Atelier : Les questions fiscales liées à la liquidation et au partage d'un régime matrimonial et/ou d'une succession

Président : Me Jean-Emmanuel BEERNAERT, avocat au Barreau de Bruxelles

Intervenant : Me Gilles de FOY, avocat au Barreau de Bruxelles

Rapporteur : Me Margaux PAULUS, avocate au Barreau de Liège-Huy


Dans le cadre d’une séparation ou de l’ouverture d’une succession, l’attention première des professionnels porte régulièrement principalement sur les personnes elles-mêmes ou sur la gestion de l’indivision existant entre les parties. De cette manière, les questions fiscales peuvent se retrouver au second plan, voire sont négligées dès lors que leurs effets ne sont pas nécessairement perceptibles au moment présent. Or, ne pas organiser les opérations à la lumière de la fiscalité peut représenter une réelle « bombe à retardement », avec des répercussions financières considérables et non négligeables à court et à moyen terme. Cet atelier a ainsi permis d’attirer l’attention des praticiens sur de multiples problématiques auxquelles les avocats ne pensent pas forcément, et ce, dans l’objectif d’éviter à leurs clients de mauvaises surprises, des « manques à gagner » ainsi que des litiges avec l’administration fiscale ou entre parties concernées.

I. LIQUIDATION-PARTAGE D’UN REGIME MATRIMONIAL

  1. Rappel des principes fiscaux applicables durant le mariage

L’exposé de Maître de FOY a commencé par un rappel de quelques règles élémentaires en matière de fiscalité des couples :

  • Principe de déclaration fiscale commune pour les époux, sauf exceptions (entrée/sortie du mariage, séparation de fait ou de corps, fonctionnaires internationaux) ;
  • Solidarité fiscale entre les époux, qui implique que le fisc peut se retourner contre l'un ou l'autre, voire les deux, en cas de dette fiscale, et ce, même plusieurs années après le divorce (tant que l’impôt est afférent à la période du mariage). Fort heureusement, il est possible pour l’époux concerné de se protéger de l’administration s’il a respecté et démontre le principe de traçabilité des « biens propres » (ce qui n’est souvent pas le cas en séparation de biens).
  1. Droits de partage immobiliers

Les droits d’enregistrement dus au moment du partage de la propriété dépendent du lieu de localisation de l’immeuble, et varient selon les régions. En cas de négociation d’un accord, il est donc crucial d’être attentif à la localisation des biens à partager – et de ne pas se tromper dans les taux à appliquer – sous peine de remettre en cause l’équilibre global trouvé entre les parties.

Ces droits sont d’1 % en Région wallonne et à Bruxelles. En Flandre, ils sont de 2,5 %, mais peuvent être réduits à 1 % (« miserie tax ») dans le cas spécifique des ex-époux et des cohabitants légaux (à condition, dans cette dernière hypothèse, de respecter les critères et délais spécifiques). Ils seront, sauf dérogation conventionnelle, mis à charge du cessionnaire, et calculés sur la totalité du bien (et non sur la valeur de la quote-part cédée) en cas de cession de droits indivis « classique » (c’est-à-dire mettant fin à l’indivision existant sur le bien).

  1. Taxation de la plus-value immobilière

Les différentes conditions auxquelles une plus-value immobilière (qui ne porte pas sur la maison d’habitation occupée à titre de logement familial) peut être taxée, généralement au taux de 16,5 %, ont ensuite été passées en revue.

Deux sous-questions ont également été abordées :

