Réparer ou punir par Bruno Dayez

« Une revendication dans le chef des victimes est première et, dans un certain nombre de cas, se suffit pratiquement à elle-même : la reconnaissance par le prévenu ou l’accusé de sa propre culpabilité, qui conditionne leur propre reconnaissance en tant que victimes. La plupart d’entre elles, en demandant justice, ne sont nullement avides d’une répression impitoyable. S’il ne tenait qu’à elles, le coupable s’en sortirait souvent à moindres frais… » pourvu qu’il avoue !

Nous avons tout faux. Notre système répressif manque tous ses objectifs.

Bruno Dayez nous a déjà exposé pourquoi nos juridictions correctionnelles ne servaient qu’à sanctionner, écarter, désocialiser, exclure les plus faibles, sans jamais – ou si rarement –  contribuer à les reclasser. Nos prisons sont des mouroirs, des écoles du crime. Ceux qui en sortent sont des récidivistes en puissance ou des parias.

Mais il y a pire encore. Les jugements qu’elles prononcent n’ont même pas pour effet de soulager les victimes. Ce que celles-ci cherchent, c’est d’abord la reconnaissance du mal qui leur a été fait. Bien au-delà d’une indemnisation qui ne sera de toute façon que symbolique. On ne remplace pas par de l’argent – si on finit par le percevoir, puisque la plupart des délinquants sont de toute façon insolvables… – la perte d’un être cher, ni celle d’un organe.

Or, comme la seule issue au procès est, en cas de culpabilité, la prison, les prévenus sont enfermés dans un jeu de rôles absurde. Nier, même l’évidence, leur paraît la seule position envisageable. Tout avocat pénaliste a éprouvé cette désarmante réalité. Même s’il n’y a qu’une toute petite chance d’éviter le verdict de culpabilité, le prévenu conteste, induisant évidemment, en retour, une sévérité accrue du juge à l’égard de celui qui refuse de s’amender.

« Or, remarquons-le, la victime est extérieure à ce dilemme. Ce n’est pas elle qui requiert l’emprisonnement du condamné. Mais elle subit cette conséquence du caractère stéréotypé de la sanction en devant faire face à un auteur qui, outre le fait de lui avoir causé du tort, s’évertue à le contester. Ce qui empêche de facto toute possibilité d’échange. »

Le résultat est donc dramatique. Le délinquant s’enfonce. La victime ne trouve aucun réconfort. Zéro partout.

« Il ne saurait y avoir de quiétude dans le chef de l’un ou de l’autre tant que le coupable subit sa peine dans la révolte (parce qu’il est traité comme un rebut) et que la victime nourrit sa rancœur à son égard faute d’exutoire. Notre système actuel ne rend pas plus justice aux uns qu’aux autres. Il ne ménage aucun espace pour reconnaître sa faute, mais au contraire, il encourage l’hypocrisie en n’accordant aucune prime à l’aveu. Il condamne à des peines qui, telles qu’elles sont subies, amènent les condamnés à se considérer eux-mêmes comme des victimes, aux antipodes d’une sincère contrition. Il n’offre aucune possibilité de dialogue (dans des conditions sécurisées) entre coupable et victime… »

Les politiques et la presse jouent un rôle particulièrement pervers dans cette pièce. Les uns en surfant sur le sentiment de vengeance d’un « bon peuple » qui ne comprend pas les enjeux de ce drame. Les autres en contribuant à cette ignorance et, même, en la nourrissant. Combien de micros ne se tendent pas vers les parties civiles au sortir des arrêts de cours d’assises ? Et alors, la peine infligée vous satisfait-elle ? Abominable cercle vicieux…

L’ouvrage se clôt par une postface, rédigée par Réginald de Beco. Avocat qui, dit-il, a peu défendu les victimes car il n’aimait guère ce contremploi, il explique le rôle de l’avocat de la défense, que notre système contraint, sans alternative, à nier l’accusation. Être l’avocat de la victime, ce n’est pas être procureur, ni enquêteur, ni juge d’instruction. C’est avant tout être aux côtés de son client, pour lui rendre sa dignité, tenter de réparer les conséquences de l’acte avilissant qu’elle a subi (ou, malheureusement, que l’un de ses proches a subi).

Difficile équilibre dans un système tel le nôtre.

« Qui a tort, qui a raison ? Me Bruno Dayez a la voix de la raison et de l’humanité. Il ne polémique pas. Il dit les choses simplement en refusant de se faire la voix de la vengeance. Qu’il en soit remercié. »

Puisse ce petit essai être lu par nos politiques et nos magistrats…

Patrick HENRY
Ancien Président

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Ancien Président d'AVOCATS.BE

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