Le nouveau contrat d’assurance protection juridique

Un nouveau pas vers un meilleur accès à la justice

Ce 1er septembre est entrée en vigueur la loi du 22 avril 2019 visant à rendre plus accessible l’assurance protection juridique (Mon. b., 8 mai 2019, p. 44.098).

Elle fixe les conditions minimales auxquelles doit répondre un contrat d’assurance protection juridique pour que le preneur d’assurance puisse bénéficier d’un avantage fiscal, en l’occurrence une réduction à l’impôt des personnes physiques correspondant à 40 % de la prime payée, avec un maximum déductible pour l’exercice d’imposition 2020 de 124 € (article 15).

L’idée n’est pas neuve de créer un incitant fiscal rendant plus attractif, pour le consommateur, la souscription d’une assurance prenant en charge tout ou partie des frais du procès qu’il entend intenter ou qui lui est fait. Mais le mécanisme mis en place par la loi est original par l’étendue de la couverture et par l’intervention de l’assureur dans les frais et honoraires de l’avocat.

L’article 7 de la loi donne ainsi une portée extrêmement large à la couverture que l’assureur est tenu d’accorder pour que son contrat puisse bénéficier de l’avantage fiscal. L’essentiel des litiges auxquels une personne peut, au cours de son existence, être confrontée y sont inclus, de la responsabilité civile au droit fiscal ou administratif, en passant par le droit du travail et de la sécurité sociale, le droit pénal mais aussi le contentieux familial et les litiges liés au droit de la construction, traditionnellement exclus des polices d’assurance mises jusqu’ici sur le marché.

Aux termes de l’article 8, l’assureur doit prendre en charge, sous réserve des plafonds dont il va être question, les frais et honoraires des avocats, des huissiers de justice, des experts, des conseillers techniques, des médiateurs, des arbitres ainsi que les frais des procédures judiciaires comme extrajudiciaires mis à charge des assurés et les frais d’exécution.

Certaines exclusions ou déchéances sont toutefois possibles, qu’énumère l’article 7, § 2 de la loi. L’assureur peut également prévoir un délai d’attente pour diverses matières (article 6, § 2).

Face à une couverture à large spectre, les assureurs ont fait valoir que pour que le contrat demeure financièrement attractif, ils devaient pouvoir contrôler et limiter leurs décaissements.

Le plafond global de la couverture est donc relativement peu élevé : il est fixé par l’article 8, § 3 de la loi à 13.000 € pour les litiges en matière civile, 13.500 € en matière pénale, 6.750 € en droit de la construction et 3.375 € par personne assurée pour les divorces. Ces sommes, que l’assureur peut modifier à la hausse puisqu’il s’agit d’une garantie minimale, couvrent l’ensemble de ses décaissements dits externes, mais seulement ceux-ci : les frais de gestion interne et amiable du dossier sont couverts sans limite.

La seconde originalité de la loi concerne les frais et honoraires des avocats. Si ceux-ci conservent la liberté de taxation prévue par l’article 446 ter du Code judiciaire, l’article 8, § 2 de la loi permet à l’assureur de prévoir dans son contrat une seconde limite à leur prise en charge : outre le plafond global déjà évoqué, l’assureur peut également la limiter à un forfait par prestation et par matière, dont les montants minima ou sous-plafonds ont été fixés par un arrêté royal du 28 juin 2019 (Mon. b., 12 juillet 2019, p. 70.597).

Les sommes qui y sont reprises sont ainsi couvertes du seul fait que la prestation qu’elles représentent a été accomplie et ce, quelle qu’en soit l’ampleur. Elles globalisent les frais et les honoraires mais s’entendent hors TVA, qui viendra s’il y a lieu les majorer.

Concrètement, un avocat consulté par un client couvert par une police d’assurance protection juridique répondant aux conditions de la loi du 22 avril 2019, a le choix entre deux attitudes :

  • soit il ne modifie en rien la méthode habituelle de calcul de ses frais et honoraires et, en ce cas, ceux-ci seront pris en charge par l’assureur sous la double limite (1) du plafond global et (2) des sous-plafonds correspondant aux prestations qu’il a exécutées, l’éventuel surplus de frais et honoraires étant à charge du client ;
  • soit il accepte de s’en tenir aux sous-plafonds repris dans l’arrêté royal du 28 juin 2019 et forfaitise alors, par prestation, ses frais et honoraires : ceux-ci seront pris en charge par l’assureur jusqu’à ce que le plafond global de la couverture soit atteint.

Dans un cas comme dans l’autre, l’avocat est tenu d’informer de son choix le client et l’assureur (article 11, alinéa 2 de la loi). Dès lors qu’il s’agit d’une méthode de calcul de ses frais et honoraires, il ne peut en outre en changer en cours de dossier, sauf avec l’accord de son client (article 5.19, § 2 du Code de déontologie).

Le prochain numéro du Pli juridique consacrera de plus amples développements à cette loi.

Sans doute laisse-t-elle subsister nombre des problèmes que nous rencontrons parfois avec l’assureur protection juridique de nos clients et qui empoisonnent certains de nos dossiers.

Mais un développement de ce type d’assurance contribue à un meilleur accès du citoyen au droit, aux juridictions et aux MARC’s. L’existence des sous-plafonds repris dans l’arrêté royal du 28 juin pourra également être utile aux avocats qui souhaitent développer le recours à des forfaits de frais et honoraires afin d’en renforcer la prévisibilité, pour le plus grand intérêt de leurs clients. Et en tout état de cause, ceux-ci bénéficieront d’une prise en charge au moins partielle (à concurrence des sous-plafonds et plafonds) du coût de leur avocat.

Pour ce dernier, le principe de liberté de taxation n’est pas mis à mal : que son client bénéficie ou non d’une police d’assurance conforme à la loi, le principe énoncé par l’article 446 ter du Code judiciaire demeure. Il est même renforcé puisque la loi du 22 avril le complète d’un nouvel alinéa précisant que ni le juge ni le conseil de l’Ordre, saisis d’un litige sur honoraires, ne peuvent pour le résoudre se référer aux forfaits prévus par l’arrêté royal du 28 juin.

Enfin, la loi ne fixe que les conditions minimales auxquelles doivent répondre les contrats d’assurance pour bénéficier de l’avantage fiscal : l’assureur conserve toute latitude pour élargir tant la couverture que les montants garantis.

Il reste à voir si le nouveau contrat répondra aux attentes du marché et fera ses preuves. L’opportunité doit lui en être laissée.

 

Michel Ghislain
Administrateur

Geoffroy Cruysmans
Directeur du département « assurances »

 

Source photo (c) Shutterstock/L'Echo

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