  • L’’administration fiscale peut-elle invoquer l’acte de partage pour imposer une plus-value immobilière ? Oui sous réserve de ce qu’il convient de prendre en considération la position administrative spécifique liée à l’article 90, 8° du CIR/92. Cette disposition prévoit que sont imposables « les plus-values réalisées, à l'occasion d'une cession à titre onéreux, sur des immeubles non bâtis situés en Belgique ou sur des droits réels autres qu'un droit d'emphytéose ou de superficie ou qu'un droit immobilier similaire portant sur ces immeubles ». Le commentaire administratif prévoit cependant que « Ne sont donc pas imposables sur pied de l'art. 90, 8°, CIR 92, les plus-values afférentes : (…) 3° à des biens que le cédant a recueillis lors du partage d'une communauté légale [Par communauté légale il y a lieu d'entendre le régime matrimonial des époux défini aux art. 1398 à 1450, C. Civ. (régime légal)]; » ; en effet dans ce cadre l’acquisition onéreuse fait défaut. Par hypothèse, l’administration ne pourrait se prévaloir d’une imposition dans le cadre du partage de la communauté ni d’un délai prenant cours au moment du partage de la communauté.
  • Le cédant pourrait-il demander un reliquat de la soulte au vu de la plus-value attestée sur le bien ? Effectivement, cela est possible (bien que cela soit inopposable au fisc), mais cela est surtout recommandé, selon Me de FOY, qui suggère d’intégrer une clause anticipant et répartissant les risques liés à la requalification d’un bien / d’une plus-value immobilière par l’administration fiscale.
  1. Dettes d’impôt en cas de séparation

Une autre question clé porte sur la répartition de la dette fiscale entre les époux l'année de leur séparation. L’article 144 AR/CIR apporte trois « corrections » permettant de déterminer la quote-part de chaque partenaire dans l’imposition commune. Toutefois, nous l’avons vu au moyen d’un exemple « classique », ces « corrections » peuvent s’avérer être insuffisantes pour, notamment, contrer la compensation opérée par l’administration entre la dette fiscale de l’un, et le bonus fiscal de l’autre. A nouveau, il est suggéré aux parties d’anticiper cette hypothèse et de prévoir une clause garantissant l’équilibre financier qui résulte du calcul d’impôts.

  1. Rentes alimentaires, soultes et fiscalité

Un point d’attention a ensuite été porté sur le fait que l’imposition d’une rente alimentaire ne dépend pas de sa déductibilité. Ainsi, ce n’est pas parce que les parties ne déduisent / déclarent pas de rentes alimentaires dans leur déclaration, que l’administrateur ne pourra pas taxer elle-même la contribution.

En ce qui concerne le versement d’une soulte, des solutions ont également été proposées aux participants afin d’éluder tout risque que la transaction soit qualifiée d’abus fiscal.

II. LIQUIDATION-PARTAGE D’UNE SUCCESSION

  1. Option héréditaire

L’acceptation d’une succession, qu’elle soit pure et simple ou sous bénéfice d’inventaire, peut être piégeuse pour l’héritier ou le légataire qui peut alors être redevable de droits de succession, et ce, même si la succession est nulle sur le plan civil. 

  1. Évolutions régionales

Si l’on peut se réjouir des récentes avancées législatives bruxelloises (ex. : assimilation fiscale - dans une large mesure - des partenaires de fait aux cohabitants légaux et aux conjoints ; extension de l’exemption des contrats d’assurance-groupe aux cohabitants légaux ; …), force est de constater que la région wallonne est à la traine, ou ne se donne pas les moyens de ses ambitions.

  1. Moyens de preuve spéciaux de l’administration

Au travers d’un exemple, Me de FOY a parfaitement démontré que l’administration peut s’avérer tenace et qu’il y a lieu de sensibiliser toute personne qui joue un rôle de mandataire, pour rendre service à un membre de son entourage proche, au fait qu’il lui faut absolument un quitus, à défaut de quoi cette personne risque d’être fortement ennuyée – et taxée – si l’administration, via ses moyens de preuve spéciaux, décide d’aller creuser dans les comptes de la personne défunte.

En outre, en cas de procédure contentieuse avec l’administration, il vaut toujours mieux provisionner les droits pour couvrir le risque des intérêts qui peuvent s’accumuler tout au long de la procédure.

  1. Divers

Pour terminer, il a été rappelé, d’une part, qu’une dette uniquement reconnue par testament était assimilée à un legs, et que, d’autre part, en cas de changement de dévolution, il ne fallait pas perdre de vue que les biens de la succession devaient être revalorisés au jour du changement de dévolution.

Enfin, en cas de litige entre les héritiers, il ne faut pas hésiter à faire désigner un administrateur afin de conserver les droits des parties notamment s’il est question d’introduire une réclamation fiscale à l’impôt sur les revenus pour un exercice d’imposition concernant le défunt.

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