La culpabilité ressemble à un grand feu, disait le proverbe persan. Il ne suffit pas d’éteindre les flammes pour en anéantir les braises.
Pourquoi toutes les femmes que Jean Sardi commence à aimer meurent-elles tragiquement ? Malédiction ? Depuis que ce plongeur émérite a perdu Marion, son épouse, au cours d’une plongée risquée au Groenland, après l’avoir abandonnée dans une grotte de glace pour aller chercher des secours et n’avoir pas été capable de la retrouver ensuite, toutes les femmes qu’il approche meurent de façon violente : accident stupide ou disparition inexpliquée.
Mais là, les choses viennent de changer. Le corps sans pied qui vient de remonter à la surface et qui porte d’étranges traces de scarifications pourrait aussi être celui d’une de ses ex…
Chloé Latour, commandante de la brigade criminelle, ne parvient pas à croire à l’accident. Il faut dire qu’elle aussi a un passé.
Chloé aurait dû être avocate. Au lieu de cela elle était devenue flic, une réorientation qui lui avait paru naturelle, évidente. Combattre le mal à la racine était le meilleur moyen de tenir sa culpabilité à distance. De réparer sa faute.
C’est elle qui avait poussé sa compagne à faire du sport. À se dépasser. Une dictature de la performance imposée par orgueil, par narcissisme. Elle voulait une alter ego parfaite, une partenaire à sa hauteur. Au bout du compte elle avait jeté Sophie dans les griffes d’un psychopathe. Un tueur de femmes, qui avait frappé à l’aveugle plusieurs fois avant de s’évanouir dans la nature sans que la police réussisse à l’arrêter.
L’acte commis par ce fou avait achevé de la dégoûter des hommes.
C’est donc une enquête dans les milieux de la plongée sous-marine, discipline qu’il pratique lui-même en amateur, qu’Olivier Descosse, avocat à Marseille1, a choisi de nous raconter.
Je ne vous en dévoilerai évidemment ni les rebondissements, ni l’issue. Disons que le récit est haletant, bien mené, mais qu’il n’est pas de nature à me réconcilier avec les fonds marins2. Comme souvent, lorsqu’un polar est réussi, on en avale les dernières pages avec fébrilité.
Cela ne m’empêchera cependant pas d’épingler un de ces passages qui retiennent toujours mon attention.
Dans le manuel du parfait policier, comme dans le Code pénal, il y a des règles auxquelles chaque flic doit se soumettre. Elles ont pour but de garantir un certain équilibre entre des forces antagonistes. D’un côté la liberté individuelle, de l’autre la nécessité de faire régner l’ordre. Sans elles, la société bascule dans l’anarchie ou, pire, la dictature.
Voilà pour la théorie.
Dans la réalité, il faut parfois composer avec les grands principes. En termes plus directs, s’assoir sur le règlement pour obtenir des résultats. Un seul impératif : ne pas se faire gauler.
Air connu.
Patrick HENRY
Ancien Président
1 Il pourrait donc avoir croisé ma sœur, qui exploite un centre de plongée à Cassis. L’histoire se passe d’ailleurs le long de côtes que j’ai souvent longées avec elle.
2 Car, si ma sœur passe sa vie sous l’eau, je n’ai, quant à moi, jamais réussi à goûter à ces plaisirs. Les bizarreries de la vie…
