Casa Legal, un cabinet innovant en matière d’aide juridique et d’accès à la justice

Casa Legal est un cabinet d’avocates créé par quatre consœurs bruxelloises en 2019.  Il s’agit d’un projet innovant en matière d’aide juridique et d’accès à la justice.  Nous avons pu les rencontrer afin qu’elles nous fassent part de leur expérience et développent leur originalité au travers des six questions suivantes.
 

QR : Quelles sont la structure et l’organisation du cabinet Casa Legal (ASBL, avocates salariées et indépendantes complémentaires pour certaines d’entre vous, staff administratif, …) ?

CL : Casa Legal n’est pas un « cabinet » d’avocat.e.s au sens commun du terme. C’est une asbl constituée initialement par des avocates mais qui se veut multidisciplinaire. Nous exerçons toutes à 100% dans l’asbl, qui nous verse un salaire fixe. Le statut d’indépendante complémentaire n’a été conservé que temporairement par certaines d’entre nous qui avions un cabinet précédemment, pour clôturer nos anciens dossiers (audience ou autre) et ne pas laisser nos anciens clients pour compte, mais nous n’ouvrons plus jamais de dossiers en tant qu’indépendantes. Notre « déformatage », comme on aime l’appeler, est en cours depuis plus de 3 ans maintenant – lorsque s’est initiée notre réflexion commune pour en arriver où nous en sommes aujourd’hui.
Nous avons également 2 avocat.es stagiaires, une intervenante psycho-sociale à mi-temps. Enfin, nous avons la grande chance d’avoir quelqu’un qui nous aide bénévolement à mi-temps pour le travail administratif.


QR : Le fait que vous soyez salariées entrave-t-il d’une quelconque manière votre indépendance dans votre travail d’avocates ?

CL : Non. Nous conservons pleinement notre indépendance intellectuelle. Cela est d’ailleurs précisé expressément dans nos contrats. 
Comme pour les médecins qui exercent parfois comme salariés en maisons médicales, les règles déontologiques indispensables à l’exercice de notre profession sont respectées. Nous y attachons une importance particulière.


QR : Quelle est la clientèle-type du cabinet Casa Legal et quelles sont vos matières préférentielles ?

CL : Pour l’instant nous pratiquons essentiellement le droit des étrangers, le droit de la famille, et le droit des victimes de traite d’êtres humains, d’exploitation économique ou de violences intra-familiales. Les dossiers « types » de Casa Legal sont des dossiers qui, soit mélangent plusieurs de ces problématiques, soit nécessitent un accompagnement psycho-social en sus de l’accompagnement purement juridique, en raison de la vulnérabilité particulière de nos bénéficiaires.


QR : Sauf erreur, Casa Legal est soutenu par diverses instances, entre autres au travers d’aides en matière d’hébergement et de dépêchement d’un assistant social à temps partiel.  Qu’en est-il ?

CL : Casa Legal a pu s’ancrer fortement dans le tissu associatif et travaille de manière rapprochée avec différentes associations (associations socio-juridiques, SSM [NDLR : Service de Santé Mentale], travailleurs de rue, AMOs [NDLR : services d’Action en Milieu Ouvert], maisons médicales,...). Très rapidement un partenariat privilégié s’est créé avec Caritas-Brabantia qui « délocalise » deux assistantes sociales (en alternance) une demi-journée par semaine au sein de nos locaux pour le suivi social de nos bénéficiaires qui en ont besoin, avec leur accord bien entendu. 
Nous avons par ailleurs récemment obtenu un financement ponctuel en matière d’innovation sociale qui nous a permis d’engager en interne notre première intervenante psycho-sociale à mi-temps, pour 18 mois, afin de tester cet accompagnement holistique intégré.


QR : Le fait que vous pratiquez diverses matières du droit, que vous soyez complémentaires dans l’équipe et que vous vous adjoignez un assistant social vous permet une approche holistique des justiciables.  Pouvez-vous nous faire part de votre vécu à ce sujet ?

CL : C’est un win-win à tous les égards. Les personnes se sentent manifestement mieux soutenues et plus en confiance, étant prises en charge par une équipe qui se créé autour d’elles et à plusieurs niveaux (juridique, socio-juridique, administratif). Et pour nous, il est également enrichissant de travailler en équipe, de se compléter, d’échanger. On ressent un impact plus important, une meilleure prise en charge des personnes, ce qui est gratifiant pour nous aussi. Notre impact est différent. Bien sûr, quand nous étions avocates indépendantes, comme beaucoup, nous tentions au mieux de prendre en charge des personnes vulnérables, des dossiers de principes, des dossiers chronophages avec des personnes parfois très en demande (multipliant les casquettes d’avocat.e, d’assistant social.e, et de psychologue parfois…). Mais ce n’est pas tenable sur le long terme. Ce n’est pas pour rien si beaucoup d’avocates engagées (car oui malheureusement cela reste majoritairement des femmes qui travaillent dans les matières dites du « care », proche de l’humain), finissent par abandonner la toge.
Casa Legal répond donc à cette double problématique, tant pour les bénéficiaires que pour les personnes qui travaillent en son sein.


QR : Casa Legal a reçu un prix bruxellois en tant que projet innovant en matière d’économie sociale.  Félicitations !  Quelles caractéristiques ont été mises en exergue dans le cadre de l’obtention de cette distinction ? »

CL : Le caractère innovant de notre modèle, qui fait bouger les lignes au sein du barreau, à l’image des premières maisons médicales dans les années 1970, a joué selon nous un rôle dans l’attribution de ce prix – qu’on ne s’attendait, en toute franchise, pas à recevoir, étant en lice avec New B notamment… La prise de risque économique et entrepreneurial de Casa Legal et de ses fondatrices a ainsi été récompensée.

Ensuite, l’accent mis par Casa Legal sur le décloisonnement des professions a également été mis en avant. Casa Legal est née notamment de ce constat : la profession d’avocat.e est particulièrement cloisonnée. Or, il est pour nous évident que l’avocat ne se suffit pas à lui-même pour une prise en charge optimale des justiciables – en tout cas pas de tous les justiciables. Chacun.e, avec notre casquette, nous sommes nécessaires et complémentaires et il est essentiel de créer plus de ponts entre les différentes professions afin de déconstruire les stéréotypes prêtés à chacune d’elles, de véhiculer une meilleure information au public, et d’offrir un meilleur accompagnement aux bénéficiaires. Dès lors, en sus de notre service d’accompagnement holistique, nous avons, par exemple, récemment organisé un premier « atelier de décloisonnement » des professions autour de la question des femmes étrangères victimes de violences intrafamiliales, rassemblant autour de la table des personnes issues du milieu judiciaire (parquet – cellule spécialisée violences intra-familiales ; auditorat du travail – cellule spécialisée en TEH), policier, médical, associatif, public (administration communale), et du barreau (avocats). C’était réellement passionnant mais aussi très instructif et constructif (des idées concrètes étant nées de cet atelier).

Il fallait par ailleurs remplir les critères de l’économie sociale à savoir la primauté de l’humain sur le capital (ici : la forme d’asbl, le salariat excluant toute notion de profit personnel), et la gouvernance participative (modèle « horizontal ») notamment. L’économie sociale, ce sont des milliers d’entreprises qui partagent des valeurs (démocratie, coopération, solidarité,..) et tentent de construire une société plus cohérente, harmonieuse et durable, avec pour objectif de rendre service à la collectivité, dans le respect du travailleur et de son environnement. 


Quentin REY
Administrateur

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