Dans les coulisses du parlement belge - janvier 2022

La ministre de l’Intérieur Annelies Verlinden prépare un projet de réforme du Conseil d’Etat qui ne manque pas d’inquiéter les avocats. Au menu de cette réforme, rien de moins que la suppression du double examen, la réintroduction de la boucle administrative et la réforme du référé administratif. De quoi faire frémir tous les avocats spécialistes de la matière d’autant plus que la ministre semble vouloir se passer de l’avis du barreau pour mener à bien sa réforme. AVOCATS.BE compte bien intervenir dans le débat.

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1. Réforme du Conseil d’Etat 

Pourquoi réformer le Conseil d’Etat sans les avocats ? Telle était la question lancée par près de 120 avocats spécialisés en droit public, 8 bâtonniers et le président d’AVOCATS.BE dans une carte blanche publiée dans la Libre des 11 et 12 décembre 2021.

Une des idées de la ministre de l’Intérieur est de réformer le double examen et donc de réduire voire de supprimer le rôle de l’auditorat au niveau de la section du contentieux au motif qu’il ralentit la procédure et mobilise d’importante ressources humaines.

Pour rappel, du côté francophone du moins, la plupart des affaires sont directement soumises au Conseil d'État, en première et en dernière instance. Le double examen, assuré d'abord par un auditorat indépendant et ensuite par le siège, constitue un correctif important compte tenu de l'absence d'appel.

La suppression de l’intervention de l’auditorat, envisagée par la ministre, aboutirait dès lors à ce qu’un conseiller unique dans la plupart des cas statue seul en premier et dernier ressort, ce qui est particulièrement dangereux dans un contentieux qui oppose systématiquement un pouvoir public et des citoyens sur des questions notamment de respect des droits fondamentaux ainsi que c’est apparu durant la crise du Covid.

Du côté flamand, la réalité est quelque peu différente puisque la Flandre a créé, au titre des pouvoirs implicites, de multiples juridictions administratives qui statuent en première instance et dont les décisions peuvent faire l’objet d’un recours en cassation devant le Conseil d’Etat

La ministre de l’intérieur a été interrogée pat les députées Vanessa Matz (cdH) et Sophie Rohonyi (Défi) et par le député Daniel Sanesael (PS) en commission intérieur du 12 janvier 2022. La réponse de la ministre est particulièrement décevante (voir annexe).

AVOCATS.BE compte bien intervenir dans le débat.


2. Droit des étrangers – régularisation

Dans une carte blanche publié dans la Libre du 10 décembre 2021 et intitulée « Nous sommes toutes et tous de mauvais avocats », 160 avocats spécialisés en droit des étrangers, 10 bâtonniers et le président d’AVOCATS.BE demandaient que des critères clairs soient définis en matière de régularisation.

Longuement interrogé par Vanessa Matz (cdH), Tomas Roggeman (N-VA) et Dries Van Langenhove (VB) sur la question  de la gestion des demandes de régularisation des grévistes de la faim en séance plénière le 16 décembre 2016, le secrétaire d’Etat a répondu ceci : « Des actions politiques veulent assouplir la politique de régularisation ou introduire des critères légaux. Ma position a toujours été claire : la régularisation reste un pouvoir discrétionnaire. Je n'établirai pas de critères juridiques et ne créerai pas de comité de régularisation. Les commissions précédentes ont démontré que ce n'était pas une solution magique et que le traitement n'était pas plus rapide. »

 

3. Huis clos pour les infractions sexuelles – demande d’avis 

a. Textes

b. Développements

La commission de la Justice de la Chambre des représentants a entamé l’examen de deux propositions de loi visant à généraliser le huis-clos pour les affaires de mœurs. Le traitement en audience publique deviendrait exceptionnel.

Dans le cadre de ses travaux, elle souhaite obtenir l'avis écrit de AVOCATS.BE sur ces propositions de loi pour le 26 janvier 2022. La commission de droit pénal n’est pas favorable à un renversement du principe de la publicité des débats. Un avis est préparé. 


4. Interdiction de toute violence entre les parents et leurs enfants – demande d’avis

a. Textes

  • Proposition de loi modifiant le Code civil en vue d'interdire toute violence systématique entre les parents et leurs enfants, n° 1840/1 et 2 (et l’avis du Conseil d’Etat) 
  • Proposition de loi modifiant l'ancien Code civil afin d'ancrer le droit de l'enfant à une éducation non violente et d'interdire toute forme de violence à l'égard des enfants, n° 1956/1 et 2 (et l’avis du Conseil d’Etat)

b. Développements

La commission de la Justice de la Chambre des représentants a entamé l’examen de deux propositions de loi visant à prévoir dans le code civil une interdiction de violence entre les parents et leurs enfants.

