Ce 7 décembre, le rendez-vous donné à l’Orateur, Me Thomas CROMBEZ, était fixé aux Anciens Abattoirs de Mons…
On ne dirait pas comme ça, quand on nous voit tous en toge mais, en fait, le monde judiciaire est chargé de poésie…
Prenons un exemple, depuis son inauguration, le discours de Rentrée se faisait à la Cour d’appel, située dans une rue nommée initialement « la rue du marché aux bestiaux » et renommée pour l’occasion « la rue des Droits de l’Homme »...C’est déjà presque lyrique…
Aujourd’hui, on continue et le bruit court qu’on envisage de renommer « la Salle des Pas Perdus » des Cours de justice « la Salle aux Chantiers Abandonnés », ce qui explique que notre Orateur doive passer du marché aux bétails aux abattoirs… dans 2 ans le discours se donnera sûrement à « la rue de la petite triperie », située un peu plus bas en ville...Ça ferait rêver…Mais assez perdu de temps avec ces digressions bucoliques…
Nous nous sommes donc rendus aux abattoirs pour écouter Me CROMBEZ.
L’Orateur nous annonçait qu’il allait « faire son cinéma » !
C’est toujours magnifique de voir un Confrère se déshabiller devant nous, retirer son fard et ses protections pour nous dire : «Me voici ! Aimez-moi ! Huez-moi ! Voici ce que je suis ! »
Me CROMBEZ va commencer par une réflexion sur le quatrième mur et son rôle à lui, celui d’orateur…
Dans une courte élocution, il nous expliquera comment le cinéma s’est développé sur les 100 dernières années.
Il enchainera en nous parlant de son rapport au cinéma, à lui, comment il a été troublé lorsqu’il a découvert le cycle de la vie dans le Roi Lion, comment il s’est trouvé confronté à la collection de films de son grand-père, comment il s’est gorgé des grandes leçons de vie du cinéma français : « Le meilleur moyen de faire croire que tu connais tout, c'est de ne jamais avoir l'air étonné. Tu as compris. Parce que toi, tu as souvent l'air étonné, c'est un défaut. Là je vais te dire un truc étonnant, (...) et oui c'est étonnant mais ça doit pas t'étonner ».
Puis sa découverte du cinéma américain et des films de science-fiction…
Il semblerait que la première trilogie Starwars ait marqué sa vie et consolidé une sorte d’âge d’or dont les développements récents seront l’expression de sa désillusion…
Il a été confronté au choix qu’on doit tous faire un jour ou l’autre : « La pilule bleue ou la pilule rouge ? »
Il a choisi la pilule rouge ! Mais comme toute personne qui fait ce choix, ce qu’on lui offre ce n’est pas le bonheur… « N'oublie pas, je ne t'offre que la vérité, rien de plus » rappelait Morpheus dans Matrix.
Et ce choix le laisse amer…
Parce qu’en fait, il en veut à « l’industrie » Me CROMBEZ…
Comment a-t-on pu souiller ses rêves d’enfants ? Comment la compagnie Disney a-t-elle pu renoncer à toute envergure cinématographique ? Comment l’absence de scénario est-elle devenue une constante dans la production actuelle ?
Me CROMBEZ nous explique succinctement que « le besoin » de rentabilité a étouffé toute possibilité de prise de risque et que sans prise de risque il n’y a plus de place pour l’art, pour un peu de poésie, voir même, simplement, pour un peu de bon cinéma…
Que ce soit les nouveaux Starwars, les films Disney/Marvel ou les classiques transformés en Live action (vous voyez le Roi Lion mais avec des images de vrais animaux) le problème est le même, on est face à un bel emballage… la forme est séduisante mais le fond inexistant.
Le constat est regrettable et semble l’expression d’un mal plus profond.
A y réfléchir notre société tout entière n’est-elle pas devenue une forme séduisante mais sans fond ? Les politiques ont abandonné les grands projets de sociétés pour se concentrer sur la com’, le journalisme a perdu sa vocation à émanciper, le vivant est en train de disparaitre pour permettre « la modernité » ?
Qui pourra nous aider ? Belmondo ? pas trop « Me Too compliant »…Indiana Jones ? le fouet n’est plus politiquement correct… Robocop ? Difficile après les gilets jaunes et le gazage d’Olivier DE SCHUTTER…
Me CROMBEZ conclura, lui, en tentant d’allier le fond et la forme par un slam nous invitant à la singularité :
« J’ai une idée pour ce cinéma qui se trouve dans les bas-fonds
Pourquoi pas tous ensemble nous atteler à sa transformation
Dans ce monde uniforme où tout va à fond la caisse
Où on a réduit à une boucle de ceinture la sagesse d’Hermes
Je vous le dis formellement, je compte sur la jeunesse
Pour réduire fondamentalement mon sentiment de tristesse.
C’est l’heure, il est temps, une nouvelle vague il vous faut former
Pour que le système en place à Hollywood puisse s’effondrer
Sortez de votre zone de confort, ne suivez pas la norme
Et surtout en toute chose ne privilégiez pas au fond, la forme »
Me Ornella CESARO va lui répliquer avec beaucoup de douceur : « Calmez-vous Monsieur l’Orateur…Disney restera cette boîte à rêve pour les enfants ! » La seule chose c’est que Disney s’adapte avec son temps…la Princesse des neiges est le symbole du refoulement et de la différence, le miroir de l’évolution de la société.
Me CESARO en profitera d’ailleurs pour nous rappeler où nous en sommes sur le plan législatif à l’égard de la question des transgenres avant de revenir finalement sur la défense de Disney et de ses parcs d’attraction.
Après ces beaux échanges, nous sommes tous allez boire plus que de raison et rire aux sketchs savoureux que nous avait préparés l’équipe de la revue.
En guise de conclusions, je ne peux que reprendre les fameux mots de Confucius, à la sortie du dernier film de Polanski : « Que la force soit avec vous ! »
Nicolas Alaimo
Avocat au barreau de Mons