L’Etat est condamné pour ne pas avoir respecté les cadres des Cours et tribunaux

  1. Le pouvoir exécutif s’abstient depuis des années de pourvoir les cadres des cours et tribunaux à 100 %.

Selon les années et les arrondissements, l’effectif de certaines juridictions ne dépasse pas 80 à 90 % des quotas imposés par la loi.

Cela entraîne des surcharges de travail et du stress dans le chef des magistrats, des greffiers et du Parquet. Cela génère des arriérés importants dans le traitement des affaires, au préjudice des justiciables. Cela désorganise le travail des acteurs de justice. Cela occasionne des surcoûts (audiences reportées, déplacements et préparation de dossiers inutiles...). Cela engendre des incompréhensions et une perte de confiance de la part des citoyens(dossiers prescrits, retards insupportables dans le règlement des conflits, dépassement du délai raisonnable, politique du fait accompli...).

Cela porte finalement atteinte à l’indépendance de la justice.

  1. Les gouvernements successifs ont feint d’ignorer ces constats accablants.

Au printemps 2019, AVOCATS.BE a cité en justice l’Etat belge en responsabilité, afin que cessent ces comportements fautifs et que la loi soit respectée.

Par jugement du 13 mars 2020, le tribunal de première instance francophone de Bruxelles lui a donné raison. Il a condamné l’Etat à publier dans un délai de trois mois l’ensemble des places de magistrats et de personnel des greffes vacantes à la date du 17 janvier 2020 (date de la prise en délibéré de l’affaire) et prévisible dans les 10 mois, sous peine d’une astreinte de 1.000 EUR par jour et par place inoccupée dont la vacance n’aurait pas été publiée dans ce délai, avec un maximum de 250.000 EUR.

  1. Le très long jugement (38 pages) est fort bien charpenté et motivé.

Le tribunal rappelle que la Constitution a confié au Parlement le pouvoir exclusif de fixer le cadre nécessaire au bon fonctionnement du pouvoir judiciaire. Le nombre de places reprises aux cadres n’est pas un nombre maximal dont le remplissage serait laissé à la discrétion du pouvoir exécutif. Ce serait contraire à la loi et ce serait incompatible avec les principes de la séparation des pouvoirs et d’indépendance des magistrats.

Le gouvernement est tenu d’appliquer la loi . Il ne peut se substituer à celle du Parlement sa propre évaluation des besoins humains nécessaires au bon fonctionnement de la Justice.

Le tribunal considère que l’Etat a commis une faute en ne publiant pas toutes les places vacantes, ce qui est la première mesure incontournable à prendre en vue du remplissage des cadres.

L’Etat n’invoquant aucune cause de justification valable pour s’exonérer de sa responsabilité (motifs budgétaires, évaluation de la charge de travail...), le juge peut lui prescrire des mesures destinées à mettre fin à la voie de fait dommageable subie par AVOCATS.BE, sous peine d’astreinte.

  1. Le tribunal a par ailleurs considéré que l’Etat ne pouvait pas être condamné à pourvoir en outre à l’ensemble des emplois des cadres endéans un certain délai.

En effet, cela pourrait porter atteinte au principe de séparation des pouvoirs.

L’administration ne peut se voir ordonné à prendre une décision dans un sens déterminé dans un domaine où elle dispose d’une compétence discrétionnaire et d’un processus de nomination (examens et concours organisés par le CSJ pour les magistrats et le Selor pour les membres des greffes...).

 

Jean-Pierre Buyle
Ancien Président


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