol et ont contribué, au moyen de décisions d’enquêtes européennes, à l’arrestation et à la poursuite de plusieurs milliers de personnes dans plusieurs États membres de l’U.E., dont l’Allemagne.

La légalité de cette interception suscite de nombreux débats.

Le 8 avril 2022, le Conseil constitutionnel français avait, pour sa part, jugé l’opération conforme à la Constitution française, et les preuves ainsi recueillies recevables devant les juridictions françaises. 

Une affaire similaire concernant la recevabilité de ces preuves contre 2 ressortissants britanniques est encore pendante devant la Cour E.D.H. dans l’affaire A.L. e. a. c. France. 

La cour de district de Berlin a quant à elle interrogé la C.J.U.E. sur la recevabilité des preuves résultant de décisions d’enquêtes européennes prises sur le fondement de la directive 2014/41/UE, alors que les cours de district de Hambourg et de Brême avaient admis la recevabilité des preuves interceptées.

La demande préjudicielle est disponible en ligne sous le numéro d’affaire C-670/22, « Staatsanwaltschaft Berlin ».

  • Conseil de l’Europe – Audition de la commission des questions juridiques et des droits de l’Homme de l’A.P.C.E. sur l’utilisation des logiciels espions – 12 décembre 2022

Le 12 décembre 2022, la commission des questions juridiques et des droits de l’homme de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (A.P.C.E.) a tenu une audition sur l’utilisation de logiciels de surveillance de masse tel que le logiciel Pegasus. L’audition visait notamment à entendre les victimes de ces logiciels (élus et journalistes) en vue de l’élaboration d’un rapport sur le sujet. L’audition est disponible en replay.

 

VI. CONSEIL DES BARREAUX EUROPEENS                  

  • Session plénière – 25 novembre 2022 – Bruxelles 

La dernière session plénière du C.C.B.E. a eu lieu le 25 novembre à Bruxelles. On retiendra que les délégations ont adopté les documents suivants :

  1. Le budget 2023 ;
  2. Une proposition de modification des statuts du C.C.B.E. pour insérer une règle relative au cas où le pays d’un membre ne fait plus partie du Conseil de l’Europe ;
  3. Un document du C.C.B.E. intitulé « La responsabilité sociale des entreprises et la profession d’avocat : considérations importantes pour les barreaux et les avocats » ;
  4. Une position du C.C.B.E. sur la proposition de règlement établissant des règles en vue de prévenir et de combattre les abus sexuels sur enfants ;
  5. Une prise de position du C.C.B.E. sur la législation sur les données ;
  6. Une recommandation du C.C.B.E. sur un cadre d’assistance juridique dans le domaine de la migration et de la protection internationale ;
  7. Des lignes directrices du C.C.B.E. pour un statut de consultant juridique étranger.

Cette session plénière a également été l’occasion de remettre le prix des droits humains 2022. Cette année le prix a été remis à l’avocate ukrainienne Nadia Volkova ainsi qu’au barreau ukrainien (l’U.N.B.A.). 

Compte tenu de la décision du Conseil européen du 23 juin 2022 permettant l’accession de l’Ukraine et de la Moldavie au statut de candidat à l’adhésion à l’Union européenne, les délégations ont également octroyé aux barreaux ukrainien et moldave le statut de membres associés du C.C.B.E.

  • Conseil de l’Europe – Comité européen de coopération juridique – Octroi du statut de membre observateur au C.C.B.E. – 23 novembre 2022

Le 23 novembre 2022, le comité européen de coopération juridique du Conseil de l’Europe (le C.D.C.J.) a octroyé au C.C.B.E. et à la Commission internationale des juristes le statut de membre observateur.

À cette occasion, le C.C.B.E. a été en mesure d’assister à la 99e session plénière du C.D.C.J. au cours de laquelle les travaux du comité d’experts du Conseil de l’Europe pour la protection des avocats (le C.J.-A.V.) ont notamment été discutés. 

 

VII. AUTRES BARREAUX 

  • Irlande – Table ronde avec la Law Society of Ireland – 18 novembre 2022

Le 18 novembre 2022 a eu lieu la table ronde annuelle de la Law Society of Ireland (la L.S.I.). Anne Jonlet et Sophie Patras y ont représenté AVOCATS.BE.

Cette année, la L.S.I. a présenté un rapport sur le bien-être et les nouvelles conditions de travail des avocats à l’issue de la crise sanitaire. Ce rapport a été élaboré sur la base d’une enquête auprès des avocats irlandais.

D’après les conclusions du rapport, le recours des solicitors au télétravail devrait être mieux encadré afin d’éviter des dérives liées à l’exclusion, au ralentissement de la progression des carrières, et à l’équilibre vie privée et vie professionnelle des avocats. Une attention toute particulière à l’égard des plus jeunes avocats a été jugée nécessaire, notamment en termes de formation et de mentorat de la part des collègues plus expérimentés souvent plus enclins à télétravailller que les plus jeunes, soucieux de s’intégrer. Cette évolution a pour conséquence que les « partners » doivent de nouveau être plus présents au bureau pour assurer la formation des plus jeunes avocats.

Par ailleurs, Duncan Grehan, représentant de la L.S.I., a également présenté un article dénonçant des violations de l’état de droit et du droit des traités internationaux par le Royaume-Uni, dans le cadre de la mise en œuvre du Protocole sur l’Irlande du Nord accompagnant l’accord de retrait du Royaume-Uni de l’U.E.

Anne Jonlet,
Responsable du bureau de liaison européen

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Anne
Jonlet
Responsable du bureau de liaison européen

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