Dans le cadre de ses travaux, elle souhaite obtenir l'avis écrit de AVOCATS.BE sur ces propositions de loi pour le 26 janvier 2022. La question a été soumise à la commission « jeunesse ».

 

5. Accès à la justice – question parlementaire 

Le 20 décembre 2021, le ministre de la justice a été interrogé par Kathleen Bury (VB) en commission de la justice, au sujet de l’enquête sur l’accès à la justice : « Lors du colloque qui s'est tenu à propos de l'accès à la justice1, il est apparu qu'il n'était pas si évident de savoir si la classe moyenne parvient aussi à se frayer un chemin vers les tribunaux. Plusieurs orateurs ont proposé d'organiser une enquête sur ce point. Le ministre prendra-t-il des initiatives pour ce faire ? »

Réponse du ministre : « Lors du colloque, la question de l'accès à la justice pour les personnes (très) vulnérables a été abordée dans le détail et il a notamment été proposé de créer des cabinets d'avocats multidisciplinaires pour l'octroi de l'assistance juridique. 

L'accès à la justice par la classe moyenne est parfois négligé, en effet. La "mutualisation" de l'aide juridique constitue certes une proposition intéressante, mais nous devons nous protéger contre ses effets secondaires indésirables et contre ses conséquences budgétaires. 
Bon nombre d'initiatives ont été prises, ces dernières années, pour améliorer l'accès à la justice, notamment l'instauration de l’assurance protection juridique, le développement de la médiation et le droit collaboratif. L'exemple du tribunal de l'entreprise francophone de Bruxelles, qui a mis en place des chambres de conciliation, mérite d'être suivi. Cette pratique permet aux justiciables de trouver une solution négociée et plus rapide, en présence d'un juge-conciliateur. 

La numérisation améliorera assurément l'accès à la justice. Nous sommes absolument favorables à l'idée d'une enquête. »

La parlementaire a clôturé son intervention en suggérant d’ « envisager d'abaisser la TVA sur les frais d'avocats à 6 % afin d'améliorer l'accès à la justice pour la classe moyenne. »


6. Arriéré judiciaire – question parlementaire 

Le 20 décembre 2021, le ministre de la Justice a été, une nouvelle fois, interrogé en commission de la justice au sujet de l’arriéré judiciaire. 

Réponse du ministre : « Le Collège des cours et tribunaux doit procéder à un zérotage du volume de l'arriéré dans l'ensemble de l'organisation judiciaire. Actuellement, le Collège planche sur une définition des paramètres. Ensuite, il validera une méthodologie définitive. Par le passé, il a déjà travaillé avec une variété de définitions ou d'indicateurs, ce qui complique les comparaisons transversales. Il n'est pas exclu d'utiliser plusieurs indicateurs. 

L'arriéré peut en effet se concevoir comme un problème de lenteur de la durée de traitement mais aussi comme un problème de stock d'affaires pendantes. Aucune fréquence n'a en outre été définie mais un contrôle a évidemment été prévu. Outre les définitions uniformes, il s'agit également de l'utilisation de règles uniformes pour ne pas accumuler du retard sur le plan des durées de traitement et des affaires pendantes. Il sera indubitablement tenu compte de l'arriéré qui se sera accumulé d'ici au 31 décembre 2021. (…)

Je comprends que l'absence de vision précise quant à l'étendue de l'arriéré judiciaire en cette année 2021 suscite l'inquiétude. Nous n'avons toutefois pas besoin de cette mesure pour savoir que l'arriéré existe. Nous voulons nous attaquer au problème. Nous mobiliserons à cette fin davantage de moyens et d'effectifs pour la magistrature. Il s'agit de 1 400 collaborateurs supplémentaires pour la justice cette année et l'année prochaine. Nous misons aussi sur une justice plus intelligente, en optant pour la numérisation et en modifiant les procédures de travail, comme la méthode des transactions immédiates. Le budget et les recrutements supplémentaires se concentrent là où le besoin est le plus important, c'est-à-dire à la cour d'appel de Bruxelles. 

Les mesures effectuées porteront principalement sur les dossiers en cours et sur les délais de traitement. L'ensemble des enregistrements ne sont pas encore uniformes, notamment en ce qui concerne les dossiers en cours. La plupart des mesures ayant porté précédemment sur l'arriéré étaient des mesures ad hoc. 

Il sera bel et bien tenu compte du facteur "crise du coronavirus" au cours de cet exercice et de sa préparation par le Collège des cours et tribunaux ».

Laurence Evrard, 
Responsable des actualités législatives

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1 Colloque organisé par le SPF justice le 30 novembre 2021 et intitulé « Vers une justice numérique et inclusive pour tous »

A propos de l'auteur

Laurence
Evrard
Responsable des actualités législatives

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