Legal Refugee Helpdesk : 2 ans déjà

L’engagement sans faille des avocats pour les demandeurs de protection internationale face aux carences de l’Etat

Le 17 avril dernier, le Refugee Legal Helpdesk a passé le cap des 2 ans d'existence. Un sentiment mitigé nous a animé à cette occasion : nous sommes consternés de constater que l'Etat bafoue encore toujours des droits fondamentaux, mettant ainsi en péril l’Etat de droit, et en même temps, nous sommes heureux de constater qu’avec nos partenaires, nous avons pu offrir une aide juridique indispensable à ces milliers d’hommes, de femmes et d’enfants venus de si loin solliciter notre solidarité.

Le Refugee Legal Helpdesk est une permanence juridique de première ligne pour demandeurs d’asile, née d’une collaboration inédite entre le barreau de Bruxelles, les deux Ordres réunis, l’ONG Vluchtelingenwerk voor Vlaanderen et les départements pro bono d’un groupe de cabinets d’avocats. Il s’agissait de répondre à la crise de l’accueil qui a débuté fin 2021, lorsque les autorités de notre pays ont cessé de respecter leurs obligations à l’égard de ces demandeurs d’asile. 

Nous avons mis en place une structure d’urgence à même d’accueillir et de conseiller ces demandeurs et d’ainsi soulager les bureaux d’aide juridique. L’urgence s’est malheureusement prolongée et la collaboration s’est étendue à d’autres barreaux du pays, Antwerpen, Leuven, Limburg et Gent, ainsi qu’à des universités dont les étudiants sont devenus bénévoles. Nous avons également pu compter sur le soutien matériel et financier du CPAS de Bruxelles et de la Région de Bruxelles-Capitale.

17 avril
Plus de 8000 visiteurs, 3500 d’entre eux encore à la rue

Le Refugee Legal Helpdesk reçoit principalement des hommes seuls, qui ont enregistré leur demande d’asile auprès de l’office des étrangers à Bruxelles mais qui se voient refuser l’aide matérielle pourtant prévue tant par la loi belge que par le droit européen. Ces personnes sont donc à la rue pour la grande majorité. 

Depuis avril 2022, plus de 8000 demandeurs ont été reçus. 8445 à ce jour pour être précis. 8445 demandeurs laissés à la rue par le gouvernement belge. Beaucoup ont heureusement été hébergés depuis, mais plus de 3500 d’entre eux sont encore en attente d’une place en centre, dûment enregistrés sur la liste tenue par Fedasil. Parmi ces plus de 3500 demandeurs, nombreux sont ceux qui ont obtenu la condamnation de Fedasil et de l’Etat belge. En effet, plus de 9000 ordonnances ont été prononcées par les juridictions du pays, condamnant Fedasil à héberger les demandeurs. Ces condamnations sont assorties d’astreintes et ont donné lieu à de multiples saisies, notamment des saisies mobilières aux cabinets de la Secrétaire d’Etat à la Migration et du Premier Ministre. 

Parallèlement, la Cour européenne des droits de l’homme a prononcé plus de 1300 mesures provisoires, enjoignant ainsi l’État belge d’exécuter les ordonnances du tribunal du travail de Bruxelles rendues pour chacun des requérants et de leur fournir un hébergement et une assistance matérielle pour faire face à leurs besoins élémentaires. 

A l’heure actuelle, des centaines de décisions judiciaires restent encore en attente d’exécution. 

La situation personnelle des demandeurs ainsi laissés à la rue est dramatique. Ces personnes sont désespérées, dans un état de santé physique et psychologique catastrophique. 

L’Etat de droit mis à mal

Au-delà de la situation personnelle dramatique de ces demandeurs d’asile, cette crise de l’accueil a révélé une conception de l’Etat de droit par l’Etat qui ne peut que susciter des inquiétudes. 

L’obligation de fournir une aide matérielle – et donc un hébergement – aux demandeurs d’asile découle des directives européennes accueil (2003/9/CE et 2013/33/UE) et de la loi belge du 12 janvier 2007 qui met en œuvre ces directives. 

