Retrouvez dans cette rubrique l’expression, l’injure, le mot et la curiosité grâce auxquels vous pourrez tenter de paraître intelligent et cultivé en société !
L’expression : Poser un lapin[1]
Faire attendre quelqu'un en n'allant pas au rendez-vous qu'on lui a fixé.
Si vous faites le pied de grue[2] en attendant sans succès la venue d'une personne qui n'arrive pas à votre rendez-vous, c'est incontestablement que cette personne vous a « posé un lapin ».
Cette expression, qui date de la fin du XIXe siècle, a d'abord signifié « ne pas rétribuer les faveurs d'une femme » et elle viendrait de la combinaison de deux termes argotiques poser et lapin (qui l’eût cru ?).
D'un côté, en 1883, Alfred Delvau, dans son Dictionnaire de la langue verte, donne à faire poser la signification « faire attendre ».
De l'autre côté, en 1889, Lorédan Larchey, dans son Nouveau supplément du Dictionnaire d'argot, indique que lapin est employé là par allusion au « lapin posé sur les tourniquets de jeux de foire, qui paraît facile à gagner et qu'on ne gagne jamais ».
Autrement dit, le « poseur de lapin », terme qui a bien existé à cette époque, était celui qui faisait attendre son paiement (le lapin), ad vitam aeternam, à la femme dont il avait profité. Dans ce cas, poser un lapin se disait bizarrement aussi brûler paillasse et c'est à cause de cette pratique que les dames de petite vertu ont pris l'habitude de faire payer d'avance leurs services.
Pour le sens actuel de l'expression, apparu également à la même période, il est probable qu'il y ait eu un glissement d'une attente non comblée (celle du paiement) vers une autre attente également non comblée (celle de la personne attendue), puisque dans les deux cas, il s'agit d'un engagement qui n'est pas tenu, ce que semblerait confirmer a posteriori l'édition de 1922 du Larousse universel, où il est indiqué : « Poser un lapin : (…) par extension ne pas tenir un engagement, une promesse ».
Il est possible que ce sens ait été influencé par une des significations de lapin au début du XVIIe siècle.
En effet, à cette période, lapin s'employait pour parler d'une histoire complètement inventée, source de moqueries, qui était parfois qualifiée par la forme suivante : « celle-là est de garenne », faisant allusion au lapin de garenne, plus gros que le lapin ordinaire, forme qui nous est confirmée par le Dictionnaire de l'Académie française de 1694, où on trouve à l'entrée garenne : « On dit proverbialement et bassement d'un conte ou d'un trait d'esprit dont on le raille celui-là est de garenne ».
Alors, on peut imaginer que ce lapin-là ait glissé ou bondi de l'histoire ou la blague douteuse à la plaisanterie douteuse comme celle de donner un faux rendez-vous.
L’insulte : Chaud comme une caille
Chaud lapin
Cette expression s’appliquait aux hommes coureurs, qui affichaient un tempérament « aussi lascif que celui de la caille »[3]. Néanmoins, il semble évident que la température élevée de la caille (41°C) justifie cette expression.
Le mot : Moulin, n.m.
Géol. : Chute d’eau qui se creuse un conduit à l’intérieur d’un glacier.
La curiosité : La famille Piscine et poisson
Le lecteur va probablement être fort étonné, mais les premières utilisations de piscine font état d'un sens bien différent de celui avec lequel nous employons ce nom. Emprunté au latin piscina, « vivier » puis « bassin », et attesté en français vers 1190, piscine désigna d'abord un bassin où, à Jérusalem, on purifiait les victimes pour un sacrifice.
Plus paisiblement, il signifie « bassin dans lequel on se purifie » vers 1225. Longtemps, piscine a désigné des bassins en rapport avec un culte religieux, avant de prendre les sens suivants : « réservoir à poissons » (1505), « vaste bassin rempli d'eau pour se baigner » (1555), « bassin d'un établissement thermal » 1854, et enfin « bassin où l'on fait des exercices de natation » (1892).
Mais d'où provenait le latin piscina ? La réponse est simple : il s'agit d'un dérivé du nom latin piscis, « poisson », évidemment à l'origine de notre poisson français qui eut tout d'abord la forme peis ou pois, puis la forme pescion vers 980, avant de prendre celle que nous lui connaissons. On constate donc que piscine et poisson sont frères et sœurs. Au fond, c'est logique.
Jean-Joris Schmidt,
Ancien administrateur
[1] A nouveau, merci à Xavier Van Gils qui m’a soufflé cette expression, alors que je n’avais que deux heures de retard.
[2]Faire le pied de grue se disait au XVIe siècle faire (de) la grue et au XVIIe siècle faire de la jambe de grue, alors que le verbe gruer voulait aussi dire « attendre ». Toutes ces formes ont bien entendu pour origine notre échassier capable de rester longtemps debout à attendre on ne sait quoi ou dormir. Un peu comme nos « grues » des trottoirs, surnom qu’on donne depuis 1415 à ces dames faisant commerce de leurs charmes et qui attendent le client, adossées à un mur, un pied au sol et l’autre appuyé au mur, les faisant ainsi ressembler à nos gruidés des marais. Mais si les prostituées s’appellent ainsi, ce n’est pas vraiment à cause de leur éventuelle position sur ne jambe, mais surtout parce qu’elles font le pied de grue sur le trottoir. Et voilà, deux expressions pour le prix d’une… ne me remerciez pas.
[3] On utilise aussi cette expression pour décrire une personne qui est très affectueuse et qui donne une sensation de chaleur agréable. https://www.youtube.com/watch?v=G4WA_ER_VLs