A chaque livraison de la Tribune, nous tentons de vous rappeler certains principes de déontologie par des exemples pratiques.
Dans le cas présent, il s’agira d’évoquer sur quels plans l’indépendance de l’avocat doit s’exercer.
«(..), (L)’avocat veille, en conscience, tant aux intérêts de ceux qu’il conseille ou dont il défend les droits et libertés qu’au respect de l’État de droit. Il ne se limite pas à l’exercice fidèle du mandat que lui a donné son client » (article 1.1 du code de déontologie).
Notre mission est donc d’intérêt général et d’intérêt social.
L’avocat n’est pas à proprement parler un auxiliaire de justice, mais un organe légal d’accès au droit et à la justice.
Il apporte son concours à la solution des litiges que le juge est chargé de trancher.
Mais, au contraire du juge, l’avocat a un devoir de partialité puisqu’il défend une cause et des intérêts particuliers contre l’autorité publique ou contre d’autres intérêts particuliers concurrents.
Notre code poursuit en précisant que :
« L’avocat est tenu des devoirs suivants :
a) la défense et le conseil du client en toute indépendance et liberté » (article 1.2 (a) du code de déontologie)
L’avocat doit donc exercer sa mission de façon libre et indépendante, gage de la relation de confiance avec le client et de l’efficacité de sa défense.
Cette indépendance doit avant tout s’accrocher à une réflexion individuelle sur la manière dont chacun approche sa pratique professionnelle.
Il s’agit d’une vigilance constante dans ses relations avec des proches, des clients, des confrères, ceux dont on dépend financièrement, etc. ;
Et pourtant, l’indépendance reste une qualité mentale aux contours vagues, difficile à interpréter dans la réalité du travail.
En effet, l’indépendance parfaite est un mythe : les convictions politiques, les croyances religieuses, les amitiés, les relations sociales, les obligations financières, pour ne pas parler de l’inconscient sont autant d’éléments susceptibles d’influencer la liberté de jugement et l’indépendance dans la conduite du métier.
De plus, l’indépendance, liée à l’honnêteté intellectuelle et morale de chacun, est aussi la qualité publique du comportement attendu de l’avocat, étanche aux pressions et influences inopportunes.
L’avocat construira cette indépendance sur plusieurs plans :
À l’égard de lui-même en plaçant la fidélité aux valeurs de la profession plus haut que la satisfaction de ses intérêts particuliers, de ses propres convictions ou opinions.
À l’égard des pouvoirs politique, économique ou social, aux pressions desquels il résistera.
À l’égard du client dont il demeure un conseiller, auquel il n’a pas à obéir même s’il a à en recevoir un mandat pour agir en son nom devant les tribunaux. L’avocat reste libre d’accepter ou de refuser une cause, d’user ou non de tel moyen en vue de telle fin. Il orientera, triera, formalisera les demandes du client. Parfois même, il lui incombera de canaliser l’agressivité du client.
À l’égard du parquet et de l’adversaire de son client auxquels l’avocat doit rester libre d’apporter une contradiction loyale mais ferme.
À l’égard de l’institution judiciaire et de la magistrature auxquelles il doit respect sans pour autant y être aucunement subordonné.
Fort de ces principes, l’avocat se gardera notamment de s’identifier verbalement à son client, de prendre à son compte des reproches ou des accusations dirigées contre l’autre partie, contre son avocat ou contre des tiers, de paraître pour le témoin ou le garant de son client, de défendre les intérêts d’un proche, d’accepter des thèses qui sont contraires aux pièces du dossier, de nouer avec son client des relations qui compromettent son indépendance.
Jean-Noël BASTENIERE,
Administrateur