Nous sommes confrontés à un pouvoir exécutif qui s’affranchit de manière complètement assumée des lois belges et européennes ainsi que des milliers de condamnations judiciaires. Et pourtant, ce même pouvoir exécutif ne remet pas en cause les lois. Il reconnaît être en défaut et affirme « faire son possible ». Ce n’est pas suffisant, le respect du droit n’est pas une obligation de moyen mais bien de résultat. 

Les conséquences de ce non-respect assumé de l’état de droit sont dangereuses pour notre pays, notre démocratie et notre conception du vivre-ensemble. Malheureusement, la crise de l’asile n’est qu’une des préoccupations, d’autres crises, telle que la surpopulation carcérale ou le défaut de places d’accueil pour les mineurs en danger, ont débouché sur le même constat : le non-respect des lois et des condamnations de l’Etat par le pouvoir judiciaire. 

Du positif dans le négatif : un engagement sans limite de nos bénévoles 

La mobilisation des bénévoles et de nos partenaires est au plus haut après deux ans d’existence du projet. Des centaines de jeunes avocats et autres bénévoles ont ainsi pu renforcer les rangs de l’aide juridique telle qu’organisée par les barreaux du pays et du milieu associatif. Il est réconfortant de voir ainsi les jeunes générations donner de leur temps dans un contexte difficile et de pouvoir compter sur le soutien des autorités de la ville de Bruxelles et de la Région de Bruxelles-Capitale.

Le travail de terrain est en effet confrontant; écouter le récit des parcours migratoires et de la survie en rue n’est pas chose évidente mais c’est l’occasion de belles rencontres, comme celles de Fehmina Asif et d’Hassan Ahmed, deux brillants étudiants en droit qui ont connu eux-mêmes ce difficile parcours d’exil et viennent aujourd’hui partager leur expérience et mettre leurs compétences au service des autres. 

Fehmina, une voix pour les réfugiés, vice-présidente de l'association Law Student With Refugees à l'ULB, s’appuie sur son histoire familiale marquée par l'immigration. En tant que bénévole et coordinatrice de la permanence, elle a approfondi ses connaissances en droit des étrangers, une matière souvent absente de son cursus de bachelier mais essentielle pour son engagement. Elle conseille vivement cette expérience à tous les jeunes aspirants praticiens du droit.

Hassan, un combattant pour la justice, réfugié soudanais, a surmonté un périple difficile avant d'arriver en Belgique. Son engagement l'a mené au Helpdesk en tant que bénévole de première ligne en 2022, puis à devenir coordinateur en 2023, cherchant à être davantage impliqué dans la gestion opérationnelle du projet. Ayant lui-même traversé des épreuves similaires à celles des personnes qu'il aide, Hassan voit son engagement comme une responsabilité humaine et une occasion de soutenir ceux dans le besoin. Il est convaincu que chacun a le devoir de promouvoir la Justice et l'Etat de droit. Son expérience lui offre également une occasion précieuse d'échanger avec d'autres étudiants, avocats et acteurs du terrain, enrichissant ainsi son parcours académique et personnel.

Photo Hassan et Fehmina

Merci à ces centaines de jeunes bénévoles qui se battent ainsi pour ces demandeurs d’asile et au-delà, la défense de l’Etat de droit. Nous remercions également l’ensemble des cabinets d’avocats partenaires, eux qui ont encouragé et soutenus leurs jeunes collaborateurs à rejoindre le projet. Merci encore aux bureaux d’aide juridique partenaires et au CPAS de Bruxelles ainsi qu’à la Région pour leur appui logistique, matériel et financier. 

La presse a régulièrement relayé ce projet et ses enjeux. N’hésitez pas à lire les deux articles les plus récents parus dans l’Echo et The Brussels Times.

Formulons le vœu que nos dirigeants se ressaisissent !

Fehmina Asif et Hassan Ahmed,
volontaires, étudiants en droit et en sciences économiques

Jean-François Gérard et Corinne Delgouffre,
avocats et coordinateurs du Helpdesk

Emmanuel Plasschaert,
bâtonnier du barreau de Bruxelles

A propos de l'auteur

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