Ce qui était exceptionnel hier devient malheureusement habituel aujourd’hui. De plus en plus régulièrement, les magistrats sont contraints de faire appel à la presse pour dénoncer des situations totalement inadmissibles. Nous nous souvenons tous de « l’Etat voyou » du premier président de la Cour de cassation, le chevalier Jean de Codt. C’était en février 2018. Depuis lors, les communiqués de presse des magistrats se multiplient.
J’aurais pu évoquer l’arriéré catastrophique et manifestement devenu ingérable de la cour d’appel de Bruxelles, le manque criant de cadres dans de nombreuses juridictions, la situation catastrophique dans les prisons, l’état lamentable de nombreux bâtiments judiciaires dont le moindre exemple n’est pas celui de Bruxelles, l’inquiétude des magistrats face à un programme assez obscur de la charge de travail appelé AMAI (cela ne s’invente pas), ou encore tant d’autres choses.
Ce mercredi matin s’est tenue une manifestation devant le tribunal du travail francophone de Bruxelles après un communiqué de presse alertant de l’impossible situation dans laquelle il se trouve suite aux carences d’autres services de l’Etat : l’Office des Etrangers et Fedasil. AVOCATS.BE s’est associé à cette manifestation.
Jusque fin 2019, le nombre moyen de requêtes unilatérales au tribunal du travail francophone de Bruxelles était de 38 par an. Au 20 mai de cette année, 1007 requêtes unilatérales ont été déposées et, si la situation perdure, ce seront plus de 2.400 dossiers pour cette année dont les trois quarts sont relatifs à l’hébergement des demandeurs d’asile. La loi « accueil » du 12 janvier 2007 (articles 16 et suivants) prévoit un droit pour chaque demandeur d’asile d’être hébergé, ce qui crée une obligation de résultat à charge de l’Etat.
Chaque dossier, c’est une personne, c’est un justiciable, c’est un être humain fragilisé par les épreuves d’une vie qui ne l’a pas épargné. C’est donc tout simplement quelqu’un qui mérite toute notre attention. Un Etat civilisé n’est-il pas un Etat qui porte toute son attention aux plus fragiles ?
Comme l’expliquent les magistrats du tribunal du travail, « l’explosion du contentieux résulte d’une situation qui perdure depuis 2020 et qui s’aggrave en 2022 : un grand nombre de personnes qui introduisent une demande d’asile auprès de l’Office des étrangers ne reçoivent pas de place d’accueil, à l’exception des personnes vulnérables. Concrètement, depuis plusieurs mois, Fedasil ne prend aucune décision concernant l’accueil de ces personnes ». Or, c’est un droit fondamental.
Et le gouvernement ne semble nullement s’en émouvoir. « Le nombre très limité de places disponibles dans le réseau oblige à établir des priorités pour garantir l'accueil des personnes vulnérables et de celles qui ne font pas partie des catégories mentionnées. Dès que des places d'accueil sont disponibles en suffisance, des personnes sur liste d'attente sont invitées à se présenter pour être accueillies » comme le déclarait Sammy Mahdi en commission de l’Intérieur de la chambre le 11 mai dernier.
Au début de la guerre en Ukraine, les citoyens ont montré toute leur générosité pour accueillir les plus fragiles d’entre nous. L’Etat a promis et s’est déchargé sur les communes. L’Etat ne s’est pas montré à la hauteur. L’Etat a failli.
Depuis des années, AVOCATS.BE dénonce les dysfonctionnements de cette administration qu’est l’Office des étrangers. Depuis des années, nous demandons un audit sérieux. L’Etat l’a promis. Nous avons demandé d’être associé à cet audit. L’Etat a refusé. Nous attendons toujours et le secrétaire d’Etat à l’asile et à la migration s’en va pour présider le CD&V.
Quand prendra-t-on enfin, dans ce pays, les bonnes décisions ? Quand nos élus prendront-ils les décisions indispensables pour que notre pays soit à nouveau un pays civilisé dans lequel on respecte les droits les plus fondamentaux ?
Quand comprendront-ils ?
Votre bien dévoué,
Xavier Van Gils,
Président