Dans les coulisses du parlement belge – note du 18 novembre 2019

I. Révision du Code pénal 

1. Texte

2. Discussions

La commission de la justice de la Chambre des représentants a entamé l’examen de la proposition de loi instaurant un nouveau Code pénal Livre 1 et Livre 2.

À l’occasion de cette discussion, les membres de la commission ont décidé d’organiser des auditions.

Denis Bosquet, avocat au barreau de Bruxelles et membre de la commission de droit pénal, a représenté AVOCATS.BE lors de l’audition le 19 novembre 2019.

Ont déjà également été entendus Joëlle Rozie et Damien Vandermeersch (anciens membres de la commission de réforme du droit pénal), Jeroen De Herdt, juge au tribunal de première instance d'Anvers ainsi que Philippe Van Linthout et Jean-Louis Doyen, coprésidents de l’Association des juges d’instruction, Christian Denoyelle, représentant du C.S.J., Jean-Michel Verelst, directeur de l’Organe Central pour la Saisie et la Confiscation, Tom De Meester et Christian Vandenbogaerde, représentants de l' O.V.B., Carla Nagels, professeur à l'ULB, Tom Vander Beken, professeur à l'"UGent", Michaël Fernandez-Bertier, professeur à l'UCL. 

 II. Suppression de la prescription pour les délits sexuels grave contre mineurs 

1. Texte

  • Proposition de loi (sp.a, N-VA, CD&V, Défi, MR, Open VLD) modifiant la loi du 17 avril 1878 contenant le titre préliminaire du Code de procédure pénale en vue de supprimer la prescription des infractions sexuelles graves commises sur des mineurs –DOC 55 0439/001.
  • Texte adopté– DOC 55 0479/001
  • Communiqué de presse du 16 octobre 2019.

2. Discussions

 Malgré la demande insistante et persistante[1] formulée par AVOCATS.BE et relayée par l’A.S.M. d’avoir un débat serein sur la question et d’organiser des auditions, la Chambre vient d’adopter, de manière pour le moins expéditive, une proposition de loi visant à supprimer la prescription des infractions sexuelles graves commises sur des mineurs

Le champ d’application de la loi a été élargi à une série d’infractions telles que le voyeurisme et l’exhibitionnisme de même que la tentative de commettre ces délits, si la victime a moins de 18 ans. Ainsi donc sera ainsi désormais imprescriptible la tentative de voyeurisme au même titre que le génocide ou les crimes contre l’humanité…

Mais dans le même temps, l’amendement qui a élargi le champ d’application de la loi a pour conséquence de réduire de 15 à 10 ans la durée de prescription des crimes sexuels les plus graves commis contre un majeur comme le viol ayant entraîné la mort… C’est évidemment une erreur. Une loi réparatrice va être prochainement déposée et la publication au moniteur de la loi va être repoussée dans la mesure du possible….

Au-delà de l’absurdité du texte qui a finalement été adopté, de la rapidité avec laquelle il l’a été alors qu’aucune urgence ne le justifiait, on peut s’interroger sur son utilité en ce qui concerne les délits sexuels graves commis sur les mineurs. Les auteurs de la proposition sont conscients que l’imprescriptibilité est symbolique car elle n’aboutira vraisemblablement à aucune condamnation. Ils le reconnaissent dans l’exposé des motifs : « Nous avons conscience qu’il ne sera plus possible de trouver des preuves des années après les faits et qu’une action juridique aboutira à un non-lieu faute de preuves ».

Qu’importe finalement, le parlement pourra dire qu’il a fait son travail et la justice n’aura  qu’à se débrouiller et, le cas échéant, essuyer les critiques… « Il appartiendra aux avocats de se monter honnêtes vis-à-vis de leurs clients et d’examiner si une action en justice a encore des chances d’aboutir ». « Le risque de non-lieu existe, mais les magistrats peuvent le prononcer en ayant de la bienveillance pour les victimes » (extrait du rapport de la séance plénière).

Avec un tel précédent, le risque est réel que d’autres délais de prescription disparaissent petit à petit…

III. Utilisation du polygraphe

1. Texte

2. Discussions

La commission de la justice de la Chambre a entamé l’examen d’une proposition de loi modifiant le Code d'instruction criminelle en ce qui concerne l'utilisation du polygraphe.

Une proposition de loi similaire avait, sous la précédente législature, donné lieu à des auditions. François Koning, avocat au barreau de Bruxelles, y avait représenté AVOCATS.BE (doc. parl., 54-2721/001) et avait, à cette occasion, rédigé un avis très fouillé. L’examen de la proposition n’avait pas été poursuivi.

L’avis de François Koning a été adapté à la nouvelle proposition et envoyé aux membres de la commission de la justice de la Chambre.

A titre principal, AVOCATS.BE considère qu’il ne faut pas légiférer en la matière et, à titre subsidiaire suggère que, entre autres (pour plus de détails, voir la note en annexe 1) :

  • le test polygraphe soit défini comme une audition au sens de l’article 47bis du Code d’instruction criminelle ;
  • toute référence à la non-intervention de l’avocat durant le test polygraphe soit supprimée ;
  • le refus de passer un test polygraphe prévu par le texte soit précisé : le refus ne peut produire aucun effet juridique et par conséquent ne peut en aucun cas être invoqué ni retenu comme élément quelconque de suspicion ou de culpabilité;
  • le texte aborde clairement les questions de la qualité et de la certification du polygraphe, ainsi que de la formation, des compétences et des diplômes requis pour être « polygraphiste ».

IV. Visa d’étudiant – question parlementaire

La ministre MR de l’Enseignement supérieur, de l’Aide à la jeunesse, des Maisons de justice Valérie Glatigny a été interrogée le 15 octobre 2019 en commission de l’Enseignement supérieur, de la Jeunesse, de l’Aide à la jeunesse, des Maisons de justice du Parlement de la Communauté française :

Alda Greoli (cdH) – “Le 27 septembre 2019, l’Ordre des barreaux francophones et germanophone, également appelé Avocats.be, a publié un communiqué de presse dans lequel il dénonce le fait que de nombreux étrangers attendent toujours une réponse à leur demande de visa, et ce, alors qu’ils remplissent les conditions financières et administratives pour suivre des études supérieures en Belgique. Le retard accumulé par l’Office des étrangers a eu des répercussions pour ces étudiants, puisque certains établissements leur ont signalé qu’ils ne pouvaient maintenir leur inscription s’ils ne se présentaient pas au plus tard le 30 septembre. Alors que nos établissements d’enseignement supérieur développent leur dimension internationale à travers de nouveaux partenariats portant sur la mobilité internationale des académiques, des scientifiques, des étudiants et du personnel administratif, il est consternant de constater que leur stratégie pourrait être contrariée par les lenteurs de l’Office des étrangers, au risque de mettre en péril ces partenariats et donc la mobilité des académiques et étudiants belges vers des destinations étrangères (…)”

Soulignant que les problèmes relèvent de l'autorité fédérale puisqu'on s'adressait à l'Office des Etrangers, la Ministre assure que ses services, l’ARES et elle-même « resteront vigilants quant à l’évolution de la situation dans un dossier qui, je le répète, est complexe. La mobilité des étudiants, des chercheurs et du personnel académique doit être promue et soutenue, mais elle doit également prendre en considération les procédures fédérales relatives à l’accès et au séjour sur notre territoire. Je ne manquerai pas de prendre contact avec les autorités fédérales si cela s’avère nécessaire ».

V. Perquisition chez un avocat – question parlementaire

Koen Geens a été interrogé par plusieurs parlementaires en commission justice le 6 novembre au sujet de la perquisition opérée chez l’avocate et réfugiée politique Botagoz Jardemalie le 1er octobre dernier, en présence de deux agents kazakhs, et en l'absence du bâtonnier.

Le député PS Khalil Aouasti a rappelé qu’il y a quelques mois, le “président d'AVOCATS.BE s’est dit préoccupé par la multiplication de perquisitions et d'écoutes téléphoniques dans des cabinets d'avocats, sans que le juge d'instruction n'en informe le bâtonnier, comme le prévoit la loi”.

Koen Geens a répondu que : “ (…) Le statut de réfugié a bien été porté à l'attention du juge d'instruction avant qu'il ne décide de procéder à la perquisition. La procédure d'asile ne prend pas en compte les infractions ayant pu être commises par le demandeur dans l'État d'origine. Dire que l'entraide judiciaire ne peut être accordée simplement parce que la personne s'est vu accorder le statut de réfugié aboutirait à freiner les poursuites contre toute personne qui serait à la fois persécutée et coupable d'infractions (…)

La base légale pour la coopération qui a donné lieu à la perquisition est certaine : il s'agit des Conventions des Nations Unies sur la criminalité organisée et la corruption et de la Convention européenne relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits des crimes, toutes ratifiées par la Belgique et par le Kazakhstan. Elles exigent une coopération entre les États-parties. La présence de représentants de l'autorité requérante n'a rien d'exceptionnel et a été autorisée par le juge d'instruction (…) ».

 Tout en rappelant qu’il « est de la responsabilité du juge d’instruction » de prévenir l’Ordre des avocats, chargé de s’assurer du respect du secret professionnel, Koen Geens a souligné que « Cette avocate n’est pas inscrite au registre des avocats exerçant en Belgique, elle est inscrite au barreau de New York ». Le ministre a encore précisé que les documents et informations saisis chez Botagoz Jardemalie ne seraient pas nécessairement transmis au Kazakhstan, d’autant plus que l’intéressée conteste la légalité de la perquisition devant la chambre des mises en accusation.

VI. Pénurie de juges en province du Luxembourg – question parlementaire

Koen Geens a été interrogé par Sophie Rohonyi (DéFI) en commission justice le 6 novembre à propos de la situation de la Justice en province de Luxembourg jugée catastrophique : « Les conditions de travail des magistrats du siège sont alarmantes. Le cadre des juges n'est plus occupé qu'à 72 %, alors qu’il l’était à 88 % en mars 2018 ».

Réponse de Koen Geens : « Le cadre légal du tribunal de la province du Luxembourg est de vingt-quatre magistrats et dix-huit sont en poste.

Depuis mars 2018, quatre magistrats ont quitté la juridiction suite à deux départs à la retraite, une démission volontaire et une nomination comme président de la cour d'appel de Liège. Un magistrat a été nommé et trois procédures sont en cours. La vacance pour le poste de président du tribunal de première instance a été publiée en septembre.

Plusieurs procédures entamées en 2018 n'ont fourni aucun lauréat. Ces places vacantes ont dû être publiées à nouveau. On a répondu aux demandes du chef de corps d'un renforcement supplémentaire par la publication du plan de recrutement que le collège des cours et tribunaux m'a présenté. Sur les trois vacances en cours, une seule nomination est possible cette année, suite à la proposition d'un lauréat par le Conseil supérieur de la Justice. L'intéressé pourra prêter serment en décembre. Le président du tribunal doit décider s'il sera affecté aux affaires civiles ou pénales ».

Ce à quoi a répondu Sophie Rohonyi : « Les conditions pour devenir magistrat ont été durcies pendant la dernière législature : il faudrait le garder à l'esprit et débattre d'une revalorisation de la fonction.

Un cadre rempli à 75 %, c'est invivable, en particulier quand on connaît l'arriéré judiciaire ».

 

[1]  L’avis d’AVOCATS.BE a été envoyé aux membres de la commission de la justice ainsi qu’aux chefs de groupe et aux présidents de partis au moment de l’examen du texte en séance plénière.

Laurence Evrard,
Responsable des actualités législatives

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Laurence
Evrard
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