A l’invitation du Barreau du Brabant wallon, Damien Vandermeersch, Jean-Pierre Buyle, Vincent Macq et Thierry Bayet ont animé, devant une salle comble, un débat sur le sens de la peine et la réforme du Code pénal.
Monsieur Vandermeersch a présenté avec l’éloquence qu’on lui connaît, la philosophie qui a dirigé l’important travail visant à moderniser le Code pénal qu’il a réalisé avec Madame Rosi, à la demande du Ministre de la Justice, en ce qui concerne la problématique de la peine.
Parti du constat que le Code pénal vieux de plus de 150 ans n’était plus adapté et était devenu inapplicable[1] ou inappliqué[2] en ce qui concerne nombre de peines, le travail confié consistait à définir des peines ayant du sens au 21ème siècle en tenant compte des objectifs qu’elles sont censées atteindre[3].
Dans cet esprit, les experts ont prévu un système de peines générant un minimum d’effets secondaires négatifs pour l’auteur d’une infraction, son entourage mais surtout la société. Dès lors, l’emprisonnement doit être conçu comme l’ultime recours, la prison n’ayant que rarement permis la réinsertion[4]. Dans le projet, diverses mesures avant qualifiées d’alternatives deviennent des peines principales. Elles ne seront pas moins répressives, exécutées et donc efficaces et auront un sens pour le condamné[5].
Le pouvoir politique n’a pas eu le courage de modifier le statut de la peine de prison en raison de l’impact qu’une telle réforme pourrait éventuellement avoir sur l’électorat.
Maître Buyle a ensuite présenté la position d’Avocat.be qui milite pour que les peines consistent en des mesures appropriées à chaque situation particulière sans nécessairement être de la prison. Celui-ci a rappelé qu’au 21ème siècle, les prisonniers font toujours l’objet de traitements inhumains et dégradants en Belgique notamment en raison de la surpopulation[6]. Avocat.be a diligenté plusieurs procédures pour combattre cette situation[7]. L’Etat belge a été condamné à régler le problème sous peine d’astreintes importantes[8]. Lorsqu’on est en prison, le seul droit dont on est privé est celui d’aller et venir, les autres droits fondamentaux sont garantis. Il rappela également que sur les cinquante propositions faites par Avocat.be pour la justice, plusieurs concernent les peines et rejoignent les préoccupations des auteurs de l’avant-projet de loi.
Monsieur Macq a salué l’avant-projet de loi constitué d’un texte complet contenant une vision, ce qui est rare actuellement, l’habitude ayant été prise de légiférer au coup par coup. En Belgique, s’il y a un domaine dans lequel il n’y a pas de vision, c’est bien celui de la politique pénitentiaire[9].
Ensuite Maître Bayet qui constate que les divers intervenants se rencontrent sur beaucoup de points, précisa qu’il faut que la peine, si elle doit être comprise par l’inculpé, le soit également par les parties civiles. Or, les peines « alternatives » sont actuellement vues comme une manière d’échapper à la prison. Un travail d’éducation est à faire pour qu’elles aient du sens pour les victimes.
Un débat nourri est ensuite intervenu au cours duquel des avocats et des magistrats ont exprimé leur point de vue sur le sujet relativement à l’évolution de la situation.
Des personnes de la société civile, mais également une politicienne ont fait part de leur incompréhension par rapport à leur situation personnelle ou ont conseillé de créer un mouvement citoyen qui descendrait dans la rue[10].
Cette soirée fut très instructive et enrichissante. Avocat peu versé dans les matières pénales, j’ai rencontré un monde judiciaire pénal maltraité mais rempli d’énergie positive et qui semblait bien décidé à défendre les valeurs et les idéaux qui sont les siens.
Benoit Havet
Avocat au barreau du Brabant wallon
[1] Par exemple, la prévention de faux par un fonctionnaire est sanctionnée d’une peine de prison de 10 à 15 ans.
[2] Les courtes peines qui y sont prévues ne sont pas exécutées.
[3] Marquer la désapprobation de la société, restaurer l’ordre social et indemniser les victimes, favoriser la réinsertion, protéger la société et rechercher une juste proportion entre l’infraction et la peine.
[4] La prison ne fait que neutraliser temporairement le condamné qui est marginalisé à sa sortie avec le risque de récidive qui en découle.
[5] Augmentation des amendes plus importantes pour les infractions financières, peines de retrait de permis plus lourdes pour les infractions en voiture, condamnation de sociétés à allouer un budget pour un projet au profit de la communauté,…
[6] Raison supplémentaire qui justifie la création de nouvelles peines « alternatives » à la prison.
[7] A Bruxelles, Mons et plus récemment Verviers
[8] Plusieurs centaines de milliers d’euros par jour à partir de septembre prochain.
[9] Les prisons sont devenues des « hangars » surpeuplés où l’on entrepose les prisonniers sans possibilité de travail relatif à leur réinsertion.
[10] A l’instar de ce qui se passe en matière de climat.