Un Etat fort doit pouvoir accepter l’opposition et l’avocat comme contre-pouvoir !

Sans avocat, il n’y a pas d’Etat de droit ! Sans Etat de droit, il n’y a pas de démocratie !

La Commission européenne a publié récemment le premier rapport sur l'Etat de droit. Nous ne pouvons que saluer cette initiative fondamentale alors que l’Etat de droit est de plus en plus sérieusement menacé à l’intérieur même de l’Union.

Les critères retenus étaient au nombre de quatre : le système de justice, le cadre de lutte contre la corruption, le pluralisme des médias et les autres pouvoirs et contre-pouvoirs institutionnels.

Il suffit de rappeler que :

  • en Pologne, à 800 km de nos frontières, les réformes entreprises depuis 2015 ont renforcé l’influence des pouvoirs exécutifs et législatifs sur le système de la justice (Tribunal constitutionnel, Cour suprême, juridictions de droit commun, Conseil national de la magistrature et ministère public), réduisant ainsi l’indépendance du pouvoir judiciaire ;
  • en Slovaquie, à 1.000 km de nos frontières, le nouveau gouvernement a adopté une loi visant à instaurer une nouvelle infraction pénale en vue de sanctionner les juges qui adopteraient des décisions en violation manifeste de la loi en faveur ou au détriment d'une partie ;
  • en Hongrie, à 1.000 kilomètres de nos frontières également, le Conseil national de la magistrature indépendant est confronté au pouvoir grandissant du président de l’Office national de la justice chargé de la gestion des juridictions et la Cour suprême (Kúria) a décidé de déclarer illégale une demande de décision préjudicielle portée devant la Cour de justice de l’Union européenne. De nouvelles règles permettent en outre de nommer les membres de cette Kúria sans respecter la procédure normale ni les critères d’éligibilité au poste de président de la Cour suprême ;
  • en Bulgarie, quelques centaines de kilomètres plus loin, le procureur général n’hésite pas à bafouer ouvertement et publiquement la présomption d’innocence. Une assimilation totale est faite entre les personnes poursuivies et leurs conseils pour faire apparaître les avocats comme complices. Le procureur général n’hésite pas à déclarer publiquement que les avocats "prennent l'argent des personnes qu'ils défendent, quelle que soit la vérité".

Nombreux sont les barreaux qui souffrent d’un manque d’indépendance par rapport au pouvoir politique. Si nous pouvons nous réjouir de la situation d’indépendance en Belgique, tel est de moins en moins le cas dans certains pays de l’Union où il faut tout le temps être sur la défensive. Ainsi, récemment en Lituanie, un projet de loi (heureusement retiré entretemps suite à une lettre du C.C.B.E.) envisageait de donner compétence au ministère de la Justice pour instituer des mesures disciplinaires aux avocats.

Nous avons écrit au commissaire européen en charge de l’Etat de droit, Didier Reynders, pour lui faire part de notre déception de ne voir nulle part, dans le rapport, de mention du rôle essentiel de l’avocat et de la nécessité d’un barreau indépendant dans la défense de l’Etat de droit.

Comme le précise notre responsable du bureau européen de liaison, Anne Jonlet, une profession juridique indépendante est nécessaire pour protéger les citoyens du règne de la loi du plus fort et garantir le droit à un procès équitable. L’avocat doit être libre, politiquement, économiquement et intellectuellement, dans l’exercice de sa mission de conseil et de représentation du client.

C’est ce que nous avons écrit au commissaire Didier Reynders en rappelant que l’avocat doit être indépendant de l’État et des sources de pouvoir. Un Etat fort doit pouvoir accepter l’opposition et l’avocat comme contre-pouvoir. Celui-ci doit pouvoir exercer sa profession, sans aucune restriction, influence, incitation, pression, menace ou ingérence, directe ou indirecte, de quelque nature que ce soit ou pour quelque raison que ce soit.

Une profession juridique indépendante est dès lors une condition préalable à la garantie du respect de l'État de droit.

Le barreau, qui doit être indépendant lui aussi, garantit la protection de l’avocat et son indépendance, par le biais notamment de l’autorégulation de la profession, autre caractéristique de l’Etat de droit.

Nous serons attentifs à la prise en considération de cette indépendance de notre profession, que ce soit au niveau structurel ou au niveau personnel.

Comme nous le rappelions dans la feuille de route adoptée par l’assemblée générale des bâtonniers au début de l’année dernière, « les avocats exercent leur profession avec dévouement, conviction et de façon entrepreneuriale. Ils sont porteurs des valeurs les plus nobles. Avec force, ils défendent l’Etat de droit, les droits humains, les plus fragiles de la société. Ils sont un souffle pour l’ensemble de la profession et une fierté pour la société civile ».

 

Xavier Van Gils,
Président

A propos de l'auteur

Xavier
Van Gils
Ancien Président

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