La Chambre contentieuse de l’Autorité de protection des données a rendu, le 12 août 2022, une nouvelle décision concernant un membre du barreau1 à la suite d’une plainte d’une ancienne cliente, ce qui démontre que les avocats sont non seulement exposés au risque d’une plainte d’une partie adverse2 mais également de leur propre client !
En l’espèce, l’avocat avait été consulté par la plaignante dans le cadre d’un procès contre son ex-employeur. Dans sa plainte, elle faisait valoir que son ancien conseil avait traité ses données personnelles de manière illégale en communiquant le montant de ses honoraires à son ex-employeur dans le cadre de la réclamation des dépens remboursables - en l’occurrence l’indemnité de procédure - suite à la condamnation intervenue en première instance.
La plaignante estimait également que son ancien conseil était responsable du fait que son nouvel employeur avait été informé de l’existence de ce litige.
La Chambre contentieuse a procédé au classement sans suite de cette plainte.
L’Autorité de contrôle a en effet d’abord estimé que le premier grief était accessoire par rapport au fond du litige qui portait sur le suivi de l’exécution du jugement par l’ancien conseil de la plaignante.
Pour l’Autorité, il s’agissait donc d’un problème déontologique de la compétence des tribunaux civils3 et de l’Ordre des avocats. Après avoir relevé qu’une plainte avait été déposée auprès de ce dernier, la Chambre contentieuse a classé le grief sans suite pour un motif d’opportunité.
En ce qui concerne le second grief, l’Autorité a estimé qu’il ne ressortait pas du dossier que l’ancien conseil était responsable de la communication d’informations entre l’ancien et le nouvel employeur, par ailleurs institutions européennes dépendant exclusivement du Contrôleur européen de la protection des données.
Comme l’a rappelé une décision de la Cour d’appel de Bruxelles (Cour des marchés)4 l’Autorité est tenue de motiver sa décision de classement sans suite soit parce que le dossier ne contient pas suffisamment d’éléments pour aboutir à une sanction ou comporte un obstacle technique l’empêchant de rendre une décision, soit parce qu’il ne lui semble pas opportun de poursuivre compte tenu de ses priorités.
Il est donc intéressant de s’attarder sur le premier grief et le sort qui lui a été réservé même s’il ne nous appartient pas de connaître les détails de ce qui a réellement été communiqué par l’ancien conseil de la plaignante et de la décision prise par les autorités ordinales.
Si le montant des honoraires est bien entendu couvert par le secret professionnel et ne pouvait être communiqué à l’ex-employeur sans le consentement de la cliente qui ne l’avait visiblement pas donné, la Cour a estimé que cette question n’était pas de sa compétence dès l’instant où une autre plainte avait été déposée entre les mains de l’Ordre des avocats.
La politique de classement sans suite5 de l’Autorité précise en effet que la plainte peut être classée pour des motifs d’opportunité s’il existe une procédure judiciaire ou administrative en cours ou clôturée portant sur les mêmes griefs :
« Si un jugement ou arrêt a été prononcé au sujet du grief de votre plainte, la Chambre contentieuse estimera souvent qu’il n’est pas opportun de traiter votre plainte. Il n’entre pas dans les priorités de la Chambre Contentieuse de juger une deuxième fois les circonstances de votre plainte afin de vous permettre de revoir les décisions judiciaires ou administratives en dehors des procédures d’appel ordinaires. »
Alors que les critères d’application et les sanctions6 ne sont pas identiques, l’Autorité de contrôle reconnait donc l’importance de nos règles déontologiques et l’autorité des décisions des autorités ordinales.
Stéphane Boonen,
Administrateur
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2 Voir la Tribune du 3 juin 2021
3 Et pénaux dans la mesure où il s’agit du secret professionnel visé à l’article 458 du Code pénal.
4 Cour des marchés (Cour d’appel de Bruxelles), 2 septembre 2020, 2020/AR/329, p.18
5 https://www.autoriteprotectiondonnees.be/publications/politique-de-classement-sans-suite-de-la-chambre-contentieuse.pdf .. Et si ce lien ne fonctionne pas, lancez une recherche sous « politique de classement sans suite de l’autorité de contrôle », vous aurez plus de succès !
6 Voyez à cet égard : DOCQUIR, B., «Quels risques de sanctions en cas de manquement au R.G.P.D.» in La mise en œuvre du RGPD chez les avocat(e)s, Anthémis, 2023, p